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Victoire de la fondation Lejeune: quelques explications

Victoire de la fondation Lejeune: quelques explications

Suite à la victoire de la fondation Lejeune à propos d’une recherche sur les embryons, nous avons interrogé Lucie Pacherie, juriste de la fondation:

  1. La Fondation Lejeune vient de faire annuler une autorisation de recherche donnée par l’Agence de Biomédecine. Pouvez-vous nous exposer cette affaire?

Après huit ans de tergiversations judicaires, les juridictions administratives ont donné raison à la Fondation Lejeune[1] : l’Agence de la biomédecine n’aurait pas dû autoriser un protocole de recherche sur l’embryon humain dès lors que les chercheurs pouvaient travailler sur des embryons de souris. Le 17 juillet 2015, l’Agence de la biomédecine avait autorisé, pour un an, un protocole de recherche, « ayant pour finalité l’étude de l’expression du CD146 chez l’embryon humain ». Une molécule qui, selon l’équipe de chercheurs, pouvait avoir une action délétère sur l’implantation de l’embryon dans le cadre d’une fécondation in vitro. Mais après « renvoi après cassation » et « non admission » du dernier pourvoi de l’ABM, les juridictions administratives ont confirmé que l’absence d’alternative à l’embryon humain n’était en l’espèce pas établie[2] : « il n’apparaît pas […] que l’étendue du recours à l’embryon ait été limitée autant qu’il demeurait scientifiquement pertinent de le faire ».

La portée de cette décision est double. Elle prouve que l’ABM ne remplit pas son rôle de régulateur et s’accommode facilement de la recherche sur l’embryon humain. Depuis sa création en 2004, les alertes sur le biopouvoir de l’ABM et sa dérive scientiste sont multiples. Jean-François Mattei, Jacques Testart, Emmanuel Hirsch, Pierre-Yves Le Coz, Daniel Benamouzig s’en sont inquiétés. Hier encore, Pierre Jouannet dénonçait, dans un autre domaine, le manquement de l’ABM dans son rôle de surveillance sur la santé des femmes et des enfants issus de PMA[3]. Il n’est pas normal que l’Etat se démette de ses responsabilités et abandonne l’éthique de la science au progressisme de l’ABM.

Cette décision rappelle aussi la hiérarchie éthique et légale existant entre l’embryon humain et l’embryon animal. L’embryon humain, parce qu’il est un membre de l’espèce humaine est doté d’une protection particulière. Il ne peut être l’objet de recherche s’il est possible d’utiliser des embryons d’animaux.

  1. Comment expliquez-vous que les embryons animaux disposent d’une protection juridique supérieure à celle des embryons humains?

C’est plutôt le délitement de la protection juridique de l’embryon humain, concomitant à la mouvance de la protection animale qui pose problème. Le droit français ne peut se défaire d’une protection supérieure de l’embryon humain. Le code civil, le code de la santé publique, le code pénal, protègent « l’être humain dès le commencement de sa vie »[4] et sont bien obligés de poser un semblant de cadre et des sanctions pour cela. Le problème reste l’effectivité de ces principes théoriques, car les exceptions pleuvent.

Avortement, procréation médicalement assistée, recherche sur les embryons surnuméraires produit en nombre : l’embryon humain est sans cesse réduit à sa matière, à un assemblage de cellules.

Parallèlement, des chercheurs et des citoyens se mobilisent pour la cause animale et cherchent des alternatives à leur utilisation scientifique. Dès 2016, l’Inserm appelait à viser l’« objectif permanent » de limiter la recherche animale. Le principe des trois R, entre autre, qui vise à « raffiner les protocoles de recherche, remplacer quand c’est possible, réduire le nombre d’animaux »[5] est un leit motiv efficace. L’association Transcience[6], créé en 2020, montre l’essor de cette préoccupation. Si la cause animale est légitime en soi, lui donner plus d’importance que celle de l’humain ne l’est pas. C’est ce à quoi nous assistons. Quelle voix autorisée promeut la protection de l’embryon humain et plus généralement de l’espèce humaine comme le fait l’association Transcience pour l’animal?

Certains proposent expressément que l’embryon humain soit une alternative à l’utilisation de l’animal dans la recherche: « Les cellules souches embryonnaires peuvent donner naissance à toutes les cellules de l’organisme. Cela pourrait permettre dans un futur proche de se passer d’animaux dans la recherche médicale » [7]. La protection de l’espèce humaine n’est plus une priorité.

  1. Savez-vous s’il y a d’autres projets de recherche sur des embryons humains quand des embryons d’animaux pourraient être utilisés?

Depuis 15 ans la Fondation soumet au juge des alternatives à l’embryon humain dans le cadre de recours qu’elle initie contre des autorisations de recherche sur l’embryon humain. Cellules souches pluripotentes induites, cellules souches mésenchymateuses, embryon animal… En vain. Les juridictions administratives n’ont pas souhaité entrer dans la réflexion scientifique pourtant primordiale pour rendre effective la condition relative à l’absence d’alternative encadrant la recherche sur l’embryon humain. Le Conseil d’Etat a botté en touche, usant d’une formule stéréotypée pour écarter toutes les alternatives présentées[8]. C’est donc la première fois que les juridictions administratives osent dire qu’à ce stade de la recherche, celle-ci aurait pu être menée sur l’embryon de souris. C’est une vraie victoire.

La Fondation continue à démontrer au juge les alternatives à l’embryon humain quand elles sont possibles. Quand la recherche porte sur la procréation médicalement assistée (elles sont de plus en plus nombreuses), l’Agence de la biomédecine explique que l’utilisation de l’embryon humain est indispensable puisqu’elles s’appliqueront à l’humain. Pourtant on sait que les plus grands travaux qui ont permis d’avancer sur la connaissance de l’embryon humain ont été réalisés sur des embryons de souris…Mais voilà, la recherche sur l’animal coûte chère, présente des risques sanitaires de contamination, et nécessite de nombreux intervenants et infrastructures. Tandis que l’embryon humain est gratuit. Le nœud du problème est là.

  1. Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les embryoïdes et ce que la recherche dans ce domaine pose comme problèmes éthiques?

Les embryoïdes sont des reconstitutions d’embryons humains, appelés « modèle embryonnaire à usage scientifique (MEUS)», « embryons synthétiques » ou encore « structures embryonnaires ». Ils sont perçus comme une prouesse scientifique qui permet de reproduire le fonctionnement et le développement d’un embryon. Ils sont faussement présentés comme une alternative à la recherche sur l’embryon humain.

Ces « embryons de synthèse » sont créés à partir de cellules souches embryonnaires humaines, qui nécessitent pour les obtenir de détruire l’embryon humain. Le problème éthique reste entier.

Ces embryoïdes pourraient en outre avoir une telle ressemblance avec l’embryon humain issu d’une fécondation, qu’on pourrait ne pas les distinguer. Certains ont atteint « un stade semblable à un organisme de 14 jours[9] ».  Une étude scientifique publiée récemment dans Cell Stem cell[10], explique que des blastoïdes bovins[11] transférés dans une vache « sont similaires aux embryons bovins en termes de morphologie et d’expression génétique caractéristique » au point de sécréter « une hormone qui indique la reconnaissance maternelle de la grossesse chez les bovins ». Preuve que ces « embryons de synthèses » ont le même mécanisme qu’une vie qui se développe. Preuve qu’il est nécessaire de respecter le principe de précaution, et de considérer « ces reconstitutions » comme des embryons humains.

Enfin, les embryoïdes sont un moyen détourné de créer des embryons humains pour la recherche. Un interdit majeur, français et international, qui constitue la dernière digue contre l’utilisation et la chosification délibérée de l’être humain.

Il est temps de retrouver une conscience bioéthique ferme, car les générations futures nous demanderont de rendre des comptes sur l’absence de protection de notre propre espèce.

[1] Cour administrative d’appel de Versailles, arrêt du 6 décembre 2022, n° 20VE03407

[2] Non-respect du 3° du I de l’article L2151-5 Code de la santé publique

[3] Entretien Le Monde 2 juillet 2023

[4] Articles 16 et suivants du code civil

[5] issu de la directive 2010/63/UE du 22 septembre 2010

[6] www.transcience.fr

[7] Entretien de Cécile Martinat, chercheuse à l’Inserm, à Charlie Hebdo – 12 octobre 2022

[8] Conseil d’Etat n°402708, 8 février 2018

[9] Travaux du professeur Hanna, Israël

[10] Voir article Gènéthique : https://www.genethique.org/embryons-de-synthese-bovins-le-double-langage-des-chercheurs/

[11] Embryoïdes bovin au stade blastocyste

https://lesalonbeige.fr/401556-2/

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