Mais qui est donc l’objet de ce concert d’éloge surjoué ? Adja Traoré, une militante anti-police du Comité Adama (sans qu'on sache s'il existe un lien de famille), venue, le samedi 11 mai, avec son caméraman, se poster sur le passage d’un cortège du GUD. Celui-ci rendait hommage à un ancien militant, Sébastien Deyzieu, tombé d’une lucarne à Paris, il y a trente ans, lors d’une course-poursuite avec la police. En principe, les jeunes qui meurent, fût-ce accidentellement, alors qu’ils sont poursuivis par les forces de l’ordre, LFI adore. Mais là, rien à cirer. Les « violences policières », c’est comme le cholestérol, il y a les bonnes et les mauvaises.
Précisons que cette manifestation, d’abord interdite pour risque de trouble à l’ordre public, puis autorisée par la Justice, s’est terminée sans incident. Elle a fait, cependant, couler beaucoup d’encre à gauche, qui y a vu (comme chaque année, car cette marche a lieu tous les ans) le retour des heures les plus sombres. Il est vrai que les tee-shirts noirs, les foulards sur le nez et les croix celtiques sur les drapeaux ont donné du grain à moudre. Y a-t-il eu des slogans antisémites, des juifs insultés ou agressés, des vitrines taguées, des appel à voir disparaître Israël ? Rien de tel n’a été rapporté. On ne peut pas en dire autant des récentes manifs d'extrême gauche. À nazi, nazi et demi ou, comme disent les enfants : c’est celui qui dit qui est.
Bouquet final
Adja Traoré est une Jeanne d’Arc qui aurait trop fréquenté les corps de garde et adopté le langage fleuri de la soldatesque : sur la vidéo, on la voit hurler, s’agiter, alpaguer des manifestants, les invectiver, marcher à leurs côtés, tente d’attirer l’attention de l’un ou l’autre en le pressant de répondre à ses insultes, « sales putains de fachos », « vous êtes des sales racistes de merde » ou bien encore « quand c’est pour des musulmans, on interdit les manifs, mais quand c’est pour une marche de putains, de racistes de merde, là, on n'interdit rien ». Sans grand succès. Ceux dont elle tente d’attirer l’attention l’ignorent à peu près tous et leur flegmatisme fait redoubler sa hargne. Elle finit par leur tourner le dos, mais en partant, elle lâche une dernière injure, comme un bouquet final du spectacle : « Sale Blanc de merde ! »
On doit donc logiquement conclure que, pour Jean-Luc Mélenchon et Antoine Léaument, la France et la République peuvent à l’occasion traiter sans inconvénient un citoyen de « sale Blanc de merde ». Que pour Rachel Keke, c’est même un modèle à suivre, une locution formidable à répéter dès que l’on peut. À raciste, raciste et demi. C’est (encore) celui qui dit qui est.
Imaginez l'inverse...
Imaginez un instant l’inverse, qu’une militante d’extrême droite insulte des manifestants - quels qu’ils soient - « racisés » dans les mêmes termes que ceux d’Adja Traoré, et que des députés du RN, non seulement la soutiennent mais lui tressent des couronnes de lauriers. Vous ne pouvez pas imaginer, et vous avez raison. C’est inimaginable.
Lundi soir, Adja Traoré a affirmé que sa langue avait fourché : « Quant au "sale Blanc", ce que je voulais réellement dire, c'est "sale raciste de merde". Je m'excuse sincèrement auprès de ceux que j'ai pu offenser avec cette phrase. » Un lapsus est si vite arrivé.
Gabrielle Cluzel