« Le gouvernement soviétique est probablement en retard dans l’étude de cette question… Nos dirigeants sont maintenant occupés par des problèmes militaires. »
Molotov, en réponse à Antony Eden, à la Conférence de Moscou des ministres des Affaires étrangères de l’URSS, des États-Unis et de la Grande-Bretagne du 19 au 30 octobre 1943.
Note du Saker Francophone
Où l’on apprend incidemment, que dès 1943, probablement au vu des défaites de la Wehrmacht en Russie, les Anglo-Saxons anticipaient déjà l’issue finale de la reddition allemande et le démembrement de l’Allemagne. Ils ont malgré tout attendu juin 1944 pour débarquer en Normandie et… « gagner la guerre » !
Où l’on comprend aussi la décision de Staline d’occuper l’Allemagne de l’Est pour assurer la sécurité de l’URSS, suite à la volonté des Anglo-Saxons de démembrer et occuper l’Ouest du pays.
Une attention particulière doit être accordée au fait que ce sont les Anglo-Saxons qui, en 1943, ont établi plusieurs zones d’occupation temporaire en Allemagne. Ce sont eux aussi qui faisaient des plans de fragmentation de l’Allemagne en un certain nombre de mini-États. En fait, leur idée pour l’Allemagne d’après-guerre était de restaurer le Traité de Westphalie de 1648, qui pendant plus de trois cents ans a éliminé l’Allemagne comme nation unifiée de l’histoire européenne.
La position de principe de l’Union Soviétique par rapport à l’Allemagne unifiée est évoquée par Joseph Staline le 23 février 1942 dans l’ORDRE du COMMISSAIRE DU PEUPLE DE LA DÉFENSE DE L’URSS N° 55 Moscou
« La presse étrangère dit parfois que l’Armée rouge vise à exterminer la nation allemande et à détruire l’État allemand. Ceci, bien sûr, est un non-sens stupide et une calomnie contre l’Armée rouge. L’Armée rouge ne peut pas avoir de tels buts idiots.
L’Armée rouge a pour but d’expulser les occupants allemands de notre pays et de libérer les terres soviétiques des envahisseurs fascistes allemands. Il est très probable que la guerre pour la libération des terres soviétiques conduira à l’expulsion et à la destruction de la clique d’Hitler. Nous souhaiterions un tel résultat. Mais il serait ridicule d’identifier la clique d’Hitler avec le peuple allemand, avec le pays allemand. La connaissance de l’histoire montre que les ‘Hitlers’ vont et viennent, mais le peuple allemand et l’État allemand restent. »
La deuxième déclaration publique la plus importante montrant que la position de l’Union Soviétique était la préservation de l’Allemagne a été faite par Joseph Staline le 9 mai 1945, dans son discours radio au peuple soviétique le Jour de la Victoire sur l’Allemagne. Le texte a été publié par le journal Pravda le 10 mai 1945. Il est connu comme le discours du commandant suprême J. V. Staline le 9 mai 1945 :
« Il y a trois ans, Hitler a publiquement déclaré ses objectifs, y compris un démembrement de l’Union soviétique et la séparation d’avec le Caucase, l’Ukraine, la Biélorussie, les États baltes et d’autres régions. Il a déclaré sans ambages : ‘Nous détruirons la Russie, de sorte qu’elle ne puisse jamais plus se relever.’
C’était il y a trois ans. Mais les idées folles de Hitler n’étaient pas destinées à se réaliser, le cours de la guerre les dispersa aux 4 vents. En fait, il s’est produit quelque chose de complètement opposé au délire des Allemands. L’Allemagne est vaincue. Les troupes allemandes capitulent. L’Union Soviétique célèbre la victoire, bien qu’elle n’ait pas l’intention de démembrer ou de détruire l’Allemagne.«
Cité par l’édition de Joseph Vissarionovich Staline, « The Complete Collection of works », Volume 15
La Conférence, à Moscou, des ministres des Affaires étrangères de l’URSS, des États-Unis et de la Grande-Bretagne du 19 au 30 octobre 1943.
Le 25 octobre 1943, lors de la discussion du plan des Alliés présenté par Cordell Hull « Principes de base concernant la reddition allemande ».
Traduction, par l’auteur, de la transcription officielle de la conversation entre Anthony Eden et Molotov
Eden : En ce qui concerne le statut permanent de l’Allemagne. Nous aimerions avoir une division de l’Allemagne en États séparés. En particulier, nous aimerions séparer la Prusse du reste de l’Allemagne. Nous encouragerions donc (…) le démembrement en Allemagne .(…) Il serait intéressant de connaître l’opinion du gouvernement soviétique sur cette question.
Molotov : Je dis à M. Eden et à M. Hull que pour toutes les mesures des alliés visant à maximiser la neutralisation de l’Allemagne en tant qu’État agressif, le gouvernement soviétique soutient le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique. Est-ce suffisant ou pas assez ?
Eden : Je voudrais savoir ce que vous, Monsieur Molotov, pensez de la question dont nous discutons. À Londres (…) nous sommes arrivés à la conclusion qu’il serait important de connaître votre opinion et celle du Maréchal Staline concernant le démembrement de l’Allemagne (…) le défi présenté ici est de savoir si nous devrions essayer d’utiliser la force (…)
Molotov : Le gouvernement soviétique est probablement en retard dans l’étude de cette question… Nos dirigeants sont maintenant occupés par des problèmes militaires.
Source : « Qui a divisé l’Allemagne en 1945 : ce dont les Allemands et les Russes, devraient se souvenir » par Sergey Brezkun, professeur à l’Académie des sciences militaires.
La conférence de Téhéran entre Joseph Staline, Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill, du 28 novembre au 1er décembre 1943
Le 1er décembre, Roosevelt, durant sa conversation avec Staline, face à face, pendant le petit-déjeuner, a dit : « Allons-nous discuter de la partition de l’Allemagne ? »
Staline a répondu : « Cela ne me dérange pas ». [Il voulait dire que ça ne le dérangeait pas de discuter de la question. Note de l’auteur].
Quand la discussion officielle a commencé, Roosevelt a immédiatement déclaré qu’il aimerait discuter des questions de la Pologne et de l’Allemagne.
Staline a demandé, s’il y avait d’autres sujets pour la discussion.
Roosevelt a immédiatement répondu : « le démembrement de l’Allemagne ».
Selon le dossier sténographique :
Churchill : Je suis pour le démembrement de l’Allemagne. Mais je voudrais examiner la question du démembrement de la Prusse, aussi. Je suis pour la séparation de la Bavière et d’autres provinces d’Allemagne.
Roosevelt : Je voudrais déclarer que j’ai compilé moi-même, il y a deux mois, un plan de démembrement de l’Allemagne en cinq États.
Churchill : La racine du mal en Allemagne, c’est la Prusse.
Roosevelt : La Prusse doit être affaiblie et réduite en taille (…) la deuxième partie (…) doit être établie dans les régions de Hanovre et du Nord-Ouest de l’Allemagne. La troisième partie dans la Saxe et un quartier de Leipzig. La quatrième partie est la province de Hesse, Darmstadt, Kassel et les zones situées au sud du Rhin et la vieille ville de Westphalie. Une cinquième partie en Bavière, Baden, Württemberg. Chacune de ces cinq parties représentera un État indépendant. En outre, la partie de l’Allemagne devrait être attribuée aux zones du canal de Kiel et de Hambourg …
Churchill : Ce que vous avez dit est juste une bouchée (…) Je crois qu’il y a deux questions : l’une destructive et l’autre constructive. J’ai deux pensées. La première est l’isolement de la Prusse (…) la seconde est la séparation des provinces méridionales de l’Allemagne – Bavière, Bade, Würtemberg, Palatinat, de la Sarre à la Saxe incluse (…) Je pense que la province méridionale est facile à séparer de la Prusse et à inclure dans la Confédération du Danube (…)
Staline est resté silencieux durant cet échange
Staline : Je n’aime pas le projet de nouvelles associations [Staline pensait, bien sûr, à une collection de petits États artificiels, Note de l’auteur]. Peu importe la façon dont nous avons abordé la question du démembrement de l’Allemagne, il n’est pas nécessaire de créer une Association mort-née des pays du Danube. La Hongrie et l’Autriche doivent exister séparément l’une de l’autre (…)
Roosevelt : Je suis d’accord avec le Maréchal Staline (…)
Churchill : Je ne veux pas être interprété comme si je n’étais pas pour le démembrement de l’Allemagne. Mais je voulais dire que si vous divisez l’Allemagne en plusieurs parties, alors, comme l’a dit le Maréchal Staline, le jour viendra où les Allemands se réuniront.
Staline : Il n’y a aucune mesure qui éliminerait la possibilité de l’unification de l’Allemagne.
Churchill : Le maréchal Staline préfère-t-il une Europe divisée ?
Staline : Qu’est-ce que l’Europe a à voir avec tout cela ? Je ne sais pas s’il faut créer quatre, cinq ou six États allemands indépendants. Ce problème doit être discuté. Mais il est clair pour moi qu’il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles unions d’États.
Source : Sergey Kremlev, « Les mythes à propos de 1945, Moscou ». Maison d’édition Eksmo, 2010. Кремлёв Сергей. Date de publication : « Мифы о 1945 годе ». … Издательский дом : Яуза : Эксмо. Год издания : 2010
La conférence de Potsdam, du 17 juillet au 2 août 1945
Extrait des « mémoires du maréchal Joukov ». Georgiĭ Konstantinovich Joukov
Nous avons eu une discussion sérieuse sur la question soulevée, encore une fois, par les délégations des États-Unis et de l’Angleterre, sur le démembrement de l’Allemagne en trois États l’Allemagne du Sud, l’Allemagne du Nord et l’Allemagne de l’Ouest. Cette question a été soulevée par eux, pour la première fois, à la conférence de Crimée, elle a été rejetée par la délégation soviétique.
À Potsdam, le chef du gouvernement soviétique a de nouveau rejeté la question du démembrement de l’Allemagne.
J.V. Staline avait l’habitude de dire :
« Nous ne devrions pas permettre, par rapport au peuple allemand, cette injustice historique. Le peuple allemand ne serait jamais d’accord avec le démembrement artificiel de sa patrie. Cette proposition, que nous rejetons, est contre nature. Ce que nous devons accomplir, ce n’est pas démembrer l’Allemagne, mais la rendre démocratique et pacifique. »
La délégation soviétique à la conférence de Potsdam a insisté sur l’inclusion d’une disposition dans le document final de la conférence. Cependant, à cause de l’opposition des représentants des puissances occidentales, cette décision a été rejetée. Les organes d’un gouvernement centralisé n’ont pas été établis et l’unification de l’Allemagne sur une base pacifique et démocratique, telle qu’envisagée à Potsdam, n’a pas été réalisée.
C’est Staline qui avait insisté pendant la conférence de Potsdam pour que la résolution suivante soit incluse dans les conclusions :
« Les alliés ne vont pas détruire ou jeter dans l’esclavage le peuple allemand. Les alliés entendent donner au peuple allemand l’occasion de se préparer à poursuivre sa reconstruction sur une base démocratique et pacifique. »
Source : Teheran – Yalta – Potsdam, Collection de documents, compilée par W.P. Sanakoev, BL Cybulski. 2e édition Moscou : Maison d’édition « Relations internationales », 1970. – 416 p.
Le dernier jour de la conférence de Potsdam, Staline a parlé à deux reprises de la nécessité d’un « appareil administratif central pour l’Allemagne » sans lequel « la politique générale contre l’Allemagne est difficile à mener ». [Du point de vue de Staline, l’administration centrale pour l’Allemagne pourrait empêcher les Alliés de diviser le pays, comme ils ont insisté pour le faire. Note de l’auteur].
Le même jour, parlant de la préservation de l’industrie de la Ruhr, Staline a proposé dans le document final de la conférence d’ajouter un procès-verbal disant que la région de la Ruhr devait rester une partie de l’Allemagne.
Quand le ministre des affaires étrangères britannique, Ernest Bevin, a demandé pourquoi Staline avait même mentionné cette question, Staline a déclaré que « l’idée d’une région séparée pour la Ruhr est apparue initialement à partir de la thèse du démembrement de l’Allemagne « , et a ajouté : « Après cela, il y a eu un changement de point de vue sur cette question. L’Allemagne restera un pays uni. La délégation soviétique pose cette question : êtes-vous d’accord pour dire que la région de la Ruhr soit laissée à l’Allemagne ? C’est pourquoi cette question est soulevée ici. »
Truman a accepté. Bevin, dont le gouvernement voulait prendre le contrôle de la Ruhr, a déclaré qu’il devait consulter son gouvernement. Il a également déclaré : « Nous proposons de ne créer aucun gouvernement central allemand pendant un certain temps. »
Source : « L’histoire de l’Allemagne ». Volume 2. « De la création de l’Empire allemand jusqu’au début du XXIe siècle ». Manuel en 3 volumes / éd. par Y. V. Galaktionov. – Moscou: KDU, 2008.
Le premier jour de la conférence de Yalta, le 4 février 1945
En réponse à l’offre de Churchill de discuter du futur de l’Allemagne, et même s’il y en aurait un, Staline répondit brièvement : « L’Allemagne aura un avenir. »
Lorsque la discussion a commencé à Yalta, Staline a déclaré que « Si les alliés ont l’intention de démembrer l’Allemagne, il faut le dire ».
Roosevelt a déclaré le 5 février 1945 que « dans les conditions actuelles « , il ne voit « pas d’autre issue pour l’Allemagne que le démembrement ».
Staline avec son humour noir habituel a demandé :
« Combien de parties ? Six à sept ou moins ? »
Staline a maintenu cette position de principe contre le démembrement de l’Allemagne jusqu’à la fin de la guerre. Et cette position devint la position officielle de l’URSS.
L’URSS s’opposait au Plan Morgenthau
Bien que l’Union Soviétique ait souffert plus que les autres du fascisme allemand, elle a pris cependant une position humaine.
Avant le 9 mai 1945, Les États-Unis et les Alliés ont entrepris de nombreuses tentatives pour pousser à la coopération de l’URSS sur la division de l’Allemagne.
Tout d’abord ils ont présenté à Staline le plan Hans Morgenthau de division de l’Allemagne, qui a été approuvé par Churchill et Roosevelt. Staline rejeta ce plan.
Le plan de Morgenthau comprenait le démembrement de l’Allemagne, le transfert sous contrôle international des zones industrielles importantes, l’élimination des industries lourdes, la démilitarisation et la transformation de l’Allemagne en pays agricole.
Ce deuxième plan Morgenthau fut proposé en septembre 1944 à la deuxième conférence du Québec, à laquelle ont participé Winston Churchill et Franklin Roosevelt. Staline n’a pas assisté à cette conférence. Lors de la conférence, un mémorandum fut signé, selon lequel l’Allemagne était supposée devenir un pays à prédominance agricole.
Plus tard, en raison de l’opposition de l’URSS, le plan dans sa forme originale fut rejeté, cependant, dans l’Allemagne d’après-guerre, l’administration US a pris un certain nombre de mesures pour limiter le développement économique (en particulier la directive JCS 1067).
Le 26 mars 1945, lorsque, conformément aux décisions prises à la conférence de Yalta, la commission sur le démembrement de l’Allemagne a commencé ses travaux à Londres, le représentant soviétique à la Commission, FT Gusev, au nom du gouvernement soviétique, a envoyé une lettre au président de la commission consultative européenne Anthony Eden :
« Le gouvernement soviétique ne voit pas la décision de la conférence de Crimée [Yalta] sur le démembrement de l’Allemagne comme un plan obligatoire, mais comme la perspective d’une pression possible sur l’Allemagne pour protéger l’URSS au cas où d’autres moyens devraient se prouver insuffisants. »
À partir de cette déclaration, toutes les discussions effectives sur le démembrement de l’Allemagne avec la participation de l’Union soviétique ont cessé.
Après la Seconde Guerre
Extraits de l’interview de I.V. Staline au correspondant à Moscou du Sunday Times M. Alexander Werth, le 17 septembre 1946. Source : « J. V. Staline Œuvres ». – Vol. 16. – Moscou : Maison d’édition « Pisatel », 1997. P. 37-39
« En bref, la politique de l’Union soviétique en ce qui concerne la question allemande revient à la démilitarisation et la démocratisation de l’Allemagne. (…) La démilitarisation et la démocratisation de l’Allemagne sont l’une des garanties les plus importantes d’une paix durable et stable. »
Scott Humor
Scott Humor auteur de L’ennemi de l’État. Suivre sur twitter.
Source The Saker
Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone
via: http://lesakerfrancophone.fr/staline-les-allies-et-le-demembrement-de-lallemagne
https://reseauinternational.net/staline-les-allies-et-le-demembrement-de-lallemagne/