Liz Truss a annoncé sa démission après plusieurs longues journées de crise politique intense, de contestation interne, et de ministres démissionnaires. Celle qui se rêvait en Thatcher inflexible et insubmersible n’aura donc pas fait long feu.
Mais, au-delà de cette péripétie, le cas britannique donne une première idée de ce qui pourrait arriver à Emmanuel Macron s’il ne modifie pas sa politique budgétaire. Car Liz Truss a bien été emportée par une tourmente qui pourrait tout à fait arriver à la France, si le parapluie de l’épargnant allemand n’existait pas.
Liz Truss et le déficit public
N’en déplaise aux gauchistes et socialistes en tous genres, Liz Truss a expérimenté les risques d’une politique fondée sur le déficit public non financé dont l’objectif est de défendre le pouvoir d’achat. Le mini-budget qu’elle a présenté après avoir limogé le directeur du Trésor était en effet fondé sur un “bouclier énergétique” limitant la facture des ménages à 2.500£, sur des aides aux entreprises et des baisses d’impôt pour les plus riches sans aucune diminution des dépenses budgétaires.
Alors que la Banque d’Angleterre avait prévu de commencer son Quantitative Tightening début octobre, elle a dû y renoncer en urgence pour soutenir la dette britannique, objet d’une spéculation cataclysmique de la part des marchés. Les taux auxquels le gouvernement britannique empruntaient ont brutalement augmenté lorsque Truss a dévoilé ce plan.
Finalement, un nouveau chancelier de l’Echiquier (ministre de l’Economie outre-Manche) a repris les choses en main et annoncé l’abandon de ce “mini-plan” qui menait le pays à la ruine.
Un coup de semonce pour la France
Dans la crise britannique, on retrouve tous les ingrédients du mal français : des dépenses publiques nouvelles sans remise en cause de l’existant, des déficits abyssaux, et une gestion de la crise énergétique à la petite semaine. L’erreur de Truss est de croire qu’elle peut priver la Grande-Bretagne de ses sources d’énergie sans en faire payer le prix à sa population.
Faute d’avoir compris qu’il fallait assumer le prix social et politique de son atlantisme forcené, les marchés l’ont durement sanctionnée.
Les mêmes constats pourraient s’appliquer à la France. Le projet de loi de finances, totalement irréaliste et passé au forceps du 49-3, pour 2023, n’est guère plus brillant que le “mini-projet” de Truss. Comme en Grande-Bretagne, Macron met en place un “bouclier tarifaire” qui consiste à faire endosser par la dette (donc par les générations futures) le prix de l’atlantisme et de l’insane rupture énergétique brutale ave la Russie. Et comme en Grande-Bretagne, le déficit prend des proportions inimaginables jusqu’ici.
Rappelons le projet macroniste pour 2023 :
Autrement dit, le gouvernement table sur la croissance future pour éponger les déficits, sans envisager une baisse des dépenses publiques en volume. La seule différence majeure avec Truss est que Macron se montre discret sur les baisses d’impôts qu’il pratique (l’essentiel, la suppression de l’ISF, ayant été adopté en 2017…).
Pour le reste, le mini-budget de Truss puise aux mêmes sources “philosophiques” socialo-keynésiennes que la politique économique de Macron. Les initiés savent que tout cela ressemble aux préconisations du Great Reset, à cette différence près que le Great Reset prône des hausses d’impôts pour les plus riches.
Bref, les mêmes causes qu’en Grande-Bretagne pourraient avoir les mêmes effets en France.
Pourquoi le parapluie allemand nous sauve
Une question se pose : pourquoi la France ne subit-elle pas encore le même sort que la Grande-Bretagne ? Parce que, pour répondre simplement, le parapluie de la BCE, c’est-à-dire de l’épargnant allemand, ne protège plus la Grande-Bretagne (même si cette protection fut indirecte entre 1992 et 2020), mais protège encore la France.
Avec le Brexit, en effet, la Grande-Bretagne échappe à tous les mécanismes de mutualisation des risques. La France en bénéficie encore, pour l’instant. En particulier, la France bénéficie du Quantitative Easing (des rachats d’actifs) pratiqués par la BCE, alors que la Banque d’Angleterre avait décidé d’abandonner ces achats.
Il faut comprendre ici que la BCE a pu décupler la taille de son bilan en une dizaine d’années grâce à la confiance que les marchés accordent à l’épargne allemande. Si la France avait été seule, elle n’aurait jamais pu s’endetter de manière aussi importante qu’avec la BCE.
C’est ce que la Grande-Bretagne vient de douloureusement expérimenter.
Quand cessera le parapluie allemand ?
Une question se pose alors avec vigueur : le parapluie patrimonial allemand est-il éternel, ou bien existe-t-il un risque de le voir se refermer et de laisser la France seule exposée aux marchés ?
C’est tout l’enjeu de la crise qui s’ouvre. Nous avons plusieurs fois évoqué les dissensions de plus en plus apparentes entre les colombes de la BCE, partisanes d’un Quantitative Tightening tardif, et les faucons qui préconisent un resserrement rapide pour lutter contre l’inflation. Notre conviction est que ces dissensions n’en sont qu’à leurs débuts, et qu’elles iront en s’aggravant au fur et à mesure que la crise ukrainienne va dégrader les conditions de vie en Occident.
Dans les douze prochains mois, les voix allemandes contestant le prix de la solidarité avec la France (et l’Italie) devraient s’amplifier. Elles commencent déjà à se faire entendre, comme le montre Edouard Husson aujourd’hui. C’est à ce moment-là (probablement au printemps 2023) qu’il faudra commencer à se faire du souci.
La politique d’Emmanuel Macron est en effet d’autant moins réaliste qu’elle est fondée sur des prévisions de croissance qui sont purement fantaisistes. L’Europe entre en récession, et la survie budgétaire sera beaucoup plus compliquée qu’il ne l’a expliquée aux Français.
Bref, pour l’instant, les invités font semblant de s’amuser au bal de la caste dont la retransmission en direct sur le petit direct endort nos consciences et illumine nos soirées. Mais peu à peu les masques se raidissent, et l’explication finale pourrait être douloureuse pour beaucoup de Français qui croient encore au père Noël budgétaire.