Pour autant, est-ce aussi simple ? Sur la une du Monde de ce 3 juillet, on apprend que Macron perd la main sur son camp. Et le même quotidien vespéral d’appuyer là où ça fait mal ; soit l’étrange pas de deux d’Emmanuel Macron vis-à-vis du parti présidé par Jordan Bardella, un jour dans le fameux « arc républicain » et l’autre pas.
Un arc républicain aux contours des plus flous…
C’est ainsi Gérald Darmanin, qui accuse Marine Le Pen de « mollesse » en matière migratoire. C’est le même Macron qui appelle « à ne pas combattre le RN par des arguments moraux », tandis qu’Élisabeth Borne, son Premier ministre d’alors, voit dans ce parti « l’héritier de Pétain », avant d’être, en ces termes, sèchement recadrée par l’Élysée : « Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes. »
Et c’est encore Gabriel Attal, pour qui les partis représentés au Parlement, RN comme LFI, font de fait partie de ce même « arc républicain » aux contours décidément des plus flous.
À quelques jours du second tour des législatives, la position du Château paraît avoir évolué. D’où les déclarations d’Édouard Philippe, maire du Havre et Premier ministre historique d’Emmanuel Macron : « Je voterai pour un communiste dimanche prochain. Sans hésiter, car je préfère un élu avec lequel j’ai des désaccords, mais avec qui je peux travailler, qu’un candidat avec qui j’ai des désaccords de nature. » Christian Estrosi, maire de Nice, campe manifestement sur la même ligne, affirmant, sur Sud Radio : « Oui, je pourrais voter communiste comme Édouard Philippe. Ils sont dans l’arc républicain. Ça n’a rien à voir avec LFI, qui appelle à casser des vitrines. »
Quand Gabriel contredit Attal…
De son côté, Gabriel Attal tente de remettre un semblant d’ordre, répondant aux questions de France Inter et développant une stratégie électoraliste des plus étranges. Son obsession ? Que le Rassemblement national ne parvienne pas à Matignon, ce dimanche prochain : « La leçon de ce premier tour, c’est qu’il y a un bloc qui est en situation d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale : c’est l’extrême droite. Ni le Nouveau Front populaire ni nos candidats ne sont en capacité de former seuls une majorité absolue. »
En l’occurrence, il contredit Emmanuel Macron en empruntant à son tour les « arguments moraux » dénoncés par ce dernier : « Ce que je veux redire aux Français, c’est que l’extrême droite […] porte un projet de division et de stigmatisation qui est aux antipodes des valeurs de la République. Elle propose de trier les Français selon leur origine. Elle considère qu’un Français qui a une origine étrangère ou qui a une binationalité est un demi-Français, n’est pas un vrai Français. »
Et d’en rajouter une couche dans le registre de la réduction ad hitlerum, excipant des « déportés de sa famille de confession juive », comme si Jordan Bardella était le nouvel Hitler et Marine Le Pen la réincarnation d’Eva Braun. Quand on en est réduit à de tels expédients dialectiques, c’est qu’il y a le feu à la maison.
D’où son appel à voter pour ces candidats LFI qu’il vouait naguère aux gémonies, surtout lorsqu’en même temps, il affirme que « désistement ne veut pas dire ralliement, il n’y aura jamais d’alliance entre nous et La France insoumise ».
Macron comme Néron…
Mais il est manifestement toujours possible de s’arranger en coulisses. Gabriel Attal, toujours, à propos des candidats Ensemble, nouvelle dénomination de Renaissance, persistant à se maintenir, même en cas de triangulaire et d’avance absous, puisque « ces candidats considèrent que leur maintien limite le risque d’une victoire de l’extrême droite ».
Si l’on résume, tout plutôt qu’une victoire du RN, quitte à amener le chaos avec une France ingouvernable. C’est Néron qui se réjouissait de voir Rome périr dans l’incendie, pourvu que les chrétiens n’en réchappent pas. L’actuel Macronéron s’inscrit dans cette ligne : que crève la France, à condition que le RN ne lui survive pas.
Seulement voilà, les électeurs entendent-ils encore ce genre de beaux discours ? À en croire Le Figaro de ce jour, les LR seraient vent debout contre ce « macronmélenchonisme », tout en se posant des questions sur la pertinence de ce front républicain dont les Français n’auraient désormais plus que faire.
Il est vrai que les déclarations d’un Dominique Strauss-Kahn en faveur du barrage en question ont eu de quoi laisser perplexe plus d’un électeur un tant soit peu censé.