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Arrêt de C8 : des Français stupéfaits, dans le silence sépulcral de la gauche

hanouna
Ce 28 février, la chaîne de Vincent Bolloré diffusait ses dernières images, les grands moments de son émission phare TPMP, notamment. Une forme de dernier inventaire avant liquidation… dans le silence sépulcral des grandes consciences qui ont piscine.

Jusqu’ici, toucher à la télé, c’était toucher au grisbi. Un exemple ? L’arrêt décidé par Bolloré des emblématiques et très idéologiquement corrects Guignols de l’info lorsque l'homme d'affaires mit la main sur Canal+ s’était déroulé en deux temps : un coup de semonce en 2015 et un arrêt définitif en 2018. Notons qu’il s’agissait d’une simple émission et non d’une chaîne : ce drame avait provoqué des torrents de larmes. Il fallait alors sauver la liberté d’expression, le droit à la dérision était menacé par le sinistre Bolloré, on avait peur, on frémissait devant le message atroce. Cécile Duflot, députée EELV, l’impayable Jean-Luc Mélenchon, alors patron du Parti de gauche, l'ancien Premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault, le socialiste Patrick Bloche, l’ancien Premier ministre de droite molle Alain Juppé, l’ancien Premier ministre Manuel Valls... tous manifestaient leur réprobation. Claude Bartolone, alors président de l'Assemblée nationale, déterrait la hache de guerre : « Il y a toujours eu de tout temps, dans tous les régimes, c'est le fou du roi. Aujourd'hui, ce côté acide qui quelquefois nous amène à mal réagir quand on se sent la cible des Guignols aère l'actualité et la manière de traiter la politique. » Un drame. Ces innombrables soutiens avaient lancé sur Twitter le hahstag TouchePasAuxGuignols. L’ancien président de Canal+, Pierre Lescure, avait démissionné du conseil d’administration d’Havas, le groupe publicitaire de Bolloré, pour mieux défendre Les Guignols.

C8 en tête des audiences, ce 27 février

Cette fois, il ne s’agit plus de la disparition d’une émission de divertissement : la ligne, le lancement ou la mort d’une émission relèvent de la direction éditoriale du média concerné. Il s’agit d’une chaîne de télévision tout entière que les observateurs s’accordent à placer dans l’opposition à Macron. Arrêter une chaîne d’opposition contre l’avis de son éditeur, quelles qu’en soient les raisons, est une décision grave dans un pays qui professe, via la loi sur la liberté de la presse de 1880, que « tout journal ou écrit périodique peut être publié sans déclaration ni autorisation préalable, ni dépôt de cautionnement » (art. 5).

Pourtant, cette fois, pas de déclarations des vedettes de la télé la main sur le cœur. Pas de gros titres dans la presse de gauche ou mainstream. On aimait ou non le ton de C8 et le style de son animateur emblématique Cyril Hanouna. La chaîne a été sanctionnée par l’Arcom et il y aurait beaucoup à dire sur l’ampleur des sanctions financières (justes et proportionnées ou non...), mais elle avait payé. Et jamais, dans l’histoire de la télévision française, on n’avait ainsi retiré le droit d’émettre. C’est une triste première, révoltante. À ceux qui font mine de croire que l’épisode est anecdotique, les audiences de la soirée du 27 février, la veille de l’arrêt définitif, offrent un puissant démenti.

Ce jeudi soir, C8 et son dernier prime timeTPMP : toute la vérité, se sont installés en tête des audiences, toutes chaînes confondues, devant TF1 ! Hanouna a rassemblé 3,34 millions de téléspectateurs, entre 21h15 et 22h, soit 17,1 % du public, puis 2,86 millions de téléspectateurs jusqu'à 23h47, soit 21,2 % du public. En face, avec Envoyé spécialFrance 2 et Élise Lucet n’ont séduit que 1,3 million de téléspectateurs - trois fois moins que Hanouna…

Le groupe Bolloré n'a pas appelé à manifester

En 1984, 300.000 jeunes avaient déferlé dans Paris pour protester contre la menace de fermeture de la radio NRJ. Une décision de l’ancêtre de l’Arcom, la Haute Autorité de l'audiovisuel. Rien de tel ne se dessine, pour l’instant, en faveur de C8. Pourquoi ? D’abord parce que son public retrouvera Hanouna sur les chaînes du groupe M6 dès la rentrée : un pied de nez à l’Arcom. Le plus puni n’est pas le public, ni Hanouna : c’est Bolloré, qui perd sa première fréquence télé obtenue de haute lutte en 2005. C'était le but. Ensuite, parce que la France semble éberluée, étourdie par le coup de cette interdiction inédite. Enfin, parce que le groupe Bolloré n'a pas lancé de mot d’ordre de mobilisation générale, alors que NRJ avait largement utilisé ses antennes pour gonfler les rangs de « sa » manif.

Mais il restera une cicatrice dans le public. De très nombreuses personnalités politiques ont témoigné leur soutien à C8, jusqu’au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Les téléspectateurs le découvrent brutalement : on peut désormais, en France, sous Emmanuel Macron, supprimer purement et simplement une chaîne de télévision d’opposition qui rencontre un vrai succès public. Un jour, la colère prendra la place de la stupéfaction...

Marc Baudriller

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