Souverainistes contre identitaires, le combat fait rage depuis quelques années – essentiellement sur les réseaux sociaux et par vidéos interposées, les armes de notre époque. Entre ceux qui « en on plein le cul des arabes » et ceux pour qui Maastricht, l’Euro et l’UE constituent l’ennemi principal, un gouffre s’est formé. A l’intersection de ces deux positions, celle de Rodolphe Cart fait figure d’exception : il tient une ligne d’équilibre entre les obsédés de la race et ceux des traités européens, en épousant un nationalisme intégral anti-élite, conscient des enjeux économiques, de souveraineté et d’identité. Dans le court essai Feu sur la droite nationale !, l’auteur développe sa vision pour refaire un nationalisme français.
Du côté des identitaires, on entend souvent « sans les extra-européens, la France serait un paradis », c’est faire fi des questions économiques et sociales qui ont une importance capitale dans une France en voie de paupérisation et de déclassement avancée. La question identitaire est un « problème de riche » et restera toujours secondaire quand la fin du mois arrive de plus en plus tôt. Lorsqu’on vit chaque mois sur son découvert, la question identitaire est un luxe (ce qui explique largement la différence de seize points entre les scores de Marine Le Pen et de Zemmour à la dernière présidentielle).
Mais de la même manière que l’identitaire n’a que la question de la race à l’esprit, le souverainiste n’a que celle de la sortie de l’UE pour horizon. Cette vision de la souveraineté limitée à des enjeux juridiques refuse de s’attaquer au problème identitaire. Le souverainisme à la Cart est imprégné d’identitarisme, et on peut regretter que Rodolphe Cart reste assez peu représentatif des mouvements souverainistes français, pour lesquels la question identitaire est soit totalement éludée (UPR, République souveraine), soit évoquée à demi-mots (Les Patriotes, Cercle Aristote).
La ligne de Rodolphe Cart est résolument populiste : point de salut sans le combat contre la racaille d’en bas et celle d’en haut. Dans Feu sur la droite nationale !, l’auteur nous expose l’incurie et les trahisons successives de nos élites qui ont mené la France dans son état actuel. Il rappelle très justement que l’ennemi prioritaire est cette clique européiste et immigrationniste au pouvoir depuis 50 ans, et s’appuie sur l’analyse gaullienne – passage obligé pour tout souverainiste – pour dénoncer cette bourgeoisie qui n’a jamais été patriote.
France contre occident, nation contre civilisation
Rodolphe Cart est un nationaliste français ; il ne considère pas faire partie d’une civilisation occidentale, prônée par certains identitaires. Ces derniers voient des européens partout (États-Unis, Australie) et évoquent une fraternité blanche transnationale à l’opposé de l’enracinement français défendu par l’auteur haut-savoyard. Un nationaliste ne s’estime pas partout chez lui – même dans un pays occidental – au contraire de certains identitaires citoyens du monde blanc. Les questions géopolitique et culturelle émergent ici : le souverainiste défend l’indépendance française et lutte contre les influences extérieures (américaine et européiste), au contraire de l’identitaire qui voit une unité civilisationnelle entre tous les blancs et des intérêts politiques communs. Ces approches opposées constituent l’obstacle majeur à un éventuel rapprochement entre les deux lignes, qui sur ce point semblent irréconciliables.
Rodolphe Cart nous montre que ne pas lier les questions identitaire, sociale et souverainiste est une erreur, et que l’ennemi n’est ni le gauchisme, ni l’immigré mais l’élite mondialisée. Il inaugure avec son Feu sur la droite nationale !, la collection Débats & Controverses des éditions La Nouvelle Librairie. Nul doute que les identitaires piqués au vif ne manqueront pas de répondre.