Rien ne va plus, à Sciences Po. Côté direction, la série noire continue avec l’annonce, ce 13 mars, de la démission de Mathias Vicherat, ancien camarade de promotion de Macron. Après s’être mis en retrait, mi-décembre, pour des histoires de violences conjugales, il avait repris son poste fin janvie. Mais son renvoi (ainsi que celui de sa compagne) devant un tribunal correctionnel l’oblige maintenant à démissionner de Sciences Po « afin de préserver l’institution ».
Une institution qui ressemble à un bateau ivre. Dans cette atmosphère d’interrègne, les étudiants s’en donnent à cœur joie. Mardi 12 mars, l’amphithéâtre Boutmy a été occupé par des activistes à l’occasion de la Journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine. Un communiqué de l’école relate des incidents avec des pudeurs de violette : « Un membre de la communauté étudiante a été empêché d’accéder à l’amphithéâtre. Des propos accusatoires ont été prononcés à l’encontre d’une association étudiante. » Ancien élève de Sciences Po, le député RN Jean-Philippe Tanguy fustige, sur X, la lâcheté des mandarins universitaires incapables de nommer l’antisémitisme. Car l’association concernée n’est autre que l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et la personne empêchée d’entrer, sa représentante.
Le témoignage de l’UEJF auprès de BV
« Identifiée comme juive - tout le monde se connaît, à Sciences Po -, elle a été bloquée à l’entrée de l’amphithéâtre, avec cette explication : "Non, les sionistes ne rentrent pas" », explique à BV Léa - elle ne donne que son prénom -, responsable presse de l’UEJF. Ça ne s’arrête pas là, comme elle nous le raconte : « Les orateurs ont alors déclaré que des membres de l’UEJF se cachaient dans l’assemblée, que ceux-ci allaient prendre les participants en photo et les envoyer à CNews ! D’où l’injonction de mettre des masques pour ne pas être identifié. Les quelques étudiants juifs qui étaient présents se sont retrouvés à visage découvert au milieu des autres, avec les mauvais regards qu’on imagine à leur encontre. » Sur l’estrade, le mot d’ordre est clair: « On ne laisse pas entrer les sionistes ! »
Une rhétorique antisioniste qui dissimule à peine son antisémitisme. Sciences Po en est le symbole, mais toutes les facultés sont concernées. « À Paris VIII, à Saint-Denis, il n’y a plus d’étudiants juifs, explique Léa. Partout, les étudiants juifs fuient les difficultés en changeant de master, de fac, ou se font faire des certificats médicaux pour ne pas assister aux cours, ou n’assistent qu’aux cours obligatoires, ou se mettent en alternance… » Latent auparavant, cet antisémitisme s'est brutalement révélé au lendemain du 7 octobre. Selon Léa, on peut lire sur les boucles WhatsApp de plusieurs promotions des phrases comme : « Les sionistes, faites-vous discrets ! »
Une fabrique des élites en faillite?
Pour l’UEJF, ces dérives ont une origine très politique. « Cet antisémitisme vient de groupuscules qui instrumentalisent la cause palestinienne, respectable en elle-même, analyse Léa. Cette attitude est influencée et validée par LFI, qui ne fait pas mystère de sa position. Les idées de cette minorité se diffusent auprès d’autres étudiants. »
Pour Emmanuel Macron, les propos tenus dans dans l’amphithéâtre Boutmy sont - comme toujours - « inqualifiables et parfaitement intolérables ». Mais au fait, cet amphithéâtre Boutmy, d’où tire-t-il son nom ? D’Émile Boutmy, le fondateur de l’école - un dreyfusard… Marqué par la défaite de 1870, il voulait aider à la création et à la formation d'« élites » aptes à gouverner. Esquissant le programme de cette école, il avertissait : « On tombe toujours du côté où l’on penche. » Après les deux directions du trouble Richard Descoings, décédé en 2012, et de Frédéric Mion, démissionnaire en 2021 à la suite de l'affaire Duhamel, Emmanuel Macron saura-t-il empêcher l’effondrement de Sciences Po en nommant un nouveau directeur ?
Samuel Martin
https://www.bvoltaire.fr/antisemitisme-sciences-po-paris-hors-de-controle/