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CNews devant la commission d’enquête de l’Assemblée : entre procès stalinien et cirque Pinder

Alors que L’Obs nous apprend qu’« Emmanuel Macron serait devenu un téléspectateur assidu de CNews, et a chargé une partie de son équipe […] de lui restituer la teneur des débats sur le plateau » (pour Libération, qui s’en fait l’écho, « Emmanuel Macron place CNews sous surveillance »), s’est tenue la commission d’enquête de l'Assemblée nationale sur l'attribution et le contrôle des autorisations de fréquences sur la TNT.

Ceux qui l’ont suivie ont plutôt vu, au choix, un procès stalinien, un cirque Pinder ou une pièce absurde de Ionesco.

Les députés étaient censés entendre Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, Serge Nedjar, directeur général de CNews, Thomas Bauder, directeur de l'information, et les journalistes Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk et Pascal Praud. « Étaient censés » car, en réalité, les députés se sont surtout écoutés, en particulier du côté de la NUPES. Ils n’avaient pas besoin d’entendre ceux qu’ils avaient convoqués, la cause était entendue, le verdict déjà rendu : coupable, forcément coupable. À plusieurs reprises, dans le box, les accusés disent ne pas comprendre la question. C’est normal, ce n’en était pas une. Simplement une affirmation.

Absurde réquisitoire 

En bon français, on appelle ça un réquisitoire. Et un réquisitoire sans queue ni tête. Le député NUPES-LFI Aurélien Saintoul accuse CNews d'avoir arboré un logo renversé en solidarité avec le mouvement des agriculteurs en colère : « Est-ce une information ou une prise de position ? » A-t-il posé la même question quand M6 a affiché le drapeau ukrainien et la quasi-totalité des chaînes l'alpha rouge de la lutte contre le SIDA ?

Ceux qui reprochent à CNews son manque de pluralisme refusent d’y aller. Le député PS Jérôme Guedj argue ne pas aimer « l’atmosphère » (sic). L’atmosphère ? Il lui faut sans doute des huiles essentielles, un fond de jazz, une lumière tamisée, une bougie parfumée, c’est son droit, n’est-ce pas ? « Souffrez qu’il puisse y avoir une liberté politique de choisir », lâche-t-il. Certes. Mais de quoi se plaint-il, dans ce cas ? CNews ne peut kidnapper les élus qui le boycottent et les faire venir, ficelés, sur le plateau.

Le député RN Laurent Jacobelli, présent dans la commission avec son collègue, l'ancien journaliste Philippe Ballard, fait remarquer que Julien Bellver, journaliste de Quotidien, s’est vanté d’avoir le droit de refuser d’inviter le RN au motif qu’il travaillait pour une chaîne privée et que personne ne lui en a tenu grief… mais, déjà, la parole est passée à d’autres, bien plus nombreux.

Et avec Sophie Taillé-Polian, députée NUPES écologiste, on grimpe encore une marche dans le sectarisme : elle est si attachée à la diversité des opinions que non seulement elle refuse d’aller sur CNews, mais en plus, comme le lui fait remarquer finement Thomas Bauder, elle est à l’origine d’une pétition visant à l’interdire. Aimer les autres points de vue, mais seulement s’ils sont d’accord avec vous. C'est un concept...

La députée Renaissance Céline Calvez, quant à elle, affirme que « CNews sous-performe quasiment sur l’ensemble des indicateurs de la place des femmes »« Est-ce qu’une meilleure place accordée aux femme ne contribuerait pas […] à une meilleure qualité de l’information ? » martèle-t-elle, évoquant notamment le traitement de l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Elle présuppose donc que les femmes ayant toutes le même cerveau formaté, incapables d’une analyse personnelle originale, ont toutes sur le sujet une pensée aussi lisse et disciplinée que leur brushing. Y a-t-il réflexion plus sexiste ? Et pourquoi cette grande féministe ne bronche-t-elle pas quand son collègue LFI Aurélien Saintoul se paie la tête de Laurence Ferrari, singeant son éditorial par un « bla-bla-bla » méprisant ? Il faut absolument des femmes sur CNews, mais les respecter n’est visiblement qu’une option.

Cette fameuse émission En quête d’esprit de dimanche dernier a, du reste, largement occupé le débat. Un temps disproportionné, démesuré, stratosphérique, rapporté à la durée de l’émission elle-même. Mais peu importe, l’os à ronger, si petit soit-il, est trop beau. Pas un de ces députés de la NUPES vent débout et indigné ne semble savoir que le point de vue sur l’IVG qu’ils jugent abject est partagé par le pape François. Ce pape François qu’ils adorent, adulent, célèbrent, somment d’écouter dès lors qu’ils parle d’écologie ou d’immigration, et auquel Jean-Luc Mélenchon a souhaité la bienvenue à Marseille, ils tiendraient à présent rancune à des catholiques de l’avoir entendu ?

Une loupe sur CNews

Mais le pompon, la queue de Mickey du ridicule, dans ce manège honteux, c’est sans conteste Aymeric Caron qui l’a décroché. Prenant à partie Serge Nedjar, il l’a accusé de ne pas prendre ses sources, pour les chiffres de morts à Gaza, à Libération - qui est, comme chacun sait, la bouche de LA vérité.

Un Serge Nedjar qui ne s'est pas laissé démonter lorsque, sommé à plusieurs reprises, comme un ultimatum, par Aurélien Saintoul de condamner l’assassinat de journalistes palestiniens et la censure du gouvernement israélien, il a répondu posément : « Je condamne l’assassinat de tous les journalistes et de tous les êtres humains qui se trouvent de chaque côté de la frontière. » Quel rapport entre l’exigence de cette condamnation personnelle et les règles d’attribution de la TNT ? Aucun.

La NUPES et Renaissance, avec cette commission d’enquête, voulaient condamner CNews. Ils ont surtout réussi, par leur piètre prestation retransmise en direct, à se tirer une balle dans le pied.

En attendant, comme le déplore Thomas Bauder, « aujourd'hui, on a l'impression, et particulièrement sur CNews, qu'on a une sorte de loupe et des gens passent leur temps à nous ausculter et sont prêts à découper le premier faux et à le faire buzzer ». Comment lui donner tort. À ceci près que ce n'est pas une impression. C'est même L'Obs qui le dit.

Gabrielle Cluzel

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