Ce rejet n’a pas d’abord pour origine une divergence politique, mais une contestation morale. Mme Hidalgo, maire de Paris (mais d’autres politiques pourraient aisément être choisis à sa place), illustre bien l'idée.
Mme Hidalgo met en œuvre un programme clivant : politique anti-voiture systématique, projet coûteux de logements sociaux, etc. Toutefois, elle a annoncé ce programme lors des campagnes municipales, et c’est sur ce programme qu’elle a été élue à deux reprises. En sorte qu’une contestation de son action ne peut être que politique et n’entraîne pas en soi une dévaluation du politique, puisque les opposants voudraient justement mettre en œuvre un programme politique contraire.
En réalité, c’est l’usage trop fréquent d’une malhonnêteté foncière qui disqualifie les politiques aux yeux du peuple ordinaire. Voyons, chez Mme Hidalgo (encore une fois, prise seulement à titre d’exemple), l’usage d’une telle malhonnêteté.
Candidate en 2020, elle déclare solennellement qu’elle n’augmentera pas les impôts locaux. Personne ne l’obligeait à une telle déclaration (passablement déraisonnable, soit dit en passant). Or, sans faire aucun cas de la parole qu’elle avait (imprudemment) donnée aux Parisiens, Mme Hidalgo a augmenté, en 2023, la taxe foncière de 50 %.
Lors de cette même campagne, Mme Hidalgo s’est engagée solennellement à ne pas être candidate à la présidentielle. Cette promesse, contrairement à celle touchant les impôts, n’était pas stupide. Car si personne ne peut prévoir de façon certaine l’évolution de la situation économique, tout un chacun peut en conscience décider des priorités de sa vie. Nul n’obligeait Mme Hidalgo à faire cette déclaration. Or, elle s’est présentée à la présidentielle de 2022, non pas même en « cédant aux instances de ses camarades », mais bel et bien en leur forçant la main.
Ces deux comportements (on pourrait en citer d’autres) signifient que la vérité n’a aucune importance, que la parole que l’on donne n’est qu’une hâblerie, qu’on peut être impunément sans foi ni loi. Toute personne normalement constituée, simplement honnête, ne peut être que scandalisée d’une telle posture. On l’accepterait déjà difficilement d’un enfant : comment pourrait-on la supporter de la part de celui qui est chargé de nous guider ?
On attribue à Charles Pasqua (parmi d’autres) la célèbre phrase : « Les promesses électorales n’engagent que ceux qui les croient. » La formule est brillante, amusante, percutante. Elle est pourtant d’une profonde immoralité. Soit elle enseigne que la vérité n’a aucune importance, soit elle postule que les politiques sont au-dessus des règles de la morale ordinaire. Dans les deux cas, cela ne peut qu’entraîner un mépris envers la fonction même du politique.
On dira que Mme Hidalgo ne pouvait pas faire autrement que d’augmenter les impôts, étant donné la conjoncture, et qu’en se présentant à la présidentielle, elle s’est sacrifiée pour le bien du pays, comme un agneau qu’on mène à l’abattoir. C’est peut-être vrai, qui sait ? Et il ne s’agit pas d’accuser Mme Hidalgo d’avoir changé d’avis si la situation l’exigeait.
Nous l’accusons précisément (elle, comme tous les politiques qui agissent selon de tels principes) de ne pas avoir tiré la conséquence morale et politique de sa difficulté à tenir les promesses solennelles qu’elle avait faites : à savoir de renoncer au mandat qu’elle avait reçu en vertu de ses promesses, quitte à se représenter devant les électeurs sur la base de ses nouveaux choix. Qu’elle soit alors réélue ou non, au moins, ses actes correspondront à ses paroles et les électeurs retrouveront leur confiance : « Elle a dit ce qu’elle fait, elle fait ce qu’elle a dit. »
Alexandre Dumaine
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