Derrière Dati, l’ombre de Vincent Bolloré ?
Il n'en faut pas davantage pour que les syndicats d’artistes fassent de l'urticaire. Interrogé par nos confrères du Monde, Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac, première organisation d’employeurs des scènes publiques), peste. Pour lui, la présence de Dati au gouvernement est une « malheureuse confirmation, celle de l’absence de considération du président de la République pour ce ministère ». Et d’ajouter : « On assiste à une stabilité à Bercy et au ministère de l’Intérieur, mais la Culture et l’Éducation nationale deviennent des ministères d’ajustement politique. La déconsidération pour ces grands services publics montre à quel point l’idéologie libérale domine. »
Dans un communiqué, le syndicat voit dans cette nomination une insupportable provocation. « L’arrivée de madame Dati au ministère de la Culture constitue une provocation incontestable, lit-on sur le site du syndicat. Le libéralisme dont elle se prévaut et ses postures idéologiques laissent présager de bien mauvaises nouvelles pour les années à venir. Le Syndeac ressent cet énième remaniement comme une forme de mépris d’autant plus fort que la personnalité de la nouvelle nommée n’a jamais manifesté, dans sa carrière politique, la moindre expression d’intérêt à l’égard de la Culture. »
De son côté, Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT, se dit « inquiet, car on connaît les liens entre Rachida Dati et Nicolas Sarkozy, mais aussi ceux de Nicolas Sarkozy avec Vincent Bolloré ». Une déclaration qui ne manque pas de sel, quand on sait que l’intéressé est également journaliste pour Prisma, entité du groupe Vivendi, propriété du groupe Bolloré. Enfer et damnation, une sarkozyste à la tête de la Culture !
Le petit monde politico-artistique sue à grosses gouttes
Le séisme Dati n’a pas fini de faire trembler le petit monde politico-artistique mondain. Interrogé par BFM TV, l’académicien Érik Orsenna lâche une pique discrète dirigée vers le nouveau ministre : « Pour Rima, la culture, c’est la vie, pour d’autres, c’est un coup, c’est une manœuvre. » Au micro de Paul Larrouturou, journaliste TF1info, Anna Mouglalis, ancienne mannequin et actrice, envisage déjà la fronde ! « Naaaaaan... La culture a déjà été bien détruite mais la culture est vivante et la culture, sa fonction, c’est aussi de résister. J’espère qu’il va y avoir une révolution culturelle », se décompose-t-elle.
À la mairie de Paris, la nomination de l’ex-chef de l’opposition de droite fait des émules. Sur X, Éric Lejoindre, maire du XVIIIe arrondissement, dresse un bilan peu élogieux de sa collègue du VIIe : « Saccage de la droite parisienne, saccage de l’éthique gouvernementale et saccage sans doute, et c’est le pire, de la politique culturelle redescendue au niveau d’outil pour de petits deals politiques. Quel bilan, avant même son entrée au gouvernement ! ». Et, bien sûr, comment ne pas citer la réaction d’Anne Hidalgo, grande rivale de Rachida Dati qui s’est immédiatement fendue d’un message sur Instagram : « Je souhaite bon courage aux acteurs du monde de la culture, compte tenu des épreuves qu'ils vont traverser. » De son côté, Rachida Dati va devoir composer avec un milieu qui lui est particulièrement hostile. Comme dirait le Géronte de Molière : « Que diable allait-[elle] faire dans cette galère ? »
Julien Tellier