Un héritage trop lourd pour un seul homme. Dès l’Antiquité, que ce soit en Grèce, en Égypte ou au Moyen-Orient, des structures étaient déjà en place afin que les enfants des familles aisées puissent recevoir un enseignement de la part de précepteurs et d’érudits. Alexandre le Grand fut ainsi formé par le philosophe Aristote, la fameuse académie de Platon fut fondée en 387 avant Jésus-Christ, sans parler de la légendaire bibliothèque d’Alexandrie. Il est d’ailleurs curieux que le mot « école » vienne du grec scholê signifiant « loisir », un loisir consacré aux études. Une étymologie que nombre de petits écoliers pourraient malicieusement contredire.
Mais alors, pourquoi Charlemagne est-il lié à l’invention de l’école s’il n’en est pas le véritable créateur ? Avec son accession au titre d’empereur d’Occident en l’an 800, Charles le Grand devient l’égal du Basileus de l’Empire byzantin. Ce dernier était le dépositaire du pouvoir de l’ancienne Rome et de son savoir. Afin de rivaliser avec cette puissance orientale, l’empereur « à la barbe fleurie » s'était constitué une cour du même niveau intellectuel que celle de Byzance. Il s’était entouré de moines érudits comme l’Anglais Alcuin. Ce dernier fut surnommé « l'homme le plus savant de son temps » par l’auteur Éginhard dans son livre La Vie de Charlemagne. Le moine aida Charlemagne à réaliser son projet : unifier l'empire à l’image de l’ancien Empire romain d’Occident. Pour y parvenir, il décida d’unir son peuple par une culture commune. On pourrait presque parler, de façon anachronique, d’un projet politique d’assimilation. Le domaine carolingien rassemblait en effet de nombreux peuples qui ne cessaient de se révolter contre l’autorité ou contre la religion chrétienne, ce qui obligea Charles le Grand à mener plusieurs campagnes militaires, notamment contre les Saxons de Germanie.
Afin d’éviter ces guerres sanglantes et pour asseoir son pouvoir ainsi que celui de ses héritiers, Charlemagne remplaça l’épée par la plume. Il prit des mesures pour renforcer le système éducatif plutôt instable depuis la chute de l’Empire romain d’Occident et les invasions barbares, ces dernières ayant provoqué un effondrement civilisationnel et institutionnel. Le souverain carolingien s’inquiétait aussi du besoin de restructuration du clergé autour d’une même pratique du culte. Il instaura une formation commune de tous les ecclésiastiques sur l’ensemble du territoire franc. Cette pratique limitait l’émergence d’hérésies sources de divisions. Charlemagne favorisa aussi l’évangélisation et la christianisation des terres païennes nouvellement acquises, notamment en Saxe. Religion et éducation vont ainsi de pair, au haut Moyen Âge. Toujours secondé par Alcuin, Charlemagne fit rédiger en 789 un texte de lois appelé l’Admonitio generalis. Il y est demandé aux ecclésiastiques d’organiser des écoles dans leurs églises, leurs cathédrales et leurs monastères afin d’apprendre aux enfants destinés à des vies religieuses ou seigneuriales à lire, à compter et à chanter.
Ainsi, bien que n’ayant pas inventé l’école, Charlemagne permit une reconstruction du système éducatif et un développement global de l’apprentissage dans toute l’Europe occidentale. Ce qui entraîna une véritable floraison de la culture et des arts. Ce développement fut si important pour son époque que l’on parla de Renaissance carolingienne. Un tel renouveau fait rêver. Il invite à réfléchir aux règles simples, prescrites par l’ancien empereur d’Occident : apprendre à nos enfants à lire, à compter et à chanter.
Eric de Mascureau
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