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e-générosité pour ravis de la crèche !

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La chronique de Philippe Randa

Dans un passé de moins en moins récent, se montrer chaque dimanche à la messe était certes un acte de piété pour beaucoup, mais aussi une occasion de paraître pour certains.

Ainsi de certains fortunés qui, à la sortie de l’office, s’attardaient sur le parvis pour sortir leur bourse et lâcher quelques piécettes aux malheureux qui demandaient l’aumône. Il fallait que cela se voie, se sache, se dise… Une bonne action, surtout à moindres frais et à condition d’être publique, faisait son bourgeois aussi sûrement que son embonpoint.

À quoi cela sert-il d’être généreux si ça ne se voit pas, hein ?

Autres temps, autres mœurs, les progrès technologiques permettent désormais à la générosité des uns de faire le bonheur des autres sans même avoir à sortir de chez soi…

L’ONG GiveDirectly considère en effet que les pauvres sont les plus à même de dépenser les aides qu’ils reçoivent avec efficacité, c’est-à-dire selon leur bon vouloir et non de celui de leurs bienfaiteurs, si tant est que, comme les bourgeois d’antan, ceux-ci s’en soient toujours préoccupés plus que cela.

Concrètement, « (le) principe est simple : (GiveDirectly) identifie les villages ou les foyers les plus pauvres et leur verse directement de l’argent, souvent par un transfert sur mobile […] Et, si l’argent est transféré directement sur le compte du bénéficiaire, les risques de corruption ou de détournement diminuent considérablement » (Le Monde, 8 novembre 2017).

La philosophie de cette e-générosité est simple : la personne concernée (par le manque de moyens) serait la plus à même de savoir ce qui lui est le plus nécessaire… Ce que Abhijit Banerjee et Esther Duflo, les directeurs du J-PAL (l’Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab) confirment dans leurs études : « C’est précisément parce que [les pauvres] ont si peu qu’on les voit prendre le temps de la réflexion avant de décider : ils doivent être des économistes talentueux juste pour survivre » (Économie utile pour des temps difficiles, Seuil, 2020).

« Trop souvent, on donne des aides, des moyens sans dire aux bénéficiaires comment les utiliser ou sans leur demander comment ils veulent les utiliser. Il y a quelque chose de profondément paternaliste à prendre ce genre de décisions à Genève, à Londres, à New York », explique ainsi avec un air de ravi de la crèche un dirigeant de GiveDirectly, à l’évidence tout à fait confiant dans l’usage qui sera forcément fait de l’argent ainsi distribué en toute béate confiance.

C’est beau de croire dans l’honnêteté, l’intelligence et la compétence des plus démunis et après d’une telle déclaration d’amour et d’espérance dans l’humanité, il serait parfaitement inapproprié d’en douter, même un tout petit peu…

Mais ayons tout de même une (mauvaise) pensée pour ces sympathiques clochards d’antan qui vous demandaient une p’tite pièce en déclarant (comme Gérard Jugnot dans le film Le Père Noël est une ordure) : « J’vais pas vous mentir, c’est pour aller m’payer une chopine »

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