Samuel Martin. Rappelez-nous tout d’abord, Mme la députée, le coût des mineurs isolés ou « non accompagnés ».
Alexandra Masson. Les mineurs isolés étrangers (MIE) – requalifiés en MNA (mineurs non accompagnés) par l’Union européenne – sont pris en charge en France par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) des conseils départementaux. Leur nombre a considérablement augmenté au niveau national, il a été multiplié par 20 en vingt ans. Dans mon département des Alpes-Maritimes, il s’agit à 95 % de garçons dont la plupart proviennent d’Afrique subsaharienne (Mali, Guinée, Côte d’Ivoire). Sur la période du 1er janvier au 31 août 2023, 4.736 mineurs ont été pris en charge par le conseil départemental, contre 2041 au 31 août 2022, soit une augmentation de 132 % en un an ! Ce flux entrant va dépasser, sur les huit premiers mois de 2023, les entrées totales de l’année 2022, qui étaient de 4.808.
Ces « mineurs isolés » représentent donc un coût colossal pour l’ASE des départements. La prise en charge des MNA est estimée, annuellement, en moyenne à 50.000 € par mineur, couvrant notamment l’hébergement, la nourriture, les frais d’éducation et de formation. Pour certains départements, particulièrement touchés par la crise migratoire comme les Alpes-Maritimes, le Nord et le Pas-de-Calais, mais aussi la Guyane et Mayotte, ce coût obère grandement leur budget et limite leurs actions dans d’autres domaines. Qui plus est, un rapport sénatorial de septembre 2021 a établi que les migrants isolés étrangers sont souvent en recherche d’opportunités économiques plutôt que contraints de fuir des pays en guerre.
S. M. Et l’implication de ces mineurs dans la délinquance ? Est-elle mesurable ?
A. M. L’augmentation de la délinquance liée aux migrants dits mineurs isolés est un phénomène de plus en plus préoccupant : ils provoquent des infractions de plus en plus nombreuses, graves et violentes. L’identification des jeunes mineurs étrangers interpellés complexifie la tâche des forces de l’ordre qui font face à un sentiment de découragement, alors que la Justice est incapable d’apporter une réponse pénale. Les MNA délinquants représentent à peu près 10 % des mineurs isolés en France, selon la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). Ils commettent principalement des vols sur la voie publique et dans les transports en commun, des vols par effraction et des vols avec violence.
S. M. Une partie des MNA… ne sont pas mineurs mais se font passer pour mineurs avec les avantages que cela entraîne. A-t-on idée de leur nombre ?
A. M. En effet, tous les individus qualifiés de MNA ne sont pas véritablement mineurs. Certains majeurs étrangers dissimulent leur âge véritable aux fins de bénéficier indûment, outre d’une prise en charge par l’ASE, du régime de peine minorée applicable en matière de justice pénale des mineurs. Lors d’une mission d’information de l’Assemblée nationale de mars 2021, la directrice de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne avait estimé qu’il « n’est pas exagéré d’imaginer qu’a minima, la moitié des MNA qui se prétendent [âgés de 16 ou 17 ans] dans l’agglomération parisienne sont en réalité âgés d’au moins 18 ans et mentent sur leur âge, comme ils le font à propos de leur identité pour bénéficier de la clémence de la justice des mineurs ».
S. M. Pour lutter contre cette fraude, vous avez déposé une proposition de loi. Comment s’articule-t-elle ?
A. M. J’ai déposé ma proposition de loi le 23 mai dernier. Elle a été retenue par mon groupe, celui du Rassemblement national, pour être inscrite dans la niche parlementaire qui sera débattue dans l'hémicycle à l’Assemblée nationale le 12 octobre prochain. Elle sera discutée en commission des lois le 4 octobre. Ma proposition de loi, dans son article 1er, vise à inscrire la possibilité de recourir aux tests osseux à l’égard des migrants qui ne détiennent pas de document d’identité valable et dont la minorité prétendue ne paraît pas vraisemblable. Il leur sera appliqué, à défaut pour eux de s’y soumettre, une présomption de majorité. Dans son article 2, elle tend à subordonner à la réalisation de ces tests osseux le bénéfice de l’ASE pour tout migrant qui se prétend mineur.
S. M. Cette proposition s’inspire-t-elle de pratiques qui ont cours dans d’autres pays, moins laxistes que la France ?
A. M. En l'absence de toute directive européenne, les cas sont très variables. Pour rappel, les examens consistent à radiographier de face la main et le poignet gauche et à examiner les points d’ossification des doigts et les cartilages de croissance. Les tests osseux sont pratiqués en France, mais également en Belgique, en Finlande, en Lituanie, en Norvège ainsi qu’aux États-Unis. À l’inverse, en Allemagne ou en Grèce, l’estimation de l’âge est réduite à l’appréciation visuelle au cours de l’entretien. Dans certains pays comme au Royaume-Uni, les tests osseux sont interdits et l’examen se limite à un entretien oral. La France pourrait donc être précurseur en la matière en renforçant son dispositif légal si ma proposition de loi était adoptée.
Samuel Martin
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