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Olivier Wieviorka présente son « histoire de la résistance en Europe occidentale » [interview]

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14/01/2017 – 08H00 Paris (Breizh-Info.com) – Début janvier 2017 est parue « une histoire de la résistance en Europe occidentale » d’Olivier Wieviorka, aux éditions Perrin. Historien, professeur à l’Ecole normale supérieure de Cachan, Olivier Wieviorka est un spécialiste reconnu de la Résistance et de la Seconde Guerre mondiale, auxquelles il a consacré plusieurs livres, dont une Histoire du Débarquement en Normandie qui fait autorité et une Histoire de la résistance acclamée par la critique, primée par l’Académie française et plébiscitée par le public. Il a également codirigé, avec Jean Lopez, Les Mythes de la Seconde Guerre mondiale.

Présentation de l’éditeur :

La résistance en Europe de l’Ouest a longtemps été considérée comme un phénomène national. Et elle a, de longues années durant, été analysée comme telle, les historiens privilégiant, pour l’étudier, le cadre de leur pays. Pourtant, si les facteurs internes jouèrent un rôle central dans sa naissance, la part des Anglo-Américains dans sa croissance fut éminente : en Norvège comme au Danemark, aux Pays-Bas comme en Belgique, en France et en Italie, l’armée des ombres n’aurait pu croître sans le soutien de Londres d’abord, de Washington ensuite.

Il convenait dès lors de décloisonner les frontières et d’élargir les horizons pour offrir la première histoire transnationale de la résistance en Europe occidentale.
Pour ce faire, Olivier Wieviorka a étudié l’organisation puis l’action des forces clandestines et des gouvernements en exil de six pays occupés entre 1940 et 1945. En scrutant le rôle de la propagande, du sabotage et de la guérilla dans cet espace ouest-européen, il invite à reconsidérer sans tabou l’action de la résistance, ainsi que ses relations, tantôt cordiales, tantôt conflictuelles, avec les Alliés et les pouvoirs installés à Londres. Tout en mesurant la singularité de chaque pays, ce prisme original lui permet de pointer la communauté de destin qui unit cet ensemble appelé à être libéré par les troupes anglo-américaines.
L’auteur lève également le voile sur l’importance des finances, de la logistique et de la planification des grands Alliés dans le développement des forces clandestines, une donnée largement occultée lors des libérations. Il interroge, in fine, l’efficacité de l’armée des ombres, donc de la guerre subversive, dans la chute du IIIe Reich.

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Nous avons interrogé l’auteur sur cet excellent ouvrage, qui permet de mieux comprendre les mouvements de résistance en Europe de l’Ouest durant la Seconde Guerre mondiale.

Breizh-info.com : Pourquoi avez vous souhaité travailler sur cette histoire de la résistance occidentale en Europe. Que permettent d’apporter en plus vos recherches  aux travaux déjà effectués sur cette période de notre histoire ?

Olivier Wieviorka : J’ai souhaité travailler sur l’histoire de la résistance en Europe occidentale, dans la mesure où aucun ouvrage ne porte sur cette question, aussi surprenant que cela puisse paraître. Travailler à l’échelle européenne permet de répondre à plusieurs interrogations.

D’une part, ce parti pris aide à mieux comprendre la singularité – et les ressemblances – de chaque résistance. On constate ainsi que les obstacles qu’affronte de Gaulle ne sont pas nécessairement différents des problèmes qui se posent au Belge Hubert Pierlot. Cet angle aide également à mieux saisir le rôle que les Anglo-américains assignent à chaque résistance dans la lutte contre l’occupant nazi, pour, à terme, hâter la libération du Vieux Continent.

Breizh-info.com : Vous brisez notamment dans votre ouvrage le mythe des résistances autonomes et spontanées qui se seraient développées à l’ouest pendant la seconde guerre mondiale. Tout était donc sous contrôle américain et anglais ?

Olivier Wieviorka : Les résistances, dans l’Europe de l’ouest, se sont développées de façon spontanée et autonome – et ce dans les six pays considérés (Norvège, Danemark, France, Pays-Bas, Belgique et Italie). En revanche – et c’est une nuance de taille – elles n’auraient pas pu se développer sans appui extérieur.

Ce sont bien les Alliés qui lui fournissent les moyens matériels (armes, argent), qui lui offrent les transmissions nécessaires – sans parler du rôle joué par la BBC. La BBC contribue bien sûr à remonter le moral des peuples sous la botte, mais c’est également par la radio anglaise que passent les consignes adressées aux forces clandestines – y compris et peut-être surtout dans le cadre du débarquement en Normandie.

Breizh-info.com : Vous évoquez l’abandon stratégique de l’Est de l’Europe par les américains et les anglais au profit de l’Armée rouge, et de l’autre côté, le peu d’influence qu’aurait eu Moscou sur les résistants à l’Ouest. Quid des  résistants communistes à l’Ouest alors ?

Olivier Wieviorka : Les Anglo-Américains n’ont pas abandonné l’Europe de l’Est à l’Armée rouge. Mais les faits sont têtus. Par la force des choses, les Britanniques comme les Américains savaient qu’ils ne libéreraient pas militairement la Pologne ou la Tchécoslovaquie. De même, ils ne comptaient pas intervenir dans les Balkans.

Les résistances dans ces pays ont donc bénéficié d’un moindre soutien de leur part, hormis la Grèce et la Yougoslavie. Dans ces deux cas, cependant, la synergie entre armées secrètes et troupes régulières n’a pas été pensée, puisque les Alliés n’entendaient pas y débarquer. C’est cette réalité qui m’a incité à exclure du champ de mon étude ces deux exemples.
Tout en étant reliés à Moscou qui leur adresse consignes et directives, les communistes, à l’ouest, ont donc été laissés à eux-mêmes. Ils obéissent fidèlement aux consignes du Komintern, mais recherchent l’appui des Britanniques pour obtenir des armes. En effet, l’URSS n’a pas les moyens de les soutenir: parachuter des containers venant de Russie à l’ouest relevait de la mission impossible!

Breizh-info.com : Vous écrivez que la résistance en Europe de l’Ouest aurait été vaine sans les Américains et les Anglais. L’inverse eut-il été vrai ?

Olivier Wieviorka : Je n’écris certainement pas que la résistance en Europe de l’ouest aurait été vaine sans les Américains et les Britanniques. Comme je l’ai dit, la résistance, avec ou sans les Alliés, serait née en Europe de l’ouest. En revanche, son efficacité a largement dépendu de ces derniers.

Ce sont en effet les Anglo-Américains qui, en fixant des objectifs précis aux forces clandestines, ont permis de les inclure dans une grande stratégie et donc contribué à accroître son efficacité. De même, la résistance, seule, n’a pas été en mesure de libérer des espaces significatifs.

En revanche, l’action conjuguée des partisans et des troupes régulières a permis d’obtenir des résultats significatifs, en Bretagne comme en Italie. Ajoutons que la résistance a largement contribué à stabiliser la situation politique dans les pays tout juste libérés, en maintenant “la loi et l’ordre” pour reprendre la formule à laquelle les Anglo-Américains tiennent profondément.

Breizh-info.com : A l’instar, dans le camp ennemi, de quelques divisions allemandes qui mélangeaient différentes nationalités européennes (notamment dans la SS) la résistance que vous décrivez en Europe de l’Ouest semble être unie au delà des frontières nationales. L’Union Européenne s’est elle aussi construire durant la seconde guerre mondiale ?

Olivier Wieviorka :  Je ne pense pas que l’on puisse, comme la question le sous-entend, placer sur le même plan des divisions allemandes et la résistance.

Mais on peut affirmer que l’Europe s’est en partie construite durant la Seconde Guerre mondiale. D’abord parce que les dirigeants britanniques et les gouvernements en exil ont raisonné à l’échelle européenne – une différence de taille par rapport à l’avant-guerre – que l’on songe par exemple aux politiques de neutralité suivies par la Belgique ou la Norvège. Ensuite parce que ces dirigeants ont souhaité éviter la réédition de conflits aussi sanguinaires que les deux guerres mondiales. Ceci posé, n’exagérons pas l’incidence des années sombres. De Gaulle ne peut être considéré comme un Européen de coeur alors qu’il a joué un rôle éminent dans la structuration et l’incarnation de la résistance française.

Breizh-info.com : Quels ouvrages lisez vous en ce moment et conseilleriez vous à nos lecteurs ?

Olivier Wieviorka : L’ouvrage de Bettina Stangneth sur Eichmann avant Jérusalem est passionnant et je le recommande vivement.

Breizh-info.com : Quels sont les films sur la Seconde Guerre mondiale que vous leur conseilleriez ?

Olivier Wieviorka :  Au-delà de la Gloire est un film fascinant, mais relativement méconnu du public français alors qu’il porte en partie sur le Débarquement. A voir de toute urgence!

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
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