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Notre dossier sur l’humour : « Ne dites surtout pas que la gauche n’est pas drôle »

Jerry Seinfeld

« Pourquoi le rire est passé à droite », tel est le titre de notre grand dossier d’été, publié dans le nouveau numéro d’« Éléments », actuellement en kiosques. Pour l’accompagner, nous publions un article sur la façon dont le néo-maccarthysme (woke, racisé, politiquement correct) sévit aux États-Unis. Jerry Seinfeld vient d’en faire les frais. Star américaine, c’est l’un des rois du stand-up (on l’a beaucoup copié en France – plagié même). Outre-Atlantique, il remplit les salles. Jusque-là, rien de très original, sinon son talent. Mais il a osé attaquer le gauchisme dominant dans les médias et les émissions humoristiques. Que n’avait-il dit ? Les chiens de garde du gauchisme culturel se sont déchaînés contre lui. Retour sur une chasse à l’homme.

Décidément, quand il s’agit d’humour, on ne plaisante pas. C’est du moins l’impression que dégage l’étrange affaire suivant les déclarations de l’humoriste américain Jerry Seinfeld, le 28 avril dernier.

Invité de l’émission The New Yorker Radio Hour, il dressa un sombre portrait des nouvelles séries comiques télévisées, estimant que « l’extrême gauche et ces conneries politiquement correctes », ainsi que « la crainte constante d’offenser quelqu’un » [traduction de l’auteur], menacent l’existence même de l’humour à la télévision. Évoquant les multiples comités et groupes de pression examinant et réécrivant les scénarios avant qu’ils ne soient approuvés, il insinua que les grandes productions hollywoodiennes finiront par condamner le genre comique aux oubliettes, tant les risques de complication sont élevés.

À moins que l’on se fût cantonné dans son salon ces quinze dernières années sans lire un seul journal, ces propos n’expriment rien de nouveau et ne devraient plus choquer personne. Et bien que, venant d’un humoriste avec une connaissance intime du show-business, cette opinion ne diffère pas, au fond, de la philosophie de comptoir.

Et pourtant, quel scandale a-t-elle causé. Réactions enflammées de célébrités bien-pensantes, déferlements sur les réseaux sociaux, articles, podcasts et reportages : du jour au lendemain, Seinfeld est devenu la nouvelle cible – puisqu’il en faut au moins une par mois, on dirait – d’une campagne de « cancel culture ». Mais comment l’expliquer, considérant la banalité relative de ce qu’il avait dit ?

À quand l’interdiction de l’humour ?

C’est parce que, pour les garants du discours acceptable, ces mots anodins se transforment en menace lorsque proférés par une figure aussi influente que Jerry Seinfeld. Pour rappel, il est l’un des comiques les plus appréciés du monde anglo-saxon, tant grâce à sa série éponyme des années 1990 qu’à ses spectacles de stand-up qui, encore aujourd’hui, remplissent les plus grandes salles.

La gauche adore scander que « tout est politique ». L’humour, en l’occurrence, a cette capacité unique de combiner la légèreté, le rire et l’insolence avec la dérision, l’ironie et le ridicule. Ainsi, les spectacles de stand-up, les séries et films comiques, allant jusqu’aux blagues qu’on se lance au quotidien, sont autant de champs de bataille où des idéologies, derrière les sourires, visent à s’abattre les unes les autres en quête du grand trophée, c’est-à-dire du rire le plus éclatant.

D’où la panique du soi-disant camp du Bien, apprenant qu’une légende de l’humour ait démasqué la tentative, et l’échec, de l’extrême gauche d’imposer ses dogmes à la culture populaire. Seinfeld aurait pu tout aussi bien dire : « Ces gens sont si dépourvus de légèreté qu’ils donnent à Hollywood, la religion du divertissement, l’envie d’enterrer le genre tout court ! »

Et pourtant, avec ces crises de rage, la gauche, sans le vouloir, a réalisé son plus grand exploit comique. Car quoi de plus marrant que de voir quelqu’un se fâcher pour le simple fait d’être traité de pas drôle ?

© Photo : Jerry Seinfeld / shutterstock.com

Notre dossier en kiosque

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