Chido plonge Mayotte dans le chaos. Le samedi 14 décembre, l’île, ravagée par des rafales de 220 km/h, est coupée de la France et du monde. S’engage alors une course contre la montre pour rétablir des voies aériennes et maritimes ainsi que le réseau radio. À La Réunion et à Mayotte, quelques heures après le cyclone, nous sommes témoins de l’incroyable mobilisation des secours. Dès le lendemain du passage de Chido, c’est un pont aérien qui se met en place, prenant pour base d’appui l’île de La Réunion, département situé de l’autre côté de Madagascar. Deux Casas, des avions de transport de la base aérienne 181, sont réquisitionnés. Un quart de la flotte d’A400M de l’armée de l’air est mis à disposition du transport de fret humanitaire et de l’hôpital de campagne.
Pour rendre utilisable la piste de l’aéroport de Pamandzi à Mayotte, il a fallu compter sur le courage de trois militaires du 25e régiment du génie de l’air. L’alerte violette du cyclone n’est pas encore levée que trois hommes, armés de tronçonneuses et escortés par des légionnaires, bravent les éléments. Leur mission : dégager la piste des arbres balayés par les rafales de vent de 220 km/h. Mayotte est alors coupée du monde et d’elle-même. Sans eau potable, sans vivres et sans soutien médical, sa population est condamnée dans cet état de siège naturel. À force de travail acharné, les tronçonneurs rétablissent un couloir aérien. Seulement vingt heures après le passage du cyclone Chido, le premier avion de fret humanitaire pose ses trains d’atterrissage sur une piste praticable. Un bal d’allées et venues de géants du ciel est inauguré. Désormais, quand un avion atterrit, il est immédiatement déchargé par des Fenwick™. Son fret : des bouteilles d’eau, des boîtes de sardines et des tomates pelées en conserve qui sont directement disposées dans des camions bâchés de la gendarmerie pour être distribuées auprès de la population. Nous assisterons à l’ensemble de cette séquence, de la base d’appui de La Réunion au point de distribution à Oupie ou encore à Pamandzi. Nous ne pouvons que témoigner de sa rapidité d’exécution. Un constat partagé par Ali (le prénom a été modifié), un migrant congolais que nous rencontrons sur un banc en face du Sodifram, le magasin d’alimentation de son quartier. « J’ai traversé beaucoup de pays d’Afrique pour venir, heureusement que ce cyclone ne les a pas frappés, cela aurait été mille fois pire, comme a dit Macron », témoigne celui qui exerce la profession d’artiste. « D’où je viens, les dirigeants n’auraient tout simplement jamais prévenu la population de l’arrivée de la catastrophe naturelle ! », poursuit-il, avant de conclure : « Là, on a vite été prévenus. »
Le port maritime à nouveau utilisable
C’est avec la même célérité que la voie de la mer est rétablie. Les plongeurs de la frégate de surveillance Floréal ont, une fois la tempête passée, scruté les profondeurs du port de Longoni et répertorié les épaves. C’est ce qui permet au Champlain, un autre navire de la Marine nationale, d’approvisionner aujourd’hui les villages côtiers de Mayotte en eau potable et en vivres. Plus discret, mais non moins indispensable, a été le travail des gendarmes de l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI). Suspendu à plus de dix mètres de hauteur, nous observons ce 25 décembre deux opérateurs « repointer les paraboles » sur une antenne du sud de Mayotte. Le jour de Noël, 100 % du réseau radio des secours est ainsi rétabli, comme nous l’apprenons par le talkie-walkie d’un des gendarmes. Ce réseau permet notamment à l’ensemble des pompiers et sapeurs de la sécurité civile de communiquer entre eux. Les gendarmes de l’ANFSI que nous rencontrons sont par ailleurs des collègues du capitaine Florian Monnier. Un officier mort dans ces conditions opérationnelles et dont le sacrifice a été salué par le ministre de l’Intérieur.
Si nous avons pu être témoins de l’action de l’État, Mayotte est une île où s’étend, hélas, un océan de misère. Comme aux abords de Pamandzi, où s’étalent à perte de vue des bidonvilles. Au point qu’un habitant de cette commune de Petite-Terre nous raconte : « Depuis le cyclone qui a balayé les arbres, j’ai découvert que la colline d’en face était recouverte d’habitats insalubres. » Mayotte va-t-elle pouvoir faire face à une crise humanitaire qui semble insoluble ?
Jean Bexon
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