Le 14 août dernier, un grand jury du comté de Fulton, à Atlanta, a inculpé l’ancien président en compagnie de dix-huit autres personnes pour avoir « sciemment et délibérément rejoint un complot visant à modifier illégalement le résultat de l’élection ». Une mauvaise nouvelle pour Trump, car s’il venait à être condamné, le caractère étatique du dossier ne lui permettrait pas de se gracier lui-même s’il était réélu président.
Pour caractériser les faits, le procureur en charge du dossier, Fani Willis, n’a pas hésité à prendre notamment appui sur une loi de Géorgie contre l’extorsion et la criminalité organisée qui s’applique en général aux chefs mafieux ou aux gangs de rue. Les co-accusés sont ainsi considérés comme une organisation ayant poursuivi « un plan et un objectif communs » pour commettre des actes criminels. Ce fondement interroge même le très progressiste New York Times, qui note qu’il faudra convaincre les jurés que le groupe disparate des dix-neuf inculpés – dont l’avocat personnel de Trump à l’époque, l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani, son ancien chef de cabinet, Mark Meadows, ou encore un ancien haut fonctionnaire du ministère de la Justice, Jeffrey Clark – travaillaient de concert dans le cadre d’un même projet criminel pour maintenir l’ancien président au pouvoir.
L’acte d’accusation détaille cent soixante et un actes distincts qui auraient été commis dans le cadre du complot présumé et cite au total quarante et un chefs d’accusation dont de fausses déclarations, la manipulation illégale de machines à voter, la falsifications de listes électorales ainsi que des pressions exercées sur des fonctionnaires ou des responsable de l’État.
Parmi les faits considérés comme les plus incriminants, un appel téléphonique passé par Donald Trump lui-même, le 2 janvier 2021, au secrétaire d’État de Géorgie, le républicain Brad Raffensperger, au cours duquel l’ancien président l’exhortait à recalculer les votes tout en soulignant qu’il voulait « juste trouver 11.780 voix, soit une de plus que nous n’en avons, car nous avons gagné l’État ».
Pour les démocrates comme pour l’accusation, c'est la preuve indubitable d’une tentative de manipulation des élections et d’un complot antidémocratique pour se maintenir au pouvoir. Le problème étant, cependant, comme pour l’inculpation fédérale, le postulat de départ. Ce postulat suppose établie et non contestable la mauvaise foi de Trump lorsqu’il prétendait que l’élection avait été volée : à partir de là, toutes ses démarches ne pouvaient relever que d’une volonté criminelle « de modifier illégalement le résultat de l’élection ».
Les procédures pénales pleuvent donc sur l’ancien président comme les flèches sur saint Sébastien. Pour l’ancien président, il ne s’agit que du nouvel acte d’une chasse aux sorcières qui n’a d’autre objectif que de l’empêcher de se représenter mais il le proclame haut et fort, même s’il fait face à la menace de passer « plusieurs vies en prison » : il n’abandonnera jamais sa « mission de sauver l’Amérique ». Trump persécuté, Trump martyrisé, mais Trump prêt à sacrifier sa liberté, sa fortune et sa gloire pour le salut de son peuple.
Du côté des démocrates et de la presse progressiste, bien entendu, on exulte, même si le ciel commence à s’assombrir avec la nomination, le 11 août dernier, d’un procureur spécial, David Weiss, pour enquêter sur les affaires du fils de Joe Biden. Quand bien même les Républicains s’inquiètent d’une possible tentative d’entraver leurs propres investigations au Congrès, cette annonce promet désormais une campagne présidentielle égayée non plus seulement par les enquêtes concernant Trump mais aussi par celles portant sur le président actuel et son fils.
Il est vrai que les élus républicains se sont donné bien du mal pour faire avancer le volet commercial et financier des affaires de Hunter Biden avec, en ligne de mire, des accusations de trafic d’influence impliquant son père lorsqu’il était vice-président de Barack Obama. Le 9 août dernier, James Comer, président du comité de surveillance de la Chambre, a publié un nouveau rapport d’enquête faisant état de versements de plusieurs millions de dollars de la part d’oligarques du Kazakhstan, de Russie et d'Ukraine. « Il est clair, a affirmé l’élu républicain, que Joe Biden était au courant des relations commerciales de son fils et s'est permis d'être "la marque" vendue pour enrichir la famille Biden alors qu'il était vice-président des États-Unis. »
Lentement mais sûrement, la campagne présidentielle se transforme donc en un concours de chasseurs de primes. Pour le moment, les démocrates peuvent se féliciter de faire la course en tête avec l’obtention de quatre inculpations. Reste à savoir si les électeurs américains apprécieront le spectacle.