Synthèse nationale
Nous l’avons déjà écrit sur ce blog à deux reprises : le gouvernement que Michel Barnier vient de dévoiler ne peut, pour reprendre un propos d’Henri Guaino, qu’« assurer la continuité de l’État », c’est-à-dire expédier les affaires courantes, faute de majorité, de mandat et de véritable légitimité. Il n’y a donc pas grand-chose à en attendre, si ce n’est le service minimum.
De fait, le nouveau Premier ministre se trouve dans une situation impossible. Il va lui falloir tenir fermement à la fois le fouet et la barre afin de maintenir la discipline au sein de la chiourme gouvernementale et d’éviter les nombreux écueils qui ne vont pas manquer de jalonner sa route. Il va devoir louvoyer, composer, ruser, avec un objectif premier : durer.
Dans de telles circonstances, les maîtres mots ne peuvent être que "consensus" et "compromis" et les mesures mises en œuvre que l’expression du plus petit dénominateur commun. Rien de particulier à attendre, donc.
Malgré tout, il va être intéressant de voir quel mouvement Michel Barnier va impulser à sa galère fraîchement ripolinée et dans quelle direction il va la mener. Il y a près de trois ans, en effet, il a participé à la primaire pour la désignation du candidat LR à la présidentielle de 2022. À cette occasion – et du fait de la concurrence avec ses rivaux -, il a adopté une posture et tenu des propos assez droitiers (qui, pour partie, traduisaient certainement le fond de sa pensée). Il n’est donc pas inutile de se pencher sur ses déclarations d’alors. Ne serait-ce que pour juger à leur aune ses actions à venir... Nous n’oublions pas, en effet, la formule de Charles Pasqua : « Les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent ».
Nous ne nous faisons donc aucune illusion, à l’image d’Éric Zemmour qui, le 15 septembre dernier, a déclaré : « Avec ce nouveau gouvernement, j’ai trop de mémoire pour avoir de l’espoir. J’en ai entendu des promesses ! Je me souviens de ce que les gouvernements de droite ont promis et n’ont pas fait par le passé ».
Pour mémoire et pour prendre date, voici quelques extraits d’une interview que Michel Barnier a accordé à Valeurs Actuelles à la fin de 2021 (dans le n°4435 du 25 novembre au 1er décembre) :
Sa conception de l’action politique et de la pratique du pouvoir :
« Je n’aime pas débattre à coups de slogans ou de petites phrases. Ce n’est pas l’idée que je me fais de la politique. Je pense qu’il est au contraire nécessaire d’écouter et d’expliquer, de faire de la pédagogie. (…) Je ne me transformerai pas en bateleur d’estrade. Ma pratique du pouvoir (…) ne sera pas celle de M. Macron, qui exerce le pouvoir de manière solitaire et souvent arrogante. Le président de la République n’a pas la science infuse : il ne sait pas tout sur tout, il ne peut pas tout faire seul, sans quoi cela dysfonctionne. Comme le veut la Constitution, le président doit présider, le gouvernement doit gouverner. Le Parlement doit être respecté et associé, tout comme les collectivités territoriales et les partenaires sociaux. Chacun est nécessaire et doit être à sa place, à son poste, dans le cadre d’un contrat national de progrès et d’autorité ».
Sa priorité :
« La question la plus grande est celle du grand déclassement qui menace notre pays dans tous les domaines. (…) Le préalable est de rétablir tout de suite l’autorité pour retrouver la stabilité, la tranquillité et la confiance qui n’existent plus aujourd’hui. Et puis nous devons redémarrer le moteur à aimer la France car notre cohésion nationale est menacée par la montée des égoïsmes, de la violence, du communautarisme. (…) Nous devons retrouver un creuset dans lequel notre jeunesse retrouve le bonheur et la fierté d’être français. C’est indispensable pour pouvoir ensuite bâtir des politiques de redressement, de reconstruction et de progrès ».
L’immigration :
« (…) Je veux garantir par un bouclier constitutionnel que les mesures que nous prendrons en France pour diviser drastiquement les flux – par trois ou quatre – et maîtriser l’immigration ne soient pas mises en cause par la jurisprudence de telle cour européenne ou de telle juridiction nationale. (…) Ce que je veux faire : suppression des régularisation de clandestins, suppression de l’immigration sociale, réduction massive du regroupement familial, réforme de l’asile. (…) Négocier au plan européen une vraie politique d’immigration qui n’existe pas et (…) revoir les accords bilatéraux avec les pays d’origine, en Afrique notamment ».
L’Europe et la souveraineté nationale :
« (…) Faute de texte précis, les cours – la Cour européenne de justice, la Cour européenne des droits de l’homme (…), le Conseil constitutionnel français, le Conseil d’État – ont interprété et construisent depuis vingt ans des jurisprudences qui sont absolument insensées et de plus en plus favorables aux étrangers, parfois même au mépris de la sécurité nationale. (…) Franchement, face aux défis qui s’imposent à nous, nous avons raison d’être européens en plus d’être patriotes. C’est une double force. (…) S’il est des domaines où nous pouvons défendre seuls notre souveraineté nationale, il en est d’autres où l’action commune est nécessaire pour que nous soyons respectés. Je parle volontiers de souverainetés nationales solidaires. Ceux qui raconteraient que nous pouvons nous protéger seuls de la finance mondiale, des Gafam et des entreprises numériques chinoises, que nous pouvons seuls régler la question du dérèglement climatique, mentent. Nous devons bâtir ce que le général De Gaulle appelait "le levier d’Archimède", c’est-à-dire une force supplémentaire face aux grandes puissances qui n’attendent plus personne pour dominer le monde. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Je suis pour la souveraineté nationale. Simplement, je ne me suis pas engagé en politique pour que mon pays soit sous-traitant des Chinois et sous influence de l’Amérique ».
Le Rassemblement national :
« (…) Mme Le Pen et tous ceux qui tournent autour de ses idées n’ont rien à voir avec moi, ni par leur histoire, ni par leur attitude ».