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[Bonne nouvelle] Découverte d’un trésor émouvant surgi du XVIIIe siècle

Elles attendaient patiemment, empaquetées dans des caisses d’archives, négligemment omises après avoir été confisquées à leurs destinataires. Plus d’une centaine de lettres adressées en 1758 aux marins français par leurs fiancées, épouses, parents, frères et sœurs viennent d’être ouvertes pour la première fois. « J’ai réalisé que j’étais la première personne à lire ces messages très personnels depuis leur rédaction. Leurs destinataires n’ont pas eu cette chance. C’était très émouvant »témoigne le professeur Renaud Morieux, de la faculté d'histoire de l'université de Cambridge et du Pembroke College.

En effet, pendant la guerre de Sept Ans, ces relations épistolaires avaient été saisies par la Royal Navy britannique, transportées à l’Amirauté de Londres et tout simplement oubliées… La collection est désormais conservée aux Archives nationales de Kew. « Il y avait trois piles de lettres reliées par un ruban. Elles étaient très petites et scellées, j'ai donc demandé à l'archiviste si elles pouvaient être ouvertes et il l'a fait. »

Aperçu extrêmement rare et émouvant des amours et de la vie

265 ans plus tard, donc, l’universitaire s’est plongé d’abord par curiosité, puis avec un réel intérêt dans ces missives qui en disent long sur l’éducation, les moyens ou l’angoisse de ces familles, à une époque où les courriers n’étaient jamais vraiment sûrs d’arriver. Certains, explique le professeur, « envoyaient parfois des copies de la lettre dans plusieurs ports ou demandaient aux proches des membres d'équipage de mettre des messages à l'intention de leurs proches dans leurs lettres. Rester en contact était un effort communautaire ».

 

Loin de l’instantanéité de nos messageries électroniques ou des réseaux sociaux, ces lettres témoignent d’un temps où l’on prenait encore le temps de peser chaque mot pour exprimer ses sentiments, qu’ils soient amoureux ou inquiets : « Les messages offrent un aperçu extrêmement rare et émouvant des amours, de la vie et des querelles familiales de chacun », rapporte Renaud Morieux. Ainsi, cette correspondance amoureuse de Marie Dubosc qui écrit à son mari premier lieutenant du Galatée, un navire de guerre français, sans savoir qu’il avait été capturé par les Anglais : « Je pourrais passer la nuit à t'écrire… Je suis ta femme éternellement fidèle. Bonne nuit mon cher ami. Il est minuit. Je pense qu'il est temps pour moi de me reposer. » Témoignage d’une histoire bouleversante parmi tant d’autres, si bien évoquée dans le chef-d’œuvre de Barbara qui chantait « Je n’ai pas la vertu des femmes de marins ». Non seulement Louis ne recevra jamais la lettre de son épouse mais, de plus, le couple ne se retrouvera plus puisque Marie rendra l’âme avant la libération du marin.

Résistance dans l'adversité

Ces missives n’ont pas toutes été écrites par des personnes instruites, pour preuve les fautes d’orthographe, l’absence de majuscules ou de ponctuation. Mais malgré l’analphabétisation de certains auteurs les conduisant parfois à dicter leur courrier à des scribes, les témoignages de foi ou de la façon dont il fallait tenir dans la difficulté forcent le respect. « Je vous souhaite une heureuse année, remplie des bénédictions du Seigneur », nous lit le professeur dans une vidéo publiée sur X. « Ces lettres parlent d’expériences humaines universelles, elles ne sont pas propres à la France ou au XVIIIe siècle. Elles révèlent comment nous faisons tous face aux grands défis de la vie. »

Enfin, à une époque où, déjà, le papier coûtait cher, l’universitaire s’amuse de constater que chaque centimètre carré du courrier a été noirci par la plume de l’auteur. Une découverte qui constitue donc un apport enrichissant sur le plan historique, et d’autant plus précieuse que l’écriture manuscrite est en voie de perdition. Des lettres qui ne sont pas sans rappeler la poésie de cette chanson : « Voilà combien de jours, voilà combien de nuits,/Voilà combien de temps que tu es reparti !/Tu m'as dit :/Cette fois, c'est le dernier voyage,/Pour nos cœurs déchirés, c'est le dernier naufrage... »

Illustration: bataille navale de la baie de Quiberon, 20 novembre 1759

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