Les gueulards va-t-en-guerre promettaient l’effondrement de la Russie face à l’Ukraine réarmée. Ils le répétaient à longueur de débats, sur LCI plus qu’ailleurs. Or ces experts et militaires en retraite, imperméables au doute, se sont trompés. Ils participent aujourd’hui à l’humiliation de l’Europe défaite. Le bilan de leurs erreurs prévisibles, après trois ans d’un conflit frontalier meurtrier, est en effet effroyable.
Mardi, c’est sous les auspices de l’Arabie saoudite que l’Américain Marco Rubio et le Russe Sergeï Lavrov ont ouvert le dossier ukrainien, dans la prolongation de la conversation téléphonique d’une heure trente de la semaine dernière, entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Le paria russe, qui rêvait de fédérer le Sud global contre l’Occident décadent, a réussi sa déstabilisation de l’ordre mondial, avec l’appui des Etats-Unis qui espèrent, eux, affaiblir le lien entre la Russie et la Chine. En attendant, la victoire de Poutine est double : il a remporté la guerre, et exclu l’Europe et l’Ukraine des premières négociations. Dans son tête-à-tête avec Trump, Poutine a rétabli la Russie pestiférée au rang de grande puissance mondiale. L’autocrate brandit la défaite de l’Ukraine, qui ne recouvrera pas ses territoires perdus ni n’entrera dans l’Otan. Au bout du compte, et après près d’un million de morts et de blessés de part et d’autre parait-il, cette guerre n’aura servi à rien. Conduite en apparence par Volodymyr Zelensky, elle se révèle avoir été téléguidée par les anglo-saxons, Etats-Unis en tête. Le dialogue Trump-Poutine est l’aveu de l’ingérence de la précédente administration Biden dans cet affrontement qui aurait dû rester régional.
Le désastre humain est révoltant. Le gâchis économique est énorme. Et les Européens apparaissent, pour n’avoir pas réfléchi à une stratégie lisible et autonome, comme les « dindons de la farce » (Pierre Lellouche, Le Figaro du 17 février). Il ne s’agit pas de reprocher le revirement de l’Union européenne, qui a vite troqué il y a trois ans son traditionnel discours « pas-de-vaguiste » pour celui de la fermeté, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Dans un monde de carnivores, les herbivores sont voués à disparaître. Reste que cette théâtrocratie belliciste s’est épargnée de définir clairement les buts de la guerre et les moyens de sortir d’un piège mortel. L’Europe et les commentateurs en chaises longues ont encouragé de loin les Ukrainiens à résister au frère ennemi russe, sans laisser de place à la diplomatie. C’est le sulfureux prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman qui s’est invité comme arbitre, dans un rôle qui aurait dû revenir à la France si elle n’avait pas été illisible dans ses palinodies « escalatoires » (mon blog du 28 février 24) et ses menaces infantiles (Bruno Le Maire, en mars 22 : « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe »). Aujourd’hui encore, Emmanuel Macron affirme que la Russie « constitue une menace existentielle pour l’Europe », tout en épargnant l’Algérie et ses provocations agressives contre la France. Si la nation est menacée dans son existence, c’est par l’islam colonisateur laissé en paix. L’Europe risque de sortir de l’histoire, à cause de dirigeants émotifs, qui ne pensent pas plus loin que le bout de leur nez.
Mes interventions de mardi sur Ligne Droite (8h40-8h50) et CNews (14h-15h)
Commentaires
On ne peut hélas qu'être d'accord. La vraie question maintenant est de savoir comment refonder l'Europe occidentale sans la couper de l'Amérique au sein de l'Occident global. A voir si l'UE et l'Otan peuvent encore servir à quelque chose, et surtout comment va se positionner l'Allemagne. D'un point de vue de la Realpolitik elle devrait cesser d'être atlantiste afin de récupérer l'énergie russe à bon marché, tout comme d'autres pays européens.
Quant à la France elle a une belle carte à jouer, sous réserve de mettre de l'ordre dans ses finances et de se libérer de ses complexes coloniaux, algériens surtout. A quand pour commencer l'abolition unilatérale des accords d'Evian ?