De Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, revient sur la polémique qui a entouré la venue d’Hugo Clément au grand débat des Valeurs :
Il se tient juste à côté de la scène du palais des sports. Légèrement en retrait, déjà absorbé par ce qu’il écoute – à cette heure de la soirée, c’est Tugdual Denis qui prononce son discours (un sketch, plus exactement) d’introduction. Ses bras sont croisés mais il n’a pas l’air fermé.
Je ne connais pas Hugo Clément. Je sais juste qu’il est un journaliste et militant écolo radical, qu’il pratique le name and shame, du nom de cette pratique horrible visant à salir la réputation de quelqu’un pour faire avancer sa cause, et que certains de mes amis ont été victimes de ses cabales. Ce n’est pas pour rien que nous l’avions attaqué il y a quelques années en couverture de Valeurs actuelles; ce n’est pas pour rien non plus que nous l’avons invité ce soir. Il est aussi un puissant influenceur et un des visages les plus connus de la mouvance écolo, c’est notre Greta Thunberg à nous. Un adversaire idéologique pour un débat qui s’annonce musclé avec Jordan Bardella.
Je m’approche et le salue. Il est d’abord sympathique, nous parlons un peu de l’émission de Léa Salamé sur France 2, dont il est le producteur, de deux ou trois autres choses. Je le remercie d’être là: sans contradicteurs, il n’y a pas de débat et le palais des sports serait bien triste ce soir. C’est Tugdual qui l’a convaincu de venir ce soir. Sur scène, il s’avèrera malin et plus ouvert d’esprit que je pensais. Après la soirée, tout le monde en parle, et quelques spectateurs m’avoueront avoir été intéressés par certains de ses arguments.
Jonathan Moadab, le journaliste de VA plus qu’il l’interroge à côté de la scène, lui demande s’il est surpris par la polémique causée sur sa venue. « Ah bon, y’a une polémique? » s’étonne-t-il en riant presque. Attends la suite, camarade…
Trois jours plus tard, il ne peut plus se gausser. Polémique il y a, polémique nationale, même. La gauche (merci Aurélien Taché), les écologistes (merci Sandrine Rousseau), l’extrême gauche (merci Sandrine Rousseau), les médias (merci Libération), s’indignent en chœur. Et posent des questions aussi pertinentes, courageuses et audacieuses que : faut-il débattre avec l’extrême droite ? Peut-on parler au Front National (c’est signe de résistance que de continuer à appeler ce parti par son ancien nom car ni oubli ni pardon) sans le légitimer ? Le service public organise un débat sur le débat.
Hugo Clément assume. Si c’était à refaire, il le referait, assure-t-il. Il porte sa croix. Avec des arguments qui, pardonnez-moi, sonnent juste: au nom de quoi faudrait-il renoncer à convaincre 41% de l’électorat français ? Si on croit à ses idées, et qu’on ne se renie pas, pourquoi renoncer à les porter face à une contradiction, fut-elle radicale ? J’ajoute pour lui que, ce faisant, Hugo Clément a fait mentir Valeurs actuelles et s’est révélé, même s’il a des convictions plus que contestables, beaucoup moins sectaire que prévu.
De rares pisse-froid venus de la droite ont dit qu’il était indigne qu’on se mette à ce point à plat ventre devant un adversaire politique. Il me semble plutôt qu’en invitant des gens avec qui on n’est pas d’accord, on prouve que le sectarisme existe surtout à gauche et que c’est la droite qui permet a l’air du temps de rester vaguement respirable. Et je n’ai pas l’impression qu’inviter un adversaire et ne l’insultant pas à la tribune et en lui reconnaissant du talent ne revient pas à valider ses thèses. Pour preuve : une semaine à passé depuis le 13 avril et j’ai toujours envie de défendre les chasseurs, les éleveurs d’animaux sauvages, la hiérarchie entre l’homme et l’animal et je n’ai pas prévu de me mettre tout de suite au régime quinoa.
Reste un constat, un peu triste : la gauche politique, médiatique et intellectuelle est en train d’orchestrer la mort du débat en France. Elle ne supporte plus l’idée de la contradiction, préfère ostraciser, ignorer, accabler. Elle censure les intellectuels qui l’ont quitté en leur interdisant l’accès aux universités. Elle ne pratique plus le pluralisme dans ses médias. Elle n’argumente plus, mais invective. Je dis la gauche car rien de tel ne peut être observé sur l’autre rive. L’été dernier, Rachida Dati était invitée à la tribune de l’université d’été de la France insoumise et il ne s’est trouvé personne à droite, Dieu merci, pour s’en offusquer. Personne.
Nous voulions prouver en organisant ce grand débat des valeurs, volume 2, que cette défaite de la pensée trouve quelques opposants sur son chemin. Nous continuerons donc: rendez-vous très vite pour un grand débat des valeurs, volume 3.