Par Adègne Nova
À l’extrême fin du XVIIIe siècle, Jean-Charles Guillaume Le Prévôt de Beaumont écrit sur sa patrie qu’il voit dans le plus imminent danger. Il reprend la plume alors qu’il est âgé de 75 ans.
« Non, jamais, jamais, malgré les jurements imprudents, la Constitution promulguée le 5 fructidor de l’an III [22 août 1795], adoptée sans réflexion sur une simple lecture, ne fondera solidement une république (…) »
Sont ensuite évoquées les finances de l’État qui, selon Le Prévôt, « sont les fondatrices et les régulatrices de tout empire ». En effet, « le premier principe sans lequel nul État, grand ou petit, n’a pu commencer sa fondation est celui des finances. Si elles manquent, il ne sera jamais possible de le constituer. Elles sont le nerf, la force, le soutien, le bonheur, le repos, la fécondité, la prospérité et l’aliment de toutes les branches de l’État (…). Cette république, et tous ceux qui l’ont gouvernée jusqu’à ce jour, n’ont créé qu’un fantôme destructif de l’État français ; ils n’ont connu ni ses colonnes, ne ses branches vivifiantes, ni ses ressources, ni ses propriétés, ni ses rapports, si son ensemble ».
Ainsi, dès le départ, la république en France semble incapable de prendre en charge les hommes qui peuplent le pays. Et pourtant, l’auteur lu ici n’est en rien hostile à ce régime, au contraire, il a passé plus de 20 ans dans les geôles royales du fait de sa dénonciation du pacte de famine en 1768 et sa position quant à la royauté n’est pas tendre. Néanmoins, il poursuit ainsi : « Le nouveau régime français ne se formera et ne se fondera jamais tant que les conseils législatifs s’asseoiront avec des commissions ignorantes et infidèles sur les finances, pour les régiminer à leur volonté (…) Il y a impérieuse nécessité [que ceux qui s’occupent des financent de l’État] soient éclairés en banque politique et de probité connue ». Il est évident ici que les hommes qui s’occupent de politique et influent sur la destinée d’un État ne doivent pas être atteint de « phobie administrative » à l’instar de certains ministres et autres secrétaires d’État sévissant au XXIe siècle. Souvenons-nous du temps où Fouquet le dispendieux avait fini à Pignerol !
Le Prévôt, enfin, indique que « l’État ne pourra jamais se consolider sans réduire les corps législatifs, sans adopter des principes salutaires, sans abroger une multitude de lois contradictoires, de codes indigestes… pour sauver la France des plus grands dangers où l’entraînent inévitablement la révolution et la constitution qui la régit depuis six ans (…) Dès que les finances manquent ainsi que l’ordre, l’État penche vers sa ruine entière ». Le gouvernement Bayrou, qui travaille déjà au budget 2026, devrait en prendre de la graine, cesser les économies de bouts de chandelle pour tailler dans le vif, éviter « les soustractions, les dilapidations, les grandes et nombreuses déprédations » faites par et à l’État.
Notons que Le Prévôt mentionne un élément pire que tout : « Les gouvernants sont en beaucoup trop grand nombre, qui se contredisent presqu’en tout point amovibles qu’ils sont trop fréquemment. [Et ceci] entraîne la nation dans l’affliction, dans la misère, dans les vices de la constitution et de ses corps constitués, victime qu’elle est de leur impéritie et de leurs futiles lois (…) Suivant Montesquiou, le déficit des finances était en novembre 1789 de 68 millions ; depuis, le délabrement n’a cessé de s’accroître ».
Des décennies de république plus tard, les mots nous manquent pour parler du trou abyssal qui engloutit les finances publiques ! Jean de France disait à Fabrice Madouas avec lequel il s’entretenait en 2009 que la France est en crise financière depuis fort longtemps « car l’État dépense sans compter dans l’espoir d’atténuer les rigueurs de la conjoncture, mais l’État c’est nous ! » Les gouvernements républicains successifs ont beau augmenter les prélèvements obligatoires, les déficits continuent de s’aggraver. Le prince Jean indique qu’« à force d’intervenir tous azimuts, sans vision politique globale, l’État s’est dilué, il n’est plus capable de résister aux nombreux lobbies qui l’assaillent, mais en a-t-il même la volonté ? » Et, hélas, cette dernière remarque est valable dans maints domaines : finances certes, mais aussi culture, éducation, immigration, etc.
(Illustration : Jean-Charles Guillaume Le Prévôt de Beaumont dans sa prison)
https://www.actionfrancaise.net/2025/04/18/viciee-des-le-depart/