La CEDH, outil supranational
Or, la CEDH juge de nombreux cas touchant ce qu’on appelle le domaine « sociétal » : ses décisions s’imposent à 47 droits nationaux en Europe, contre les États eux-mêmes. « Des jurisprudences fondamentales », pour Valérie Boyer, touchant le mariage homosexuel, le changement de sexe à l'état civil, l'abolition de la prison à vie... mais aussi la GPA, les discriminations tous azimuts et la défense des migrants.
Sur ces sujets clivants, l'offensive est souvent lancée par des ONG qui mènent des « contentieux stratégiques », écrit l’ECLJ dans son rapport de 2023, non par goût de la justice mais pour obtenir des avancées (selon ces ONG), à savoir « la condamnation d’une pratique ou d’une loi en vigueur dans un pays, à défaut de parvenir à les changer, de l’intérieur, par les élections ou le gouvernement. C’est ainsi que des ONG sont parvenues à imposer des changements considérables à des gouvernements réfractaires. » Mais voilà, les dés sont-ils pipés ? « La fondation Open Society de George Soros se distingue par le fait que douze de ses collaborateurs ont été juges à la CEDH au cours de la période étudiée (2009-2019). » Par ailleurs, la même fondation finance six autres organisations mises en cause dans des conflits d’intérêts.
Un processus de cooptation militante
Mais, après tout, les juges de la CEDH sont élus librement par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Comment parvient-on à cette concentration de profils ? Nous avons demandé à Gregor Puppinck, le directeur de l'ECLJ, de nous éclairer sur ce point. Il explique à BV que tout se joue antérieurement à l’élection. « La procédure se rapproche de plus en plus d’une cooptation. Car, avant le vote, deux filtres opèrent. L’un porte sur la compétence et sur l’idéologie politique : "Êtes-vous pour ou contre l’euthanasie comme droit de l’homme ?" En amont, un panel d’experts vérifie que les listes de candidats proposés par les gouvernements correspondent à la ligne suivie par la CEDH. »
Un exemple tout chaud ? Cela fait un an et demi qu’un nouveau juge polonais aurait dû être élu. Comme la liste était proposée par le gouvernement conservateur polonais avec lequel le Conseil de l’Europe est en conflit, elle a été refusée trois fois. « Maintenant que la Pologne a un gouvernement libéral, conclut Gregor Puppinck, croyez bien que la prochaine liste sera acceptée. »
Un organisme, en particulier, semble dans le collimateur. L’Open Society Foundations du multimilliardaire George Soros œuvre « à la construction de démocraties dynamiques et inclusives ». Cette fondation « pour une société ouverte œuvre à construire des démocraties vibrantes (six) et inclusives dont les gouvernements sont responsables envers leur peuple », indique-t-elle sur son site. Une ouverture synonyme d'opposition fondamentale à toute frontière. L'Open Society alimente financièrement d’autres ONG pour démultiplier sa force de frappe. Quand l’ECLJ a demandé au Conseil de l’Europe d'en finir avec cette pratique de juges ex-militants, cela a été refusé. Pour Gregor Puppinck, c’est clair : « Ils ont bien conscience que ces profils militants sont les seuls capables d’insuffler une dynamique progressiste dans l’appareil des droits de l’homme. Des magistrats n’auraient pas les mêmes interprétations du droit. »
Macron en soutien de la CEDH
Les constats posés par l’ECJL à deux reprises n’ont pas été démentis mais ils ont été minimisés. Au niveau européen, on s’en accommode. Emmanuel Macron accédera-t-il la demande de Valérie Boyer « d'engager une enquête sur ces conflits d'intérêts graves » ? Gregor Puppinck ne nous cache pas ses doutes : « Macron s’est toujours présenté comme un grand soutien de la CEDH. C’est très bien que Mme Boyer fasse cette demande, mais elle sait que cela n’aboutira pas. » Quelle serait la solution ? « Même si la CEDH est partagée avec d’autres pays, c’est quasiment une institution française, puisqu’elle produit du droit qui s’applique en France, analyse Gregor Puppinck. Il serait légitime et nécessaire que cette institution fasse l’objet d’une évaluation, comme n’importe quelle autre institution française. » Un minimum.
Samuel Martin