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Le général Gomart révolté par la réception du président syrien : l’œil d’un combattant

@Capture d'écran X Elysée
@Capture d'écran X Elysée
Le général Gomart, député au Parlement européen, vient de rappeler, sur X, une fâcheuse évidence : recevoir le président syrien Al Charaa - autrefois, de son nom de guerre, Al Joulani - est une honte pour la présidence française et pour la France en général. Avec son passé opérationnel, l'homme politique sait bien de quoi il parle, et il est légitime pour dénoncer cette ignominie : Christophe Gomart, en effet, n’a pas toujours été député européen. Avant d’être élu en troisième position de la liste LR, il a été directeur du renseignement militaire après avoir commandé les opérations spéciales des armées françaises et, encore auparavant, le 13e régiment de dragons parachutistes. Ce régiment des forces spéciales, spécialisé dans la recherche du renseignement humain derrière les lignes ennemies, a été engagé en pointe dans la lutte contre l’État islamique en Irak et au Levant (Daech).

Le président syrien a du sang français sur les mains

En 2017, le 13e RDP était en Irak et en Syrie. L’un de ses sous-officiers, l’adjudant Stéphane Grenier, est mort pour la France en mission, au moment où Christophe Gomart était à la DRM. Al Joulani, lui, venait de créer le Hayat Tahrir al-Cham (HTC), après avoir quitté Al-Qaïda. Le curriculum vitae du nouveau président syrien est assez impressionnant, puisque après avoir été incarcéré à Abou Ghraïb en 2003, il a également servi l’État islamique en Irak, avec Abou Bakar al-Baghdadi, futur calife de Daech. En d’autres termes, le président syrien – et Christophe Gomart, sans le formuler ainsi, le fait bien comprendre à très juste titre — a du sang français sur les mains.

Contacté par Boulevard Voltaire, le général Gomart a été pragmatique. Il sait bien, pour avoir travaillé presque toute sa carrière dans la recherche du renseignement de portée stratégique, que les bons sentiments n’ont pas leur place, en politique internationale. Pour lui, il fallait certes que la France prenne attache avec le nouveau régime syrien. C’était une question de positionnement sur la scène mondiale. Toutefois, il existait des lieux moins symboliques que le perron de l’Élysée. Un pays tiers de la sous-région aurait très bien pu accueillir une entrevue discrète – ou même officielle, d'ailleurs - entre un représentant de la France, qui aurait tout à fait pu être le ministre des Affaires étrangères, et le nouveau président de la Syrie. Il aurait alors fallu demander des gages, des gages sérieux, c'est-à-dire autres que le port de la cravate et la taille de la barbe. Faire venir, sans conditions, dans un avion de la République, aux frais d’une princesse décidément bien généreuse, un homme qui a directement combattu nos forces spéciales est ignoble.

Aucun gage

L’un des gages qu’aurait pu demander le gouvernement de la France, si le sens de l’honneur ne lui était pas devenu totalement inconnu, aurait pu (aurait dû ?) porter sur la protection des minorités religieuses. Depuis François Ier, la France s’est faite la protectrice des chrétiens du Levant. Emmanuel Macron aime jouer à s’inscrire dans l’Histoire longue, sauf quand cela va à l’encontre de ses intérêts médiatiques à court terme. Il n’a donc rien demandé. Les massacres de Druzes et d’Alaouites, d’une cruauté barbare, ne laissent pourtant rien présager de bon en termes de liberté de conscience, dans un pays qui a chassé un dictateur pour en laisser un autre s’emparer du pouvoir.

De temps à autre, il est bon d’avoir le point de vue d’un combattant sur les conséquences de nos combats. Ceux qui ont guerroyé contre Daech il y a presque dix ans doivent avoir un profond sentiment de trahison. On leur expliquera sans doute qu’Al Charaa, olim Al Joulani, est un « islamiste modéré » - encore un de ces oxymores stupides qu’aiment tant les baroudeurs de plateau. Il n’est pas certain que les éléments de langage suffisent à faire oublier cette honte.

Arnaud Florac

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