Dans les actes contemporains, il porte le nom d’Alain fils Comte et après 1205 de comte Alain. Les historiens anglais les plus récents le nomment donc Alan Fitzcount et l’historien breton Stéphane Morin le désigne souvent comme Alain de Goëlo. En fait, il s’agit d’Alain de Rennes, chef à partir de 1205 de la maison de Rennes, et donc héritier en ligne masculine du duc Geoffroy de Bretagne (mort en 1008, le fondateur de l’abbaye Saint-Gildas de Rhuys). Hélas pour lui, il appartient à cette période de transition de l’onomatistique nobiliaire. C’était l’époque où l’on désignait encore les nobles sous la forme d’un tel fils de… forme qui est restée dans le monde anglo-saxon avec les Fitzwilliam, Fitzalan, Fitzsimmons, etc. Sa dénomination de Fils Comte rappelait bien sûr qu’il était fils de comte ; son père, Henri (mort en 1184), possédait le titre de comte, sous-entendu de comte de Bretagne, titre que portaient tous les descendants mâles de Geoffroy Ier. Henri était le fils du comte Etienne, sans doute un des princes les plus riches de l’Occident chrétien, disposant du Trégor, du Penthièvre, du Goëlo en Bretagne et de l’Honneur ou comté de Richmond (3e fortune foncière) en Angleterre. Henri, qui avait reçu de son père le Goëlo, Guingamp et la forêt d’Avaugour et Waltham (détaché de l’Honneur de Richmond), se maria tardivement avec Mathilde de Vendôme. Alain, né vers 1154, fut leur fils aîné.
Le fondateur de l’abbaye de Beauport
Alain apparait pour la première fois, après la mort de son père, en très bonne place dans un des documents les plus importants de l’histoire de la Bretagne et même d’Europe, l’Assise au comte Geoffroy (1185). Il y montrait son accord et donc sa soumission à ce comte, en fait le duc de Bretagne, Geoffroy Plantagenêt (mort 1186), qui par cet acte révélait à tous sa supériorité. Il est vrai que Geoffroy était le fils et un des héritiers d’Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, duc de Normandie, et d’Aliénor, duchesse d’Aquitaine et comtesse du Poitou. Alain devait se montrer humble pour obtenir de Geoffroy, le mari de la fille de son cousin germain (le duc Conan IV étant le fils du frère aîné du comte Henri), l’investiture de son héritage paternel. Cela dût se passer assez mal car il n’obtint pas Guingamp. Par la suite, pour préserver de toute confiscation son Goëlo et sa riche terre de Waltham, il créa l’abbaye de Rion en 1189 puis celle de Beauport en 1202. En leur donnant une partie de sa fortune, il la préservait car même un souverain risquait l’excommunication s’il osait confisquer des biens ecclésiastiques. Quant au donateur, il avait droit de gîte et de couvert dans l’abbaye et surtout le droit d’y être inhumé et surtout surtout qu’entendre dans l’au-delà les moines prier éternellement pour le salut de son âme. Et il était plus agréable de vivre dans ces magnifiques abbayes bien lumineuses que dans des mottes féodales enfumées et sombres.
Le responsable de la perte de Jean sans Terre
Et puis, Alain comme d’autres devaient louvoyer entre les querelles qui secouaient la famille Plantagenêt et donc toute la Chrétienté. 1189, c’est l’année où débuta la dispute entre Constance de Bretagne et son ancien beau-frère, Richard Cœur de Lion, au sujet de la garde du prince Arthur, fils de Constance et héritier de Richard. 1202 marque la reprise du conflit entre Arthur et son autre oncle, Jean sans Terre, prince qui eut dans son entourage justement Alain, querelle qui finit l’année suivante par la capture et l’assassinat d’Arthur vers le 3 avril 1203 par Jean sans Terre. Des actes encore inédits indiquent qu’Alain avec d’autres s’inquiétèrent du sort d’Arthur (devenu duc de Bretagne à la mort de sa mère en 1201). Toutefois, révélant son rang supérieur aux autres, Alain est cité toujours en premier. Lorsque l’on apprit le meurtre à Rouen d’Arthur, ce fut Alain qui conduisit les troupes bretonnes parties venger leur duc. Si Philippe Auguste, roi de France, attaqua l’Est de la Normandie de Jean sans Terre s’emparant de Château-gaillard, Alain et ses Bretons firent la conquête de l’Ouest et chassèrent Jean sans Terre du Continent.
Régent du duché de Bretagne
Alain perdait bien sûr Waltham mais gagnait Guingamp et le Trégor. La mort en 1205 de son cousin germain, Geoffroy Boterel III de Rennes, lui permit d’acquérir le Penthièvre. Comme son gendre était le vicomte de Léon et ses cousins germains les seigneurs de Fougères et de Dinan, il dominait tout le Nord de la Bretagne, laissant à Guy de Thouars, régent de Bretagne pour sa fille, la très jeune Alix, fille cadette de Constance et donc demi-sœur d’Arthur, que le Sud du duché. Les relations entre Alain et Guy ne pouvaient que s’envenimer, surtout sur la question de la possession de Rennes. En 1209, le roi de France les convoqua à Paris et prononça un jugement digne de Salomon. Le fils aîné d’Alain, le jeune Henri d’Avaugour (portant le nom du château où il naquit en 1205 ; sa mère était Alix de L’Aigle, cousine du roi d’Angleterre), devait se marier à Alix, alors âgée de onze ans. En attendant la majorité d’Henri, Guy serait régent du duché pour le Sud et Alain pour le Nord. Alain intégra ainsi la liste des ducs. En effet, les régents de Bretagne sont considérés comme des ducs, tel Pierre de Dreux ou Mauclerc, régent de 1221 à 1237 pour ses enfants, Pierre qui est désigné dans la liste ducale sous le nom de Pierre Ier.
Cependant le programme royal échoua. Alain mourut trop tôt le 29 décembre 1212, à moins de 60 ans, Guy en 1213, laissant un Henri d’Avaugour, bien trop jeune. Le roi de France qui devait faire face au débarquement de Jean sans Terre avait besoin d’un chef de guerre pour commander les si efficaces Bretons. Il nomma duc de Bretagne justement Pierre de Dreux et lui fit épouser Alix de Thouars.
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