Une des questions qui me taraudent est celle de l’électricité « propre ». Apparemment, ce serait la panacée, qui supprimerait toute pollution, arrêterait la progression du réchauffement climatique et sauverait le monde de l’apocalypse. Mais, comme je l’ai déjà dit, cette notion d’un phénomène de la nature (dans la nature, si l’on préfère) strictement monovalent, n’ayant donc que de bons ou que de mauvais effets, me semble plutôt extraordinaire, pour ne pas dire suspecte. Alors, malgré l’enthousiasme généralisé pour la fée électricité, n’hésitons pas à proposer quelques réflexions malsonnantes.
Pour ne pas aggraver le réchauffement climatique, nous dit-on, il convient de produire de l’électricité « propre », « décarbonée », non polluante, donc non fabriquée à partir d’énergies fossiles. En mettant de côté l’électricité d’origine hydraulique, produite depuis longtemps, les deux moyens promus assez récemment pour cette production « décarbonée » sont les éoliennes et les panneaux solaires.
Arrêtons-nous sur les éoliennes. Je mets de côté les critiques qui ne vont pas à mon propos, comme l’intermittence de la production, l’atteinte à la biodiversité, l’altération des paysages, etc. Restons sur la seule question de la pollution de type chimique. Une éolienne standard est constituée d’un mat de cent mètres de haut en acier ou en béton, ancré dans un énorme bloc de béton qui assure sa stabilité, et pourvu d’une hélice d’environ trente mètres de diamètre, composée habituellement d'un mélange de fibre de verre, de fibre de carbone et de résine de polyester.
Produire de l’acier, du béton, un genre de « plastique » (pour l’hélice), et installer le tout, demandent de l’énergie (de quelle origine ?) et génère une certaine pollution chimique. Démonter cette éolienne, en fin de vie, et recycler ses matériaux demande de l’énergie (de quelle origine ?) et génère une certaine pollution chimique. Or, une éolienne n’a, selon les chiffres officiels, qu’une durée de vie de vingt à vingt-cinq ans, et ne fonctionne ni quand il n’y a pas assez de vent, ni quand il y a trop de vent.
En additionnant ces facteurs (pollution pour fabriquer et mettre en place l’éolienne, caractère épisodique de sa production d’électricité, courte durée de vie, pollution pour démonter et recycler l’éolienne), il est légitime de se demander si le jeu en vaut la chandelle, si réellement une éolienne produit plus d’électricité « propre », « décarbonée », non polluante, qu’elle ne consomme au cours de son existence de produits et d’énergies « sales », « carbonés » et polluants.
Il est raisonnable de poser les mêmes questions, mutatis mutandis, pour les panneaux solaires. Et une réflexion analogue serait utile pour ce qui concerne les objets capables de stocker ladite électricité « propre », à savoir principalement les batteries. La fiche Wikipédia intitulée « Batterie d'accumulateurs » affirme : « Une batterie de 100 kWh comme celle qui équipe la Tesla Model S P100D correspondrait à la production de plus de dix-sept tonnes de CO2. » Et ajoute : « La recherche d'une autonomie maximale avec des batteries de grande capacité contribuerait significativement au réchauffement climatique. »
Tout choix demande d’analyser des avantages et des inconvénients pour vérifier dans quel sens la balance pèse vraiment. Sauf à s’installer dans la pensée magique, on ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur ces instruments (éoliennes, panneaux solaires, batteries, etc.) destinés en soi à réduire le réchauffement climatique, mais qui ne sont peut-être pas si efficaces sur ce plan qu’il paraît au premier abord.
Alexandre Dumaine
https://www.bvoltaire.fr/point-de-vue-la-fee-electricite-et-la-pensee-magique/