Contexte géopolitique encadrant la succession du duché de Bretagne.
La jeunesse d’Anne de Bretagne est bercée par des luttes d’influence autour des questions successorales portant sur la couronne de Bretagne.
En effet, depuis le traité de Guérande de 1365 mettant fin à la guerre de succession bretonne entre les deux grandes familles prétendantes, il est prévu que le duché se transmettra par primogéniture masculine au sein de la famille des Montfort et en l’absence d’héritier mâle, le duché reviendrait à l’ainé male de l’autre branche prétendante que sont les Penthièvre.
Malheureusement, le traité oublie de préciser ce qu’il adviendrait en cas d’absence d’héritiers males au sein de l’une ou l’autre des deux familles prétendantes. Or, telle est exactement la situation en cette fin de XVème siècle.
En effet, François II, issu de la branche des Monfort n’a eu parmi ses enfants légitimes que deux filles : Anne et sa sœur cadette Isabeau. Logiquement, les droits sur le trône de Bretagne devraient alors être transmis à la branche des Penthièvre. Or, aucun héritier male ne peut là non plus être trouvé.
En outre, les Penthièvre profitèrent de l’incertitude sur la succession pour vendre honteusement leurs droits sur la couronne de Bretagne au roi de France Louis XI, mettant ainsi en péril la continuité de l’indépendance bretonne et piétinant, par là-meme, leur héritage historique ainsi que plus de 700 ans de résistance aux assauts français désireux d’annexer la Bretagne.
La question successorale de la Bretagne ne porte alors plus seulement sur une querelle entre deux familles bretonnes prétendantes mais bien en une querelle entre deux Etats, l’un désireux de conserver sa liberté, l’autre désireux de s’en approprier les richesses.
Toutefois, plusieurs arguments en faveur de la branche des Montfort peuvent être relevés. En premier lieu, les Penthièvre avaient déjà été déclarés traitres par les Etats de Bretagne et privés par la même occasion de tous leurs droits, honneurs et noms en Bretagne. En outre, les ducs de Bretagne le sont « par la Grace de Dieu », les droits se rapportant au duché sont donc par là même inaliénables.
Le duc François II, tranchera le débat en faisant reconnaitre par les Etats de Bretagne le 20 février 1486 sa fille ainée Anne comme héritière légitime de la Bretagne.
Une véritable course contre la montre est alors lancée pour le duc François afin de trouver pour son héritière un mariage, et donc une alliance, permettant de se prémunir contre les appétits français, certes refoulés, mais demeurant plus forts que jamais.
Guerres et défaite bretonne
En effet, dès juin 1486, la « guerre de Bretagne » est enclenchée et la France envahit la Bretagne dont la défaite à Saint Aubin-du-Cormier le 28 juillet 1488 viendra anéantir tous les efforts du duc de Bretagne, celui-ci étant désormais obligé de ne marier ses filles qu’avec le consentement du roi de France. Peu après, le duc François II s’éteint non sans avoir auparavant fait promettre à celle qui est désormais duchesse de Bretagne de refuser toute soumission et annexion au royaume de France et lui avoir assigner pour tuteur l’un de ses fidèles, Jean de Rieux. La guerre contre la France reprend alors de plus belle et Anne de Bretagne déclare dès les premiers jours de l’année 1490 que ses sujets qui la trahiraient au profit du roi de France se rendraient coupables du crime de lèse-majesté1.
Peu avant Noel de cette même année, le 19 décembre 1490, la duchesse de Bretagne épouse par procuration le roi de Rome et héritier de la puissante maison des Habsbourg, Maximilien Ier. Les actes publics sont dès lors précédés de la formule : « Maximilien et Anne, par la grâce de Dieu, roy et royne des Romains, duc et duchesse de Bretagne ».
Les combats contre la France reprennent alors de plus belle, mais désormais le roi de France compte d’emblée sur la trahison d’Alain d’Albert, prétendant déçu d’Anne, qui lui livre le château de Nantes. Victorieux sur le champ de bataille, les Français s’emparent de Rennes où réside la duchesse Anne. Charles VIII en profite alors pour organiser son mariage avec la duchesse tout en demandant l’annulation du mariage d’Anne et de Maximilien auprès du pape au grand dam des Autrichiens. Le pape Innocent VIII, après avoir reçu un certain nombre de compensations et alors même que le mariage entre Anne et Charles VIII avait déjà été prononcé, se décidera à accueillir favorablement la demande du roi de France et annulera le mariage entre la maison des Montfort et celle des Habsbourg, ultime alliance qui aurait pu permettre à la Bretagne de conserver son indépendance.
Anne, reine de France
Le contrat de mariage entre Anne de Bretagne et le roi de France prévoit qu’en cas d’absence d’héritiers males survenant de cette union, la duchesse et future reine de France devrait se remarier avec le successeur de Charles VIII.
Le 8 février 1492, les cloches de la basilique de Saint Denis retentirent des lieux à la ronde et annoncèrent le couronnement d’Anne comme reine de France. De l’union d’Anne de Bretagne et de Charles VIII naquirent six enfants qui moururent tous en bas âge.
Dès la mort du roi Charles VIII en 1498, Anne de Bretagne retourne en Bretagne et reprend les rênes du duché. Elle y marque immédiatement son autorité notamment en émettant une monnaie à son nom et en restaurant la chancellerie de Bretagne. Toutefois, Anne reste tenue par son contrat de mariage avec Charles VIII et doit se marier avec son successeur, Louis XI. Ce qui est chose faite dès l’année suivante.
Ce second mariage avec un roi de France se révèle être bien différent pour Anne de Bretagne. Là où le mariage avec Charles VIII avait imposé à celle qui n’était alors encore qu’une enfant un contrat de mariage excessif et largement désavantageux pour les intérêts bretons, celui conclu avec Louis XII se révèle fort différent et bien plus favorable pour la Bretagne. En effet, il lui est désormais reconnu sa souveraineté entière sur la Bretagne et l’indépendance de celle-ci, le deuxième enfant d’Anne de Bretagne devant en hériter à la mort de la souveraine.
De son mariage avec Louis XII, Anne eut cinq enfants mais la plupart moururent de manière précoce et seules deux filles survécurent : Claude en 1499 et Renée en 1510. En accord, avec le contrat de mariage, Renée aurait dû hériter du duché de Bretagne mais étant donné qu’aucun enfant male ne survécut, la couronne de France, qui ne se transmettait qu’aux hommes, alla à un cousin, le futur François Ier. C’est donc l’ainée de Louis XII et d’Anne qui devint héritière du duché. Anne s’empressa de fiancer sa fille ainée et héritière à Charles de Luxembourg, futur Charles Quint et petit-fils de Maximilien d’Autriche, son premier époux. Ses fiançailles interviennent dès 1501, soit deux ans après la naissance de Claude. L’objectif d’Anne de Bretagne est alors clair. En mariant Claude avec celui qui deviendra Charles Quint, elle souhaite mettre à l’abri la Bretagne de toute ambition étrangère dès sa mort et l’accession de sa fille ainée au trône de Bretagne. Cet espoir ne durera malheureusement pas bien longtemps, les fiançailles sont rapidement annulées sous les pressions françaises et Claude est alors fiancée au futur roi de France François, sonnant le glas de tous les projets d’indépendance nourris par Anne. Malgré cet échec, la duchesse ne se laissera pas sombrer dans le désespoir et commencera son fameux tour de Bretagne, voyage autant spirituel, comme l’atteste sa visite de nombreux sanctuaires, que politique, Anne en profitant pour consolider son pouvoir auprès de ses vassaux.
Anne de Bretagne s’éteignit au petit matin du 9 janvier de l’an de grâce 1514, usée par ses nombreuses maternités, au château de Blois. Elle sera inhumée en France à la nécropole des rois de France, elle qui avait tout au long de sa vie lutter contre leurs ambitions. En revanche, selon son souhait, son cœur, recueilli dans un écrin, fut transporté à Nantes afin qu’il repose auprès des parents de la duchesse.
Il restera d’Anne de Bretagne un symbole de résistance contre les tentatives de soumission du peuple breton et la lutte pour la sauvegarde la souveraineté pleine et entière d’une Bretagne libre.
Kentoc’h mervel eget bezañ saotret !
Gwenn Mamazeg