Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Le résultat est sans appel. A l’issue d’une large enquête d’opinion publiée début mai, le sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro atteste que les Français sont fiers de leur identité. Ils sont 91 % à se sentir en priorité français contre 8 % européen. Certes, en cas de guerre, un sondé sur deux se déclare prêt à s’engager dans l’armée mais malgré la repentance coutumière à laquelle sont serinées les jeunes générations, et la culture du “nobordisme”, force est de reconnaître que le sentiment de priorité nationale n’a pas dit son dernier mot. Les Français se reconnaissent… Français. Mieux encore, ils aiment leur pays.
Ode amoureuse à la France
En 2022, dans sa comédie Irréductible, Jérôme Commandeur filmait Gérard Depardieu dans un faux JT. Face à Anne-Sophie Lapix, celui qui était encore le Gégé national laissait libre cours à sa mélancolie française dans une scène devenue virale sur les réseaux sociaux :
« La France est le plus beau royaume après celui du ciel. La France me manque douloureusement comme une part de moi-même. Et vous savez ce qui me manque le plus ? Les odeurs. Ce qui me manque, c’est l’odeur du foin à Châteauroux quand j’étais gamin. Le crottin de cheval bien chaud déposé sur un petit chemin de Normandie. Le petit noir dans une tasse mal lavée au comptoir d’un bouge dans le XIXe à Paris. La France, c’est des pétards qui éclatent les tympans des dames au bal du 14 juillet. C’est une deux-chevaux qui tousse sur un goudron brûlant dans les Cévennes. Les cigales, les marcassins, les goélands. Des petits vieux qui discutent sur un banc en Corse. La France elle est partout. »
Oui, la France est partout, pour qui veut bien se donner la peine de la voir, pour qui a la chance de l’avoir reçue. Un paysage, une mélodie, un héros, un monument. « La France, mère des arts, des armes et des lois » écrivait du Bellay. La France, c’est Clovis et saint Louis, Cyrano et Surcouf, la marquise de Sévigné et Madame Elisabeth, Louis Pasteur et Marie Curie. La France, c’est l’impertinence d’un Clément Marot sous François 1er et celle d’un Coluche sous Mitterrand. C’est Brassens et Sardou, comme elle fut autrefois chansons de gestes et chœurs grégoriens. C’est un salon Louis XV et celui, aujourd’hui, de l’Agriculture. C’est la présentation de la Beauce à Notre-Dame, mise en vers par Péguy et celle d’un nouveau-né à sa famille, mise en poème par Hugo.
La France, c’est un mas provençal, un refuge alpin, un phare armoricain. L’accueil du Nord, la bravoure du Béarn, la joie de la Bourgogne, la douceur angevine. Ce sont les moutons rouges du Roussillon, les cochons culs noir Limousin ou les chèvres de fossés de la Manche.
Alors je cherche et je trouverai, cette France qui me manque tant
Mais aimer la France, cela s’apprend. On apprend à la découvrir. On s’émerveille de l’observer. On ne se lasse pas de la savourer. On pleure ses morts et on honore ses héros, les mères de famille comme les pères de la patrie. Blanche de Castille et Anne de Bretagne. Le chevalier Bayard et le colonel Beltrame. Oui, Gégé avait raison : la France est partout.
Lors d’un récent passage en région parisienne, je goûtais mon bonheur de parrain en emmenant mon filleul de neuf ans dans le parc France Miniature. Situé aux portes des Yvelines, sur un espace de cinq hectares aménagé en forme de carte de France, le parc donne à voir les principaux monuments et sites français, reproduits en miniature à l’échelle 1/30e (117 édifices en tout !). Le soleil était radieux et l’atmosphère engageante. Après une déambulation en Savoie, une escapade sur le port de Saint-Tropez, nous remontions tranquillement vers le Centre sans manquer la gare de Limoges. Situés alors au cœur du parc, bénéficiant tous deux d’une vue à 360°, nous ne voyions émerger de la végétation et des parterres de fleurs qui nous entouraient, que des monuments remplis d’histoire et de prière. Châteaux de Vaux-le Vicomte et de Pompadour, de Chambord et de Versailles, l’abbaye de Sénanque et celle de Fontgombault, la Cathédrale d’Orléans et la basilique de Vézelay. Nous étions doucement cernés par des châteaux et des églises, des donjons et des clochers. Posant ma main sur l’épaule de mon filleul, je balayais cet horizon hexagonal et lui soufflais : « Tu vois Alban, c’est cela la France : les cathédrales et les châteaux, l’Eglise et les Rois. » D’un regard espiègle, il acquiesça, évidemment. Pour ajouter cependant sitôt : « Et la noblesse aussi ! » Avec la spontanéité que lui donnait son jeune âge et l’assurance que lui conférait sa naissance.
Le mot seul me frappa. Il n’avait pas dit « les nobles », il avait dit « la noblesse ». Plus qu’une classe sociale, il avait désigné de ses bientôt dix ans une qualité morale, une attitude spécifique. Celle qui donne à l’expression des choses, à la tenue du cœur, au maintien à table, à l’attitude de l’âme, à la façon de s’exprimer une dimension toute particulière. L’ambition et l’exigence. L’ordre et la discipline. Le dévouement et la franchise. L’élégance et la prévenance. La noblesse oblige dit-on, et en cela elle avait, bien entendu, façonné la France.
« On a volé la France aux Français, depuis qu’on leur a mis dans la tête que la France était uniquement l’œuvre de l’Etat, non la leur, que le seul devoir des bons Français était de faciliter la tâche de l’Etat » écrivait déjà Bernanos dans son journal Les enfants humiliés. A l’heure de TikTok et de la culture rap, la noblesse voilà ce qui sans aucun doute donnerait de nouvelles lettres à la France et la possibilité de réconcilier ses enfants avec son histoire. Ceux qui ont charge des destinées du pays seraient bien inspirés de se rendre à France Miniature et d’y puiser de quoi apprendre à voir la France en grand. Et à la transmettre.
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