En une seule semaine, Donald Trump vient de d’obtenir deux ralliements qui pourraient bien faire basculer définitivement en sa faveur une campagne assez indécise jusqu'à présent : Robert Kennedy Jr et Tulsi Gabbard. Parfait connaisseur de la politique intérieure américaine, Lionel Rondouin fait les présentations.
La convention du Parti démocrate vient juste d’introniser officiellement Kamala Harris, vice-présidente de Joe Biden, comme candidate aux élections de novembre. Comme colistier, potentiel vice-président, elle a choisi Tim Walz, gouverneur du Minnesota.
Le nom de Kamala Harris est certainement bien connu de nos lecteurs. Aux États-Unis, on retient surtout d’elle que Joe Biden l’avait choisie sur deux critères principaux qui relevaient de la discrimination positive la plus politiquement correcte : c’est une femme et elle n’est pas blanche. On y ajoutera qu’elle vient de Californie, ce qui n’est pas une qualité en soi, mais cela avait le mérite de rééquilibrer géographiquement le tandem de concurrents, puisque Biden, né en Pennsylvanie, incarnait la classe dirigeante blanche de la côte Est.
Pour le reste, Harris a complètement échoué dans la mission que lui avait confié Joe Biden (la politique d’immigration), elle a la cote de popularité d’un vice-président le plus bas de l’histoire depuis qu’il y a des sondages, et ses talents oratoires se limitent à débiter à la chaîne des banalités consternantes du genre « C’est pas bien la pauvreté… » Enfin, elle s’est montrée un bon petit soldat du parti, en soutenant mordicus dans les deux dernières années que, non, « Sleepy » Joe Biden ne souffrait pas d’une altération de ses facultés cognitives et que, si, il restait capable d’assurer ses fonctions.
Le ticket périmé Harris/Walz
Tim Walz n’est pas non plus sans mérites dans les circonstances présentes. Aux élections présidentielles, le Minnesota vote démocrate sans discontinuer depuis 1976 (soit douze élections consécutives). Pourquoi prendre des risques ? De plus, Walz est un gauchiste wokiste patenté, tendance Sandrine Rousseau, qui a milité pour désarmer la police et pour réduire les budgets des forces de l’ordre, alors même que les émeutiers et les antifas mettaient le feu à Minneapolis, la principale ville de l’État, lors des dernières violences politiques et raciales majeures en 2020. Enfin, dans un contexte difficile pour le Parti démocrate, où la partie la plus à gauche et les jeunes du parti soutiennent la lutte palestinienne et critiquent violemment la politique pro-Netanyahou du gouvernement Biden, Walz est plutôt propalestinien, ce qui lui a permis de l’emporter sur son principal concurrent à la candidature pour la vice-présidence, Josh Shapiro, gouverneur de Pennsylvanie, un sioniste intransigeant et sans complexes.
Dans l’euphorie de la convention et de l’intronisation du « ticket » Harris/Walz, toute la presse et les télévisions « mainstream » ont retenti des hourras anticipés d’une victoire certaine. L’hydre fascistoïde Trump était déjà terrassée. Dans les jours suivants, quelques sondages commandés auprès d’instituts bien-pensants comme Bloomberg ont « confirmé » une tendance haussière des intentions de vote pour le parti démocrate dans les « swing States », ces États indécis qui détermineront le résultat national de l’élection (Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie, Georgie). Et les médias européens ont répercuté le message : « Game over ! », c’est plié.
Et là, patatras ! Trump sort aussitôt deux as de sa manche… Deux as démocrates pur jus ! «Holy shit ! »
Saga Kennedy, suite
Le premier, c’est Robert Kennedy Jr. Il a 70 ans, c’est une personnalité connue et le Parti démocrate, il est né dedans. Son oncle n’était autre que John F. Kennedy, le président démocrate assassiné. Son père, Robert Kennedy, autre figure du Parti démocrate des années 60, a été procureur général (ministre de la Justice) avant d’être candidat à l’élection présidentielle de 1968 et d’être, lui aussi, assassiné pendant cette campagne. Bien que démocrate depuis toujours, Robert Jr a choisi une carrière juridique plutôt que politique. Grand avocat, il s’est fait une spécialité de défenseur des causes de la protection de l’environnement et de la santé des populations intoxiquées par la mal-bouffe industrielle, et ravagées par les maladies chroniques (obésité, diabète, autisme, etc.) dues au mode de vie malsain, à la drogue, à la pollution, aux perturbateurs endocriniens, à certaines substances pharmaceutiques abusivement prescrites en masse… Lesquels ravages font le miel de « Big pharma », qui prospère éhontément à ce point que l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui, avec le secteur financier et l’industrie militaire, l’un des moteurs de l’économie nationale. Dans sa carrière d’avocat, Robert Jr a gagné des milliers de procès, individuels ou de « class action », contre des firmes pharmaceutiques, agro-alimentaires, énergétiques, etc., avec des dizaines de milliards de dollars d’amendes et de dommages et intérêts à la clé infligés à des centaines de sociétés, dont des géants de ces secteurs.
Fort de ses convictions, de son talent oratoire, de sa notoriété de défenseur du public et de sa capacité à lever des fonds de campagne, Robert Jr a voulu se présenter aux primaires du Parti démocrate contre Joe Biden en 2023 et donc devenir le candidat du parti en 2024. Il en a été empêché par la nomenklatura du parti, qui n’a même pas voulu considérer sa candidature, attendu que Joe Biden était le candidat naturel du parti.
Et là, Robert Jr est entré en sécession et a décidé de se présenter, malgré tout, comme candidat indépendant. Malgré des embûches de toutes sortes, des dizaines de procès intentés par le Parti démocrate dans différents États visant à empêcher l’enregistrement de sa candidature (on est candidat dans un État, pas au niveau national), et malgré enfin un boycott médiatique systématique pratiqué par les médias du système, Kennedy finit par être crédité de 5 à 10 % des intentions de vote au niveau national.
Comment les Démocrates sont devenus antidémocrates
Le 23 août dernier, il suspend sa campagne et se rallie à Donald Trump. Dans une magnifique adresse à la nation américaine, structurée, illustrée de nombreux faits et de chiffres frappants, il expose les raisons de son ralliement. Le Parti démocrate, son parti, celui de son père et de son oncle, a trahi ! Parti de la liberté et de la liberté d’expression (garantie par le Premier amendement), il est devenu le parti de la censure et de la répression. Parti du débat, il refuse toute discussion et ne connaît plus que la propagande. Parti de la paix, il est devenu l’instrument docile des faucons néo-conservateurs, instigateurs de ces guerres injustes et éternelles qui déshonorent et ruinent la nation depuis la mandature Clinton, au seul profit du lobby militaro-industriel. Et cela vaut même pour l’Ukraine, dont Robert Jr, sans exonérer le Président Poutine de toute responsabilité, a fait à plusieurs reprises la généalogie du conflit et exploré les voies d’un possible règlement pacifique. Parti du développement humain, le Parti démocrate s’est inféodé aux lobbies de Big Pharma et se révèle, au mieux incapable, au pire complice, pour tout ce qui concerne la protection de l’environnement et celle de la santé des populations. Pendant des semaines, il a vainement tenté de discuter avec Kamala Harris, sans qu’on le prenne seulement au téléphone. Et puis il a appelé Donald Trump, et le lendemain même les deux hommes se rencontraient, Trump l’écoutait et s’engageait à collaborer avec lui…
On en est encore à des conjectures sur le gain électoral potentiel que peut engranger Trump grâce à ce ralliement. Mais déjà, les sondages remontent… En particulier, cela pourrait faire basculer des États du Nord-Est (New Hampshire, Pennsylvanie, Maine) assez indécis, où le vote indépendant est traditionnellement assez puissant, et où une personnalité très « Nouvelle-Angleterre » comme Robert Jr dispose d’un capital de confiance tout naturel.
Tulsi Gabbard, la surprise du chef
Et dès le 26 août, rebelote ! Cette fois, c’est Tulsi Gabbard qui se rallie à Trump, dans un discours, limpide, court et percutant, prononcé devant l’assemblée de l’Association fédérale des Gardes nationaux d’États.
Tulsi Gabbard, peu connue en France mais très célèbre aux États-Unis, est un personnage attachant qui conjugue sens de l’engagement, courage, passion de la paix.
Âgée de seulement 43 ans, elle est lieutenant-colonel de la Garde nationale de l’État d’Hawaï et a déjà effectué deux séjours opérationnels au Moyen-Orient sur des zones de guerre, dont une année complète en Irak. D’où le caractère symbolique et hautement légitime de son franchissement du Rubicon devant les gardes nationaux de tous les États le 26 août,
Cette jeune femme (superbe, ce qui ne gâte rien en politique) s’engage très tôt en politique. Servie par une élocution claire, naturelle, sans grandiloquence, elle est élue Représentant (députée) de son État d’Hawaï à 31 ans. Elle est la première femme samoane à siéger à Washington. Trois fois réélue, elle fera huit ans de mandat. Étoile montante du Parti démocrate, elle est désignée vice-présidente du Parti à 32 ans. Cette femme de gauche, hostile à la politique des guerres interminables qui font la fortune du lobby militaro-industriel, se rallie en 2016 au candidat d’extrême gauche Bernie Sanders lors de la primaire démocrate. Sanders sera battu par Hillary Clinton, à cause de manipulations évidentes des votes par l’establishment du parti.
En 2020, elle se présente elle-même aux primaires démocrates. Elle est raillée par les médias et haïe par la direction du parti pour ses positions en matière de politique étrangère. Elle quitte alors les démocrates. Toujours active sur les réseaux sociaux, où son influence ne se dément pas, elle dénonce la dérive totalitaire du parti, la censure, le wokisme délirant, le bellicisme.
Aujourd’hui donc, cette figure de la gauche sociale et pacifiste se rallie à Donald Trump pour les mêmes raisons que Robert Kennedy Jr.
Ils veulent abattre Trump
Cela fera-t-il la différence dans la bataille électorale ? Théoriquement, oui. Mais il ne faut pas sous-estimer la crispation du Parti démocrate bien déterminé à se maintenir au pouvoir, avec la bienveillance de la frange néo-conservatrice du Parti républicain (les deux, associés, formant le parti unique qui dirige le pays depuis Clinton). Comme je l’exprimais il y a un an dans ces mêmes colonnes, tous les moyens seront bons pour empêcher Trump d’être élu. L’assassinat ayant échoué le 13 juillet dernier, il reste encore, comme en 2020, le recours à une fraude massive sur les bulletins de vote par correspondance. La bataille continue…