Née en 519 en Thuringe, au centre de l’Allemagne actuelle, la jeune enfant est la fille du Roi Berthaire. Ce dernier doit affronter le souverain belliqueux d’un royaume en pleine ascension : Clotaire, le fils de Clovis. Vainqueur sur les champs de bataille, le Franc amène la jeune Radegonde en captivité à Soissons. La princesse reçoit dans cette prison dorée une éducation digne de son rang. Les années passant, Clotaire perd sa troisième épouse, Ingonde, et tourne son regard vers sa ravissante captive dont la beauté grandit de jour en jour, ainsi que sa vive intelligence. Malgré une tentative d’évasion de la part de la jeune mariée refusant cette union, le mariage est célébré en 539. Devenue reine des Francs, Radegonde garde une personnalité humble et pieuse. Ainsi, lors des banquets, elle refuse les mets savoureux qu’on lui sert et préfère pratiquer le jeûne. Ses tenues font aussi scandale par leur sobriété. Certains sujets de la cour royale vont même demander à Clotaire Ier s’il n’a pas épousé une religieuse.
Mais le destin vient bientôt mettre fin à cette situation. Le meurtre de l’oncle de Radegonde, Hermanfred, par Clotaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. La princesse thuringienne ne peut plus vivre avec son criminel de mari. Elle décide de fuir à nouveau vers la ville de Noyon afin d’implorer l’évêque Médard de la consacrer comme moniale. Aussitôt demandé, aussitôt fait : Radegonde abandonne son statut royal pour celle de servante du Christ. Clotaire renonce alors à récupérer son épouse, désormais intouchable en raison de sa nouvelle position. Radegonde, dès lors libre, effectue un pèlerinage à Tours auprès du tombeau de saint Martin puis fait édifier l’un des premiers hospices de France à Saix, près de Loudun. Arrivant à Poitiers, l’ancienne souveraine fonde l’abbaye Sainte-Croix où elle se fixe en 552. Contre toute attente, elle refuse de devenir mère abbesse, un honneur qu’elle tient à donner à une certaine sœur Agnès qui sera canonisée après sa mort. Usant de ses anciennes relations de reine des Francs, Radegonde obtient pour son monastère une relique de la Sainte Croix. Ce trésor, toujours en possession des religieuses aujourd’hui, est exposé au culte une fois par mois, lors de la messe dominicale.
Le 13 août 587, à l’âge de 67 ans, Radegonde rejoignit enfin au Ciel celui qui était peut-être le seul amour de sa vie : le Christ. Sa dernière demeure fut l’église Sainte-Marie-hors-les-Murs dont elle avait lancé la construction et qui fut rebaptisée en son honneur église Sainte-Radegonde. Mais la dépouille de l’ancienne reine mérovingienne ne résista pas aux vandales et aux saccages perpétrés par les huguenots lors des guerres de Religion. Durant ces périodes de troubles, ses restes, dont ils ne subsistent aujourd’hui que quelques ossements, furent profanés. Mais les actions de Radegonde sur ce monde ne cessèrent pas. En effet, de nombreux miracles lui sont attribués. Ainsi, le Christ serait apparu à la sainte. Un an avant son décès, Radegonde aurait eu une vision de Jésus. Celui-ci, s'attristant des mortifications qu’elle s'inflige, lui apparaît. Selon Antoine Marot, dans son ouvrage Radegonde, le Christ aurait dit : « Pourquoi te répands-tu en supplications, et t'infliges-tu de si cruelles tortures, pour moi qui demeure toujours auprès de toi ? Tu es une perle précieuse, et sache bien que tu es un des plus beaux diamants de ma couronne. » En partant, il marque de son pas la pierre sur laquelle il se tenait. Ce « Pas-de-Dieu » est encore visible par les croyants au sein de l’église Sainte-Radegonde, où demeure encore sous le chœur le tombeau de l’ancienne reine des Francs. Cette dernière est entourée de chapelles dédiées à sainte Agnès, première mère abbesse de l’abbaye Sainte-Croix, et sainte Disciole, une moniale
L’empreinte de Radegonde sur « la Ville aux cent clochers » fut telle qu’elle lui permit de devenir la sainte patronne de Poitiers. Ainsi, le jour de sa fête, le 13 août, devint prétexte pour les habitants de la cité poitevine à de grandes processions et réjouissances chaque année. La vénération et l’accomplissement de petits miracles de la part de la sainte semblent encore continuer aujourd’hui, comme le prouvent les nombreuses plaques ex-voto encore présentes au sein de l’église Sainte-Radegonde. Ces prières deviennent ainsi des hommages rendu à une souveraine trop peu connue en France et qui aura délaissé l’or des palais pour la prière des monastères.
Eric de Mascureau
https://www.bvoltaire.fr/radegonde-sainte-et-reine-de-france/