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La surprise du che

230403

Le Congrès de la CGT ne s'est pas déroulé comme le prévoyaient les médias hexagonaux et la classe politique parisienne. Les causes et les conséquences de l'élection, ce 31 mars, à Clermont-Ferrand de Sophie Binet, nouveau chef du vieil appareil syndical n'ont guère été encore analysées, encore moins mesurées.

Hormis l'effet de surprise, qu'ils ont éprouvé dans les 3 jours qui ont suivi, les ateliers du prêt-à-penser y ont consacré moins d'importance qu'au référendum sur les trottinettes urbaines.

On a étiqueté un peu vite l'heureuse élue. "Sophie Binet, écolo, féministe et symbole d’un renouvellement de génération" titre par exemple, et développe "20 minutes". "Marianne" veut, plus justement, voir en elle "une cadre très politique qui devra rassembler la CGT". "Le Monde", à peine plus explicite, la présente essentiellement comme "une ancienne de l'UNEF". On omet de préciser d'ailleurs de quelle UNEF on parle. On doit rappeler qu'à partir de 1971, deux familles d'organisations se sont disputé le sigle. Au départ, pendant quelques années, à l'UNEF "indépendante et démocratique", colonisée par les trotskistes-lambertistes s'opposa l'UNEF dite "renouveau" contrôlée par l'Union des étudiants communistes. En 1982 cette tendance devint "solidarité étudiante", cependant que d'autres minoritaires vont émietter cette forme très politique de syndicalisme étudiant, etc. Au point que désormais la vieille structure soixante-huitarde n'est absolument plus majoritaire dans les universités.

Quoi qu’il en soit, à 41 ans, l'engagement de la camarade Binet, née en 1982, ne peut plus guère se résumer à son appartenance à l'âge de 20 ans à un quelconque "syndicat étudiant". Sa fiche Wikipedia aggrave encore le rideau de fumée en évoquant un militantisme préalable au sein de la Jeunesse ouvrière chrétienne.

En fait, Sophie Binet ne commence, tant soit peu, à faire parler d'elle qu'à partir de 2006, à l'occasion du mouvement contre le contrat première embauche.

À partir de 2008, elle travaille en tant que conseillère principale d’éducation dans des lycées professionnels, à Marseille d'abord, puis en Seine-Saint-Denis.

C'est en 2014 que celle qu'on nous présente comme une "écolo, féministe et symbole d’un renouvellement de génération" devient professionnellement une permanente de la CGT.

Et c'est à ce titre qu'en 2016, elle contribue à lancer une pétition, qui réunira plus d'un million de signatures en deux semaines, lors de la mobilisation contre la "loi Travail".

Les archivistes et les curieux commencent alors à disposer d'interventions de plus en plus explicites : ainsi en avril 2016, elle s’exprime dans le cadre de "l'Agora de l'Humanité", organisée par le vieux journal communiste, sur le thème "Front populaire : quels enseignements pour aujourd'hui", et le développement ses idées est encore disponibles sur Youtube.

Ses thèses, conformes à ceux des "marxistes du XXIe siècle", furent exposées ce jour-là devant des staliniens de la vieille école qui ne s'en offusqueront pas. Car à l'âge des smartphones et de la mondialisation elles coulent dans un fleuve où s'illustrèrent jadis, bien avant elle Maurice Thorez, Jacques Duclos ou Georges Marchais. Notamment, à l'entendre, l'entreprise n'existe plus sous le poids des fonds de pension, etc. Avec elle le capitalisme, que les économistes marxistes d'aujourd'hui rebaptisent "mondialisation néolibérale", n'a qu'à bien se tenir.

Désormais elle chronique logiquement chaque semaine dans L'Huma. Et sur le site du journal communiste tout un chacun peut retrouver ses écrits depuis 2022. Et ceux-ci se révèlent beaucoup plus politiques que syndicalistes, écolos ou féministes.

Secrétaire générale des cadres et techniciens de la CGT, l'UGICT, elle a improvisé, une fois élue, le 31 mars, à la tête de la Confédération, en 40 minutes un premier discours.

Son propos était destiné à galvaniser et rassembler des militants derrière un bureau englobant ceux qu'on présentait comme ses rivaux : Céline Verzeletti, ouvertement communiste héréditaire, comme Laurent Brun secrétaire général de la CGT-Cheminots ou Sébastien Menesplier, qui avait été réélu à 98 % à la tête de la Fédération nationale Mines Énergie CGT, c'est-à-dire des gens qui bloquent les raffineries dans le but avoué de paralyser le pays.

Or, "ce qui rassemble la CGT, dit-elle dans son exhortation militante, c’est qu’on ne lâche rien (...) Pour la CGT, il n’y aura pas de trêve, de médiation, on ne reprendra pas le travail tant que cette réforme ne sera pas retirée !"

Son argument et sa perspective sont, sans surprise, beaucoup plus politiques que syndicalistes : "La page de la #ReformeDesRetraites est loin d’être tournée, twitte-t-elle sur le compte de l'UGICT - les Ingés Cadres Techs CGT. Tant que le gouvernement n’aura pas retiré ce texte, le pays sera ingouvernable. La question n’est donc plus de savoir s’il va le retirer mais quand et comment".

Et les politiques l'évaluent en fonction de la situation… politique. Les intérêts des futurs retraités passent dès lors à la trappe.

Si j'en crois par exemple La Voix du Nord, Jean-Luc Mélenchon espérerait que "le départ de Philippe Martinez permette aux partis politiques de mieux se coordonner avec les syndicats pour lutter contre la réforme des retraites."Le chef de la France insoumise a réclamé en effet, ce 2 avril, ce qu'il appelle "une meilleure coordination entre partis politiques et syndicats"pour "jeter toutes nos forces"dans la bataille contre la réforme des retraites. Et il s’adresse dans ce sens à la toute nouvelle secrétaire générale de la CGT Sophie Binet : "J’aimerais, dit-il, qu’on ait des relations plus décontractées"avec Sophie Binet qu’avec son prédécesseur Philippe Martinez. Il est vrai que celui-ci, reflétant la ligne du PCF, comme la centrale communiste l'a toujours fait depuis 1943, et continuera de le faire avec la nouvelle secrétaire générale, s'est systématiquement méfié de Mélenchon depuis que le parti a décidé de ne plus soutenir celui que la place du colonel Fabien renvoie à son passé de vieux trotskiste.

Vous avez aimé Martinez ? Vous adorerez Sophie Binet.

JG Malliarakis 

https://www.insolent.fr/2023/04/la-surprise-du-chef.html

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