On surabonde en permissions, en interdictions, en exclusions, en ostracismes, en validations, en discriminations positives ou négatives, en censures, en provocations, en mises à l'écart ou à l'honneur. Sur tous les plans.
Et je ne cesse de m'interroger. Mais qui donc tient la porte d'entrée ?
Dans le domaine de la liberté d'expression, puisque la vérité n'est plus le critère décisif pour évaluer le propos, qui, médiatiquement, politiquement, va répartir le bon grain et l'ivraie, autoriser ici et fustiger là ? Qui sera l'arbitre incontesté entre le décent et l'indécent, entre ce qu'on aura le droit de penser et de dire ou ce qui devrait immédiatement mériter l'opprobre ? Qui va être assez légitime pour tenir la porte d'entrée ?
Pour la vie parlementaire, nous sommes lassés des fluctuations épuisantes du président de la République qui n'en finit plus de tendre l'arc sur le Rassemblement national puis de le détendre, contredisant sans vergogne son Premier ministre. Celui-ci n'a pourtant pas hésité à proposer un débat à Marine Le Pen alors qu'elle n'est plus dans l'arc, jusqu'au prochain changement ! À partir du moment où l'évidence de Gabriel Attal n'est pas admise - l'arc républicain est tout l'hémicycle ! -, qui va déterminer le licite et l'illicite, les paroles acceptables dans les débats honorables ou les interventions scandaleuses dans une Assemblée nationale partagée entre purs et impurs ? Qui aura été assez exemplaire, au plus haut niveau de l'Etat, pour donner des leçons, qui sera assez digne pour tenir la porte d'entrée ?
Il n'est pas un sujet de société, une controverse, qui ne conduisent à cette interrogation tant, de plus en plus, la dispute libre et contradictoire est remplacée par des inquisitions qui simplifient tous les échanges par cette double commodité : tout le monde n'a pas le droit de parler et il y a des pensées qui n'ont pas le droit d'exister.
C'est une obsession chez moi que cette lancinante inquiétude : qui tient la porte d'entrée ? Qui gardera les gardiens ?
La triste réalité d'aujourd'hui ayant mis le ver non seulement dans le fruit mais dans le contrôle de l'action du ver.
La cérémonie de panthéonisation du couple Manouchian, avec les réactions qu'elle a suscitées avant sur la présence ou non de Marine Le Pen, est révélatrice d'incohérences françaises qui veulent tout et le contraire de tout.
Je n'ai pas l'intention, me glissant dans le sillage du remarquable entretien de Stéphane Courtois questionné par Jean-Christophe Buisson (Le Figaro), de discuter la nature de la Résistance communiste, son caractère peut-être plus international - soumission à l'URSS ? - que national et le nombre de fusillés.
Alors que les choix, les ennemis, la culture et la mort héroïque de Missak Manouchian démontrent surabondamment que la France était authentiquement dans son coeur, à lui, ce "Français de préférence". Ce n'est pas contradictoire avec cette assertion de Stéphane Courtois selon qui "la mort de Missak Manouchian suscite l'admiration mais son héroïsation a été construite par le PCF".
Une double perversion dans cette volonté d'exclusion de Marine Le Pen.
Il était normal qu'elle ne vînt pas à l'hommage rendu à Robert Badinter, s'agissant d'une demande de la famille. En revanche, pour le couple Manouchian, en dépit de l'opposition du comité de soutien pour la panthéonisation et des réserves critiquables du président politisant ce qui n'aurait jamais dû l'être, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont eu raison de maintenir leur présence dans la soirée du 21 février.
En effet le président de la République, garant de la concorde nationale à l'occasion de cérémonies appelant l'unité au moins le temps de leur préparation et de leur déroulement, a été aux antipodes de cette exigence dans son entretien acide avec L'Humanité. Comment ne pas approuver Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, qui explique ceci : "L'hypothèse de voir Marine Le Pen accéder au pouvoir était un songe et gagne désormais de la consistance. En tentant de l'écarter, le parti présidentiel tente de renverser la tendance" (Le Figaro) ?
La seconde absurdité. On remarque que la normalisation historique de Marine Le Pen - elle a rompu avec son père à cause de certains de ses délires provocateurs dans ce domaine - est perçue comme une catastrophe par ses opposants. Ils sont privés d'une détestation confortable sans avoir été capables de lui substituer une contestation intelligemment politique, beaucoup plus difficile à présenter. Il est tout de même choquant que sur le plan éthique, on ne se félicite pas d'une évolution aussi heureuse, pourtant conforme à cette idée que l'important n'est pas de savoir d'où l'on vient mais où l'on va.
Dans cette controverse indélicate - elle met de l'ombre sur une panthéonisation pourtant quasi consensuelle -, la question sur "qui tient la porte d'entrée ?" est cruciale. Le président, avec ses louvoiements et ses manoeuvres politiciennes, a perdu toute crédibilité.
Recherche désespérément un portier juste et équitable !
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