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Elle contrôle, il désespère...

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La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, est et a une personnalité très estimable et sincère. Jamais de sa vie professionnelle, comme journaliste ou en sa qualité de contrôleuse, elle n'a dérogé à une vision, à mon sens sulpicienne, de la délinquance et de la criminalité, plus préoccupée par les condamnés que par les victimes, considérant parfois les premiers comme d'authentiques victimes et les prisons tels des lieux dont on devrait pouvoir se passer dans la plupart des situations.

Pourtant, quand elle dénonce "l'inertie coupable" du pouvoir face à la surpopulation pénale et les atteintes à la dignité qui se multiplient, elle a raison. Mais le vice de son humanisme est qu'il ne s'attache jamais à prendre en compte ce dont notre société a besoin, l'augmentation des places d'enfermement, avec, en même temps, une action volontariste et inventive pour pallier les incuries évidentes, immédiates, les indécences objectives et les dégradations intolérables. Non pas parce qu'il faudrait s'apitoyer sur les détenus mais pour montrer que l'idéologie exclusivement compassionnelle ne résout rien.

Par honnêteté, je dois reconnaître que Dominique Simonnot, dans son intervention aux Vraies Voix du 12 mai sur Sud Radio, a mis en évidence deux points incontestables sur la politique pénitentiaire française. D'une part son caractère défaillant et parfois indigne par rapport à celui des grands pays européens et d'autre part le regret que cette surpopulation ne permette pas à la prison d'avoir des conséquences positives (travail, enseignement, soins et formation) sur la plupart des détenus.

Pour ma part il me semble important de souligner que cette surpopulation actuelle est en effet "la conséquence collatérale d'une politique inefficace" et qu'elle existe malgré le fait que la France, notamment depuis les présidences d'Emmanuel Macron, est de loin le pays qui a le plus usé de dispositifs et de lois pour se substituer à la prison, avec tout de même, à l'intérieur de celle-ci, 22 % d'étrangers (15 000) pour lesquels rien n'est prévu pour les éloigner du territoire (Le Figaro).

Je ne peux m'empêcher de relier "ce nouveau constat alarmant sur les conditions de détention" - le Monde sous la signature d'Abel Mestre le partage, adepte aussi évidemment d'une dénonciation anticarcérale, comme si face aux crimes on pouvait se passer de prison et se priver d'en construire de nouvelles -, de manière totalement contrastée, aux détresses et aux désespoirs de beaucoup de Français confrontés à des infractions qui se renouvellent et qui, face à la lenteur et à la médiocre fiabilité judiciaire, avouent sans gêne que dorénavant ils se feront justice eux-mêmes.

Je songe en particulier à un jeune entrepreneur, Anton Gisquet, à la tête depuis 2021 de Ride Concept, un magasin de trottinettes à Lyon, et qui a été victime de pas moins de cinq cambriolages, le dernier dans la soirée du 6 mai (CNews).

Il n'en peut plus. "La prochaine fois il n'appellera pas la police et ira jusqu'au bout... je suis prêt à aller à l'ombre, mon casier judiciaire est vierge et mon affaire tournera sans moi... j'en ai ras-le-bol, j'ai de la haine et ça ne passe pas avec les jours. Tant qu'on n'aura pas arrêté et jugé un cambrioleur, ils vont se dire que c'est facile de le faire ici. J'attends maintenant que la Justice fasse son travail...".

Dormant armé dans son magasin, Anton Gisquet veut alerter et obtenir de l'aide, du voisinage ou des commerçants proches.

Il déclare que lors d'un week-end de mai, il a réussi à arrêter un homme dans le quartier correspondant aux images de vidéosurveillance des deux derniers cambriolages. "J'ai la certitude que c'est lui, il n'était même pas masqué"... Il a été interpellé et placé en garde à vue mais il a été relâché faute de preuves, il a un gros casier, c'est un multirécidiviste pourtant... je dois faire ma propre enquête pour apporter des preuves".

Que de détresses et de colères comparables dans la France dont il est, sans le vouloir, le porte-parole !

Un magistrat de l'USM souligne qu'il faut du temps pour une enquête car sinon le tribunal correctionnel pourrait relaxer et que cela aigrirait encore davantage la victime ! Certes !

Mais quand l'infraction est clairement établie et que la rapidité judiciaire devrait être la conséquence ? Le paradoxe est que face à la surabondance des délits, on se réfugie dans une sorte d'accablement ; on préfère faire traîner par scrupule ou par découragement plutôt que de poursuivre et condamner. Le laxisme est souvent moins dans la modération de la sanction que dans sa survenue, trop longtemps après, décalée, atténuée, presque dérisoire...

On est en train de perdre les citoyens, qui croient de moins en moins aux forces régaliennes censées les protéger. Le résultat si néfaste pour la tranquillité publique est qu'on hésite de moins en moins à se passer d'elles pour faire sa propre justice avec les risques, les périls et l'injustice parfois qui pourraient en résulter...

Est-ce cela que l'on veut dans notre République ?

Alors s'il faut choisir, puisque, paraît-il, la France est incapable à la fois de rigueur et d'un humanisme vrai, s'il convient d'arbitrer entre une Contrôleuse vigilante pour sa seule cause et une répression enfin efficace, je n'hésite pas une seconde. Le paradoxe est qu'on nomme pour ces postes des personnalités déjà systématiquement miséricordieuses, ce qui crée une redondance institutionnelle dans l'esprit, alors qu'on devrait procéder à l'inverse : nommer des réalistes pour que cette fonction ne soit pas une opportunité de faiblesse supplémentaire.

Celui qui m'importe est Anton Gisquet. Qu'il réfrène ses pulsions que je peux comprendre mais que je n'approuve pas. Mais de grâce qu'on ne lui rende pas le civisme trop insupportable !

Contrôler soit mais surtout consoler les détresses du peuple, guérir ses plaies et condamner ses offenseurs !

https://www.philippebilger.com/blog/2023/05/elle-contr%C3%B4le-ils-d%C3%A9sesp%C3%A8rent-.html

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