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Réponse à Aphatie : Les vraies causes de l’expédition d’Alger en 1830

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Sur France 5, en présence de Pascal Blanchard, historien, et de plusieurs journalistes, Jean-Michel Apathie explique pourquoi la France a colonisé l’Algérie.
« La colonisation algérienne ne ressemble à aucune autre. Les liens entre la France et l’Algérie font que cette histoire est très singulière et il faut la regarder sous trois angles, la conquête, l’exploitation, puis la guerre.

5 Juillet 1830, les troupes françaises entrent à Alger. Pourquoi ? Il n’y a pas de bonne raison. On a dit bateau pirate, c’est faux. La marine anglaise a détruit les bateaux pirates algériens en 1827. Les bateaux pirates, il en reste trois à Alger en 1830. Donc, si Charles X décide de la conquête d’Alger, c’est pour des raisons de politique intérieure, son pouvoir est contesté, les libéraux progressent, il veut faire une opération de prestige. Alger est conquise le 5 Juillet, et le 30 Juillet, Charles X est foutu dehors. Louis Philippe lui succède. Et personne à Paris n’a idée de ce qu’il faut faire de l’Algérie ».

Pour Jean-Michel Apathie, une seule cause justifie l’expédition d’Alger le 5 Juillet 1830 : la politique intérieure. Une victoire prestigieuse à l’extérieur consoliderait un régime en difficulté. Apathie projette la politique ultérieure de nombreux Républicains sur les motivations de Charles X.
Ses lumières sont un peu courtes, très courtes même. Pourtant, toutes les personnes présentes sur le plateau acquiescent avec un plaisir non feint. Pas une seule contestation. Ces gens se retrouvent en famille, en famille de pensée.

Depuis le XVIe Siècle, l’Algérie ou Régence d’Alger, était tombée au pouvoir des Turcs, qui la gouvernaient par l’intermédiaire d’un dey nommé à vie. La suzeraineté du Sultan restait purement nominale. Ce dey devait partager l’autorité avec trois beys placés à la tête des trois provinces d’Oran, de Titteri et de Constantine, qui se considéraient pratiquement comme indépendantes. En outre, ce dey était surveillé par la milice des janissaires, très turbulents, et par les chefs de la corporation des corsaires, sur laquelle reposait toute la vie économique du pays.
Les Turcs vivaient absolument à l’écart de la population indigène des Arabes et des Berbères. Ils avaient pour principales ressources la piraterie qu’ils pratiquaient dans la Méditerranée et le commerce des esclaves. La piraterie, grande ressource, était une véritable institution nationale.
Les corsaires ou Barbaresques, avec leurs galères légères et rapides, étaient passés maîtres de la piraterie. Ils étaient redoutés au point que certaines puissances acquittaient une sorte de tribut, en échange duquel elles obtenaient la liberté de navigation. Cette ressource rapportait des butins copieux. En plus, les Turcs entassaient dans le bagne d’Alger des foules de captifs dont ils tiraient des rançons.
Les indigènes, Arabes ou Berbères, vivaient en tribus, assujettis à l’impôt, mais laissés libres de s’administrer eux-mêmes. Quelques-unes étaient pratiquement indépendantes, comme les Montagnards de Kabylie. Il n’existait qu’une façade d’Etat, derrière laquelle, la population, formée d’éléments divers, paysans berbères et arabes nomades, vivait à peu près dans l’anarchie. Entre ces populations, il n’y avait qu’un lien réel : le lien religieux. De grandes confréries musulmanes constituaient les seuls groupements vivants.

A plusieurs reprises, les nations d’Europe, lasses des méfaits des Barbaresques, avaient tenté d’entraver la piraterie et bombardé Alger. Des efforts avaient été tentés pour débarrasser l’Europe de cette servitude : une escadre américaine avait bombardé Tripoli en 1803 ; une escadre anglaise avait bombardé Alger en 1816 et 1823. Mais elles n’avaient obtenu que des résultats éphémères. La police des flottes européennes avait mis fin en partie aux pirateries dont le dey tirait le plus clair de ses ressources. Aucun résultat durable n’avait été obtenu. Dans l’intervalle des ruptures, les nations d’Europe renouaient des rapports amicaux avec le dey.
La France notamment avait un consul à Alger. Des relations commerciales s’étaient nouées d’une rive à l’autre de la Méditerranée. La France possédait des comptoirs à La Calle et à Bône. Des négociants de Marseille entretenaient des pêcheries de corail et achetaient du blé, des laines et des cuirs aux indigènes.

Au début du XIXe Siècle, la situation de l’Algérie s’était assombrie. Les mesures prises en Europe rendaient l’action des corsaires plus difficile : les captifs d’Alger étaient tombés de 30 000, chiffre des périodes de prospérité, à 1200. La Régence, privée partiellement des ressources de la piraterie, végétait. Un incident pouvait lui être fatal. Cet incident survint en 1827.
Pendant la Révolution, le Directoire avait acheté du blé au dey par l’intermédiaire de deux négociants, deux Juifs italiens de Livourne, Bacri et Busnach. Depuis, le paiement n’avait pas été intégralement soldé, la livraison n’avait pas été réglée tout entière en temps voulu. Bacri et Busnach avaient conservé les avances faites par le gouvernement français.

Le dey Hussein s’était plaint amèrement. Il se prétendait le créancier de la France et réclamait le paiement des sommes dues. Après la défaite de Trafalgar, en Octobre 1805, il avait pris une attitude arrogante. En 1808, Napoléon avait envoyé en reconnaissance un officier, le commandant Boutin, chargé d’étudier un point éventuel de débarquement. Le projet de l’Empereur n’eut pas de suite, mais le rapport de Boutin, préconisant l’accostage dans la presqu’île de Sidi-Ferruch, à l’Ouest d’Alger, devait servir en 1830.
Après l’Empire, les réclamations du Dey avaient repris de plus belle. Le 30 Avril 1827, Hussein pacha, furieux des retards qu’on lui opposait, dans un accès de colère, s’en prit au Consul de France à Alger, Deval. Il le frappa par trois fois du manche de son chasse-mouches.
La France exigea des excuses officielles. Le dey refusa. Villèle, président du Conseil, ne voulut pas, par prudence et par esprit d’économie, envisager une expédition militaire que préconisait cependant Clermont-Tonnerre, le ministre de la Guerre. Villèle ordonna le blocus des ports barbaresques, opération difficile et fatigante pour notre flotte qui fit le blocus de la Régence.

Martignac, ministre de l’Intérieur et faisant office de président du Conseil, ne modifia pas cette politique, et chercha même à rouvrir des négociations. Mais le dey s’obstina et même récidiva. En Août 1829, un des navires de l’escadre française fut canonné par les forts turcs. Le dey refusa de nouveau des excuses. Et le blocus continua.
Jules de Polignac, (1780-1847), nouveau président du Conseil, adopta une attitude plus énergique et conforme à l’honneur national. Il voulait, par ailleurs, relever le prestige de la couronne aux prises avec de graves difficultés intérieures. Il avait besoin d’un succès militaire en vue des élections. Il agissait également sous l’empire d’un profond sentiment chrétien, rêvant de reprendre l’oeuvre de Saint-Louis, mort sur la terre africaine en luttant contre l’Islam. Polignac fit donc accepter à Charles X le principe d’une expédition militaire.

L’envoi d’un corps expéditionnaire fut décidé. Par une note du 4 Février 1830, Polignac informa les puissances que la France allait combattre la piraterie (qui existait donc bien encore). L’Angleterre demanda des précisions sur ses intentions ultérieures. Elle intervint auprès du gouvernement turc pour rendre l’expédition inutile en faisant remplacer Hussein par un dey plus accommodant. Polignac ne se laissa pas intimider, car il se sentait fort de l’appui de la Russie. Il répondit que la France verrait à réunir une Conférence internationale pour régler éventuellement le sort d’Alger.
Une armée de 35 000 hommes fut réunie à Toulon, sous les ordres du général de Bourmont, ministre de la Guerre. Elle s’embarqua le 25 Mai 1830 à bord d’une flotte commandée par l’amiral Duperré et fort bien organisée par le ministre de la Marine d’Haussez.
Arrivée en cinq jours en vue d’Alger, l’expédition retourna aux Baléares par suite du mauvais temps et revint devant Alger le 13 Juin. Conformément au plan Boutin, le débarquement eut lieu dans la presqu’île de Sidi-Ferruch, dans la nuit du 13 au 14 Juin 1830. Ce débarquement ne fut pas inquiété par l’ennemi, qui contre-attaqua le 19 Juin, combat de Staouëli.

Pour se porter en avant, Bourmont attendit d’avoir débarqué son matériel retardé par une violente tempête. Après avoir repoussé un nouvel assaut des Turcs, il passa à l’attaque le 29 Juin et marcha sur Alger. La position dominante de Fort-l’Empereur fut occupée le 4 Juillet après un vigoureux bombardement. Le lendemain, Alger, également canonnée par mer, capitula.
Le 5 Juillet 1830, les troupes françaises entrèrent dans Alger. Quelques jours après, elles occupèrent les ports d’Oran et de Bône.

A ce moment, parvint la nouvelle de la révolution parisienne : les Trois Glorieuses des 27-28-29 Juillet 1830. Bourmont songea à ramener son armée en France pour rétablir Charles X. L’attitude de la marine et notamment de Duperré, gagné aux idées libérales, l’en empêcha. Après avoir fait évacuer Bône et Oran, il attendit loyalement son successeur, le général Clauzel.
En occupant Alger, le gouvernement de Charles X n’avait eu nullement l’intention d’amorcer une politique coloniale. La prise d’Alger n’était pas à elle seule une solution. La question se posait maintenant. La France garderait-elle et développerait-elle sa conquête, comme le demandaient l’armée et une partie de l’opinion publique, de façon à créer une colonie sur l’autre rive de la Méditerranée ? Ou bien, évacuerait-on la ville, en se contentant de la satisfaction d’avoir châtié Hussein ?

Au début d’Août 1830, la monarchie de Louis-Philippe hérita du trône de Charles X. Dès son avènement, elle se trouva en face de ce problème à résoudre. Elle s’y montra fort embarrassée. En effet, la situation intérieure lui commandait une extrême réserve. En outre, elle avait besoin de l’Angleterre pour régler la question de l’indépendance de la Belgique. Une Angleterre qui ne cachait pas son irritation de voir la France à Alger. La monarchie de Louis-Philippe ne pouvait pas rompre avec l’Angleterre, devait chercher tous les moyens de la ménager.
Enfin, des groupes importants de l’opinion publique se déclaraient nettement hostiles à un effort de grande envergure : les négociants de Bordeaux, inquiets de la concurrence de Marseille, qu’avantagerait fatalement l’installation française en Afrique du Nord, les patriotes exaltés, impatients de consacrer toutes les forces du pays à la revanche des traités de 1815.
Aussi, pendant cinq ans, de 1830 à 1835, Louis-Philippe préféra s’en tenir à une politique de timidité et de demi-abstention, à une politique d’occupation restreinte à quelques points de la côte, politique qui ne l’engagerait catégoriquement dans aucun sens. Il donnait ainsi aux indigènes l’impression que la France ne tenait pas à garder ses conquêtes. Ce sentiment, exploité par un chef remarquable, Abd-el-Kader, permit à celui-ci de fonder un nouvel Etat algérien, qui allait se montrer très dangereux.
Donc, Louis-Philippe n’avait pas pour but d’amorcer une politique coloniale. Cependant, la prise d’Alger fut le point de départ inconscient de la conquête de l’Empire colonial français, conquête poursuivie plus tard par Napoléon III et la Troisième République.

Telles sont les circonstances exactes et les causes profondes de l’expédition d’Alger en 1830, expédition menée par le gouvernement finissant de la Restauration, et reprise par le gouvernement de la Monarchie de Juillet. A cette date, aucune trace de colonisation, aucune volonté et aucune idée d’un Empire.
Dans son court exposé, Jean-Michel Apathie s’en tient à la politique intérieure française, le désir de garder le pouvoir par une victoire militaire. Et il refuse catégoriquement l’impact des méfaits des Barbaresques. Son interprétation des faits est vraiment très légère, pour ne pas dire inconsistante, insignifiante, vide, et même fausse. Certes, en quelques minutes, il ne pouvait pas tout dire, mais il aurait pu résumer l’essentiel, ne pas tronquer la réalité par des erreurs et des manquements.

Comme à son habitude, Apathie charge la France de tous les maux. Dans la suite de son interview, il dénonce l’exploitation de l’Algérie par la France et la férocité de la France pendant la guerre. Tout à sens unique. La France seule responsable et coupable. Les personnes présentes, militantes et partisanes de la même cause anti France, écoutent fascinées et subjuguées, notamment l’historien gauchiste Pascal Blanchard, totalement acquis à ces stipulations et à cette réécriture de l’histoire. Tous reproduisent la pensée unique historiquement correcte, une pensée qui n’admet aucune contradiction, aucune discussion, aucune objection. Une pensée qui peut aboutir à la violence la plus extrême. On le voit dans les regards et les propos haineux d’Apathie.

Jean Saunier

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