Et pour quelle raison ? Pour « pimenter son personnage ». Entendez pour « relever », c’est à dire assaisonner pour rendre plus goûteux. L’orientation sexuelle devient un avantage concurrentiel, que l’on exploite cyniquement.
La bien-pensance et le magistère moral ayant changé de main, les vitrines morales des politiques prennent une autre forme : autrefois, Kennedy cachait ses multiples liaisons derrière les sages bibis couleur pastel de Jackie et les jeux de son fils sur le tapis du Bureau ovale ; le secret de Mazarine Mitterrand était aussi bien gardé que celui du masque de fer pour ne pas heurter les bonnes mœurs bourgeoises.
Aujourd’hui, c’est d’une autre façon que l’on appâte le notable et qu’on s’attire ses bonnes grâces. On exhibe - comme Lucie Castets - ou on construit de toute pièce - comme pour Élisabeth Borne - un état de vie que l’on estime vendeur. Tout en faisant mine, avec une tartufferie consommée, d’en redouter les conséquences. Car l’avantage est double. La révélation, vraie ou fausse, vaut aussi totem d’immunité, comme on dit dans Koh Lanta. Si quelqu’un s’aventure à critiquer le bilan ou les propos de l’intéressé(e), quel qu’en soit le sujet, on le marquera du sceau de l’infamie : « Homophobe ! »
La gauche tient la norme et la marge
Il en va de même pour la diversité : sitôt débarrassé de sa casquette de ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a déclaré que s’il s’était appelé Moussa (son deuxième prénom), il n’aurait jamais pu avoir le même parcours politique. Un mensonge éhonté, comment peuvent en témoigner Rachida, Othman, Pap, Ramaya, Sibeth…
La gauche réussit à tenir les deux bouts de la corde, la norme et la marge, être à la fois pensée dominante et minorité opprimée, en se faisant passer, au gré de ses envies et des occasions, pour l’une ou l’autre. Pile, je gagne ; face, tu perds.
L’objectif étant d’en parler sans en parler. Manier la prétérition est un art et Gabriel Attal y excelle : « J’ai constaté à ma nomination que, dans la presse internationale, le sujet le plus commenté était mon orientation sexuelle. En France, ça n’était pas du tout un sujet. Un non-événement. » Dans ce cas, pourquoi l’évoquer ?
La vérité est que l’on se moque bien de l’alcôve d’Élisabeth Borne, comme de celle de Gabriel Attal, d’ailleurs. Seul un autre meuble, le bureau, celui qui ploie sous les dossiers toujours ouverts, jamais résolus, intéresse les Français. Le reste n’est que diversion et passe à l’aile.
En attendant, les proches d’Élisabeth Borne ont volontairement raconté des craques aux Français pour les manipuler.