De plus, la Turquie, devenue état membre de l’Union, pourrait dès lors très vite peser d’un poids décisif sur la politique migratoire et sur l’ouverture des frontières européennes aux mondes musulmans des proche et moyen Orient et d’Afrique, alors même que les effectifs des populations de la chrétienté européenne et du monde orthodoxe ont déjà amorcé leur déclin. Après plus de 25 ans d’une fécondité toujours plus éloignée du seuil de remplacement des générations, ces populations européennes autochtones, à présent en cours de vieillissement rapide, se sont ainsi engagées en effet dans un processus d’implosion démographique bientôt irréversible. Elles ont déjà largement entamé le renversement de leurs pyramides des âges appelé à s’accélérer au cours des trois prochaines décennies. Au cours de la même période, de Dakar à Alma-Ata, les jeunes populations musulmanes, proches de l’Europe et de la Russie, vont au contraire connaître l’apogée de leur croissance démographique en doublant leurs effectifs.
Ainsi en réalité, par son nouveau cours, la construction de l’Union arrache-t-elle désormais chaque année un peu plus aux populations européennes la maîtrise légitime de leur destin aux profit de logiques géopolitiques qui leur sont de plus en plus étrangères, qui sont de plus en plus étrangères à l’Europe elle-même, mais qui répondent de plus en plus étroitement aux ambitions impériales mondiales des milieux dirigeants des États-Unis.
Par ailleurs, et comme les graphiques ci-joints vous l’indiquent, la pyramide des âges de l’Union est en inversion rapide et sa population totale commence à diminuer. D’ores et déjà les cercueils l’emportent en nombre chaque année sur les berceaux, en Allemagne, en Italie, en Suède, en Grèce, en Espagne…Mais aussi en Hongrie, en République Tchèque, en Bulgarie, en Slovaquie, en Slovénie, en Roumanie…
Déséquilibres culturels et tensions
Aussi cette situation ne va-t-elle pas s’améliorer avec l’entrée des prochains membres au sein de l’Union, puisque la fécondité de ces pays d’Europe Centrale et Orientale est aujourd’hui comme en Allemagne, en Italie et en Espagne, l’une des plus faibles au monde.
Bien que certains estiment à 15 à 20 millions de personnes les communautés allogènes de culture musulmane déjà installées dans les pays d’Europe et de l’Union, les soldes migratoires de l’ordre de 300.000 à 400.000 personnes par an, ne peuvent pas suffire à enrayer notablement cette évolution implosive, d’autant que une immigration massive des jeunes peuples du Sud et de l’Est de la Méditerranée, majoritairement de culture musulmane, en direction des pays de l’Union, ne saurait manquer de créer de grands déséquilibres culturels et de grandes tensions au sein des vieilles populations européennes des États de l’Union, entraînant du même coup l’intensifications du flux des départs hors des États de l’Union.
Toutes les grandes puissances et tous les grands acteurs anticipent déjà le déclin démographique de l’Union Européenne, qui continue à demeurer caché avec obstination par les médias aux yeux des peuples et opinions publiques des États membres de l’Union.
Ainsi politiquement, et démographiquement, la Construction Européenne aura changé totalement de nature depuis 1973. C’est en effet précisément dès l’orée des années 70 que les populations de la Communauté auront cessé de remplacer leurs générations. Et c’est cette implosion de la fécondité des populations de l’Union des années 70 qui, une génération plus tard, a enclenché le processus actuel d’inversion des pyramides des âges, et d’implosion démographique de l’Union.
Pour mesurer la profondeur de l’implosion démographique actuelle dans laquelle, l’Allemagne, véritable « trou noir démographique de l’Union Européenne », a entraîné ses partenaires de l’Union, il faut méditer la forme la pyramide des âges de la population de l’Allemagne d’aujourd’hui.
Il faut bien observer que cette pyramide surprenante, où les effectifs des moins de 30 ans sont près de deux fois moins nombreux que ceux de leurs parents, N’EST JAMAIS PUBLIÉE dans les news, ni dans les médias, de telle sorte que les plus larges couches de l’opinion publique soient maintenues dans l’ignorance de ce phénomène fondamental, et véritablement « telluriques » pour l’avenir de nos populations.
L’Allemagne va devenir un petit pays
En effet, tout à fait mécaniquement l’Allemagne des prochaine décennies VA DEVENIR UN MODESTE, SINON UN PETIT PAYS, à la population rapidement déclinante. C’est faire ici toucher du doigt, combien l’avenir du Mark allemand reposait en réalité sur la création de l’Euro, et non l’inverse, ainsi que la rhétorique stipendiée et conformiste des médias spécialisés en a voulu convaincre les opinions publiques.
La Turquie au contraire, est un pays qui représente une puissance et un dynamisme démographiques beaucoup plus importants que l’Allemagne.
D’ici une quinzaine d’années la Turquie sera plus peuplée que l’Allemagne réunifiée d’aujourd’hui, et sa population y sera beaucoup plus jeune. En effet chaque année, il naît désormais en Turquie plus de 1,5 millions de nouveau-nés, soit autant et bientôt plus qu’en Allemagne et en France réunies.
Du reste, depuis la fin des années 80, les jeunes Turcs âgés de 20 ans sont plus nombreux que les jeunes Allemands du même âge. De sorte que, si une armée de l’Union Européenne est jamais constituée, ses généraux seront allemands, mais ses bataillons seront turcs.
Les opinions publiques sont depuis 20 ans maintenues volontairement dans l’ignorance de ces réalités géopolitiques majeures.
L’évolution est analogue si l’on compare la transformation de la situation de la population de la France, face à celles du Maghreb depuis 1950. Les graphiques ci-joints l’illustrent très clairement sans nécessiter de commentaires superflus.
Désormais, plus aucun pays membre de l’Union Européenne ne remplace ses générations, et toutes les pyramides des populations des États membres sont en voie d’inversion plus ou moins rapide, sans aucune exception.
On dissimule le piège de l’implosion démographique
Ces faits majeurs, qui, je le répète, pour les trente prochaines années au moins sous-tendent la géopolitique mondiale, continuent à être cachés aux opinions publiques par les rédactions des médias européens. Et, répétons-le, si les opinions publiques premières concernées restent maintenues dans l’ignorance de leur avenir démographique, les vrais décideurs de la scène mondiale, tels les directions de très grands groupes transnationaux, les gouvernements des grandes puissances, ont déjà pris en compte ces évolutions et ces transformations des rapports de puissance au cours des prochaines décennies du siècle.
Et c’est bien en cela que réside ce que j’ai appelé l’ambiguïté menaçante de la construction Européenne et surtout de l’Union Européenne à 15 et bientôt à 28 États membres : dans le même temps où l’on s’ingénie à étendre sans limite le champ de l’Union et sa population, la présentant aux opinions publiques comme un nouveau géant démographique et bientôt politique, l’on s’obstine a leur cacher le piège de l’implosion démographique qui dévore désormais ces populations.
Ainsi cette Construction Européenne dont nous avons rappelé les étapes, se révèle comme essentiellement ambiguë :
Si, comme jusqu’en 1973, elle est soutenue par une véritable ambition politique, une véritable volonté identitaire, non pas par une volonté hégémonique, mais par une résolution politique de résistance à l’hégémonie, alors ce sera une société qui présentera un avenir de paix pour le monde entier.
Si au contraire, comme elle en prend le chemin depuis les années 1990, depuis la réunification allemande, en se cachant derrière des mots creux, derrière des faux semblants, derrière en fait des lâchetés, des reniements et des abdications politiques répétés, l’Union Européenne s’oriente vers une société d’abandons, de soumission toujours plus vile des élites politiques aux volontés, masquées car tout à fait illégitimes, d’élites mondialistes, disons le mot pour ne pas citer ici le Council on Foreign Relations, alors elle nous annonce un avenir plein de dangers, et l’implosion démographique et politique de l’Union Européenne peut devenir très vite une menace très grave pour la paix mondiale, de par sa faiblesse en même temps que par les enjeux qu’elle constitue et constituera.
Philippe Bourcier de Carbon, Nouvelles de Synergies Européennes n°54, 2002.