Professeur émérite de civilisation de l’Asie du Sud-Est, François Joyaux est déjà l’auteur chez Perrin d’une Nouvelle histoire de l’Indochine française et de Nam Phuong, la dernière impératrice du Vietnam. Cette fois, il nous revient avec une biographie de Duy Tan (1899-1945), dernier empereur d’Annam.
Voilà bien un étrange personnage, méconnu du grand public. Le 3 septembre 1907, à la suite d’une maladie mentale, l’empereur Thanh Thai abdiquait en faveur de son fils le prince Vinh San. Celui-ci, encore enfant, monta sur le trône sous le nom de Duy Tan. Il reçut une culture entièrement française, selon ses propres dires. Pourtant, au bout de dix ans de règne, et alors qu’il n’avait toujours que dix-neuf ans, il accepta le commandement de la révolte des Annamites contre la France. Il expliqua ultérieurement, sans convaincre personne, que c’était la seule façon d’empêcher que les conjurés annamites ne débutent, comme ils l’avaient prévu, leur révolte par l’assassinat de tous les notables français surpris si possible dans leur sommeil. Il ne voulait pas non plus dénoncer ses compatriotes. Ayant empêché toute action durant la nuit fixée, il était persuadé, affirma-t-il, que la révolte avorterait sans une goutte de sang. Ce plan lui coûta son trône. Cela se passait en mai 1916. A la suite de ces événements, il fut interné et déclaré déchu du trône d’Annam, puis exilé à l’île de la Réunion où il devint réparateur de radio. Le prince Vinh San, ex-empereur, devenu franc-maçon, y rêvait de devenir français et de vivre à Paris. Il comptait pour cela sur le gouvernement de Front Populaire auquel il s’adressa en 1936. Mais le gouvernement de Front Populaire refusa. Le prince Vinh Sanh passa donc vingt-huit ans en exil. Jusqu’en janvier 1944 où son engagement en tant que simple soldat des Forces françaises libres est accepté. Le 29 août 1944, le prince Vinh Sanh – lui qui avait pris fait et cause pour la révolte indépendantiste de 1916 – signait un appel dans lequel il déclarait que l’Indochine – et particulièrement le peuple annamite – est liée à la France par contrat que son honneur et son intérêt lui commandent de maintenir intact. Et voilà que, le 11 mars 1945, l’empereur Bao Daï proclame l’indépendance du Vietnam. De Gaulle décide alors de faire venir le prince Vinh Sanh en France et envisage de restaurer l’empereur Duy Tan sur son trône. Mais il faut encore attendre la mi-juin 1945 pour que le prince Vinh Sanh arrive à Paris. Il publie son testament politique sur les liens entre la France et l’Indochine. Cependant, rien n’aboutit, pas même de rencontre entre les deux hommes. Survient la révolution d’août, à Hanoï, puis la fondation de la République démocratique du Vietnam. Le prince Vinh Sanh est promu rétroactivement chef de bataillon et rencontre enfin le général De Gaulle le 14 décembre 1945. Simultanément, à Saïgon, le général Leclerc ordonne le regroupement de militaires annamites qui devront recevoir une formation parachutiste et sauter sur Hué afin d’y préparer le retour de Duy Tan. La réapparition du prince Vinh Sanh en Indochine est prévue pour mars 1946. Il a donc le temps d’aller revoir ses enfants sur l’île de La Réunion et embarque dans un avion le 24 décembre 1945. L’escale à Alger se passe normalement. Le 26 décembre, l’avion reprend son vol à destination de Bangui, l’étape suivante. A 18h30, c’est la catastrophe. L’appareil est entièrement détruit dans un accident aérien. “Vraiment, la France n’a pas de chance !”, murmure De Gaulle lorsqu’on lui apprend la nouvelle.
Duy Tan : un empereur dans la France libre, François Joyaux, éditions Perrin, 337 pages, 24 euros
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