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[VU DE L’EST] Autriche : Herbert Kickl, le chef du FPÖ, aux portes du pouvoir

Capture écran TV5 Monde
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Malgré sa petite taille, l'Autriche a souvent été un précurseur des tendances politiques mondiales. La poussée, sur tous les continents, du populisme de droite trouve en effet son origine dans cette nation alpine. En 1992, Jörg Haider, qui dirigeait alors le Parti autrichien de la liberté (FPÖ), avait proposé un référendum intitulé « Österreich zuerst » (L'Autriche d’abord), qui préconisait de freiner l'immigration de masse, de renforcer le financement des forces de l'ordre et de limiter le nombre d'élèves non germanophones dans les écoles publiques.

Le pionnier Jörg Haider

L’approche de Jörg Haider a, depuis, été reprise, consciemment ou non, par les populistes de droite du monde entier tels que Donald Trump aux États-Unis et Nigel Farage au Royaume-Uni. Haider, décédé dans un accident de voiture en 2008, n'a pas vécu assez longtemps pour assister au succès de son ancien parti, qui a obtenu 28,8 % des voix lors des dernières élections fédérales. Le paysage politique autrichien, longtemps dominé par le Parti populaire conservateur (ÖVP) et les sociaux-démocrates (SPÖ), connaît une évolution spectaculaire, ces deux partis, qui totalisaient autrefois près de 70 % des voix, n’obtenant désormais plus que 26,3 % et 21,1 %, respectivement.

L’arrivée en tête du FPÖ a débouché sur une situation unique dans l’Autriche post-Seconde Guerre mondiale. La tradition veut que le président désigne le chef de file du parti arrivé en tête pour former un gouvernement, bien que cela ne soit pas une obligation légale. Toutefois, le président Alexander van der Bellen, ancien dirigeant des Verts, a rompu avec cette tradition en privilégiant le Parti populaire conservateur, arrivé en deuxième position, pour former un gouvernement. Une démocratie qui fonctionne repose non seulement sur des institutions formelles et des procédures légales, mais aussi sur des conventions et des habitudes non écrites. La violation de ces règles non écrites risque de déclencher une série de violations supplémentaires.

Herbert Kickl en embuscade

Ces stratégies allant à l’encontre de traditions bien établies ont par ailleurs tendance à échouer. Après près de 90 jours de négociations entre le parti conservateur, les sociaux-démocrates et le parti libéral, il est apparu clairement que ces forces politiques n'étaient pas en mesure de former un gouvernement. Deux issues se présentaient alors : réorganiser des élections ou inclure le FPÖ dans les pourparlers. À l'heure où nous écrivons ces lignes, il semble très probable que le chef du FPÖ, Herbert Kickl, devienne le nouveau chancelier. Ainsi, toutes les entorses aux traditions démocratiques autrichiennes n'ont eu d'autre effet que d'affaiblir les institutions existantes. En fait, la popularité du Parti de la liberté n'a fait qu'augmenter, depuis septembre 2024. Les sondages les plus récents montrent que le FPÖ atteint 37 %, la somme du score des conservateurs (18 %) et des sociaux-démocrates (19 %) qui, il y a quelques décennies, obtenaient plus de 60 % des voix au total.

L'ascension du FPÖ a donné lieu à des accusations de liens avec les nazis et de proximité avec le Russe Vladimir Poutine, qui éclipsent les véritables facteurs de sa popularité. Les enquêtes indiquent que 45 % des sympathisants du FPÖ sont attirés par le programme du parti, 11 % ne voient pas d'alternative et 9 % pensent que le parti représente le mieux leurs intérêts, notamment en ce qui concerne les restrictions à l'immigration et la priorité accordée aux questions autrichiennes.

La gauche en difficulté

Sans surprise, la coalition des conservateurs et des Verts précédemment au pouvoir a connu une baisse de 5,6 points de pourcentage de son soutien, tombant à 8,3 %. Le PIB par habitant de l'Autriche a chuté de 1,7 % ,sous le gouvernement conservateur-vert de 2019 à 2024, la baisse la plus forte au sein de l’Union européenne. Un autre problème majeur est l'aggravation de la situation due à l'immigration de masse. Pour ne citer qu'un exemple, la majorité des élèves des écoles publiques de Vienne ne parlent pas l'allemand comme première langue, ce qui fait des élèves autrichiens une minorité dans leur propre pays.

Les espoirs et les attentes à l'égard du futur gouvernement dirigé par le FPÖ sont élevés, et il reste à voir si toutes les promesses faites avant les élections pourront être tenues. L'Autriche se trouve dans une situation budgétaire tendue, ayant à peine pu éviter le déclenchement de procédures de déficit par l'Union européenne. Herbert Kickl lui-même a déjà déclaré que bon nombre de projets devront être reportés jusqu'à ce que les finances publiques soient à nouveau sous contrôle. Si le Parti de la liberté est habitué à son rôle de principal parti d'opposition, il ne l’est pas à celui de gouvernement. Le nouveau gouvernement doit encore être formé et il n'est pas du tout certain que les négociations entre le Parti populaire et le FPÖ aboutissent à une conclusion constructive. Les prochaines semaines seront décisives, mais même un nouveau gouvernement devra faire face aux réalités d'une marge de manœuvre financière limitée et d'attentes potentiellement déraisonnables de la part des électeurs. Il n’est, du reste, pas improbable que les Autrichiens aient à retourner aux urnes plus tôt que prévu.

Peter Szemzo

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