Le décor : Un aéroplane se pose à Hanoï, dans notre ex-Indochine (que je me refuse à appeler « Vietnam »). Le marquis Emmanuel de Morveux d’Enarque et sa duègne apparaissent à la porte de l’appareil. Là, pour une raison qu’on ignore, la marquise – alias « Jean-Brichel » – colle une gifle bien sentie à son galopin d’époux. Sur le tarmac, les spectateurs éclatent de rire… Le soir, dans sa salle-de-bains, seul devant son miroir, le marquis fulmine.
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô la vieille chipie !
Dois-je encore supporter ce tableau défraîchi ?
Cette vieille radasse a osé m’humilier,
Me baffer en public devant tous ces « Niakoués ».
Ils étaient là, nombreux, ces « faces de citron » (1) ;
Ils se sont bien marrés et m’ont pris pour un con.
Pourtant j’ai bien compris que c’est à l’étranger
Qu’il me reste un semblant de popularité.
J’avais déjà prévu de faire repentance,
Critiquer nos armées, encore salir la France.
Leur dire qu’à Diên-Biên-Phu, nous prîmes une raclée,
Et que cette défaite, nous l’avions méritée (2).
Je sais parler aux gens, c’est pour ça qu’on m’admire.
Je le fais sans arrêt et ce, pour ne rien dire.
Et ça me vaut partout l’estime des médias.
Me voilà ridicule, je ne m’en remets pas !
Ô le doux souvenir d’Hollande et sa mousmée !
Celle-là qu’en scooter il aimait cocufier,
Et qu’il a répudiée, avec morgue et dédain,
Comme on congédie une vieille catin.
Je suis gré à ma vieille de m’avoir déniaisé,
Et appris, au théâtre, les belles envolées,
Mais est-ce une raison pour se croire tout permis :
Mais pour qui se prend-elle, cette vieille harpie ?
Je lui fais grand honneur d’encore la trousser.
Ce soir, je vous le dis, elle pourra se brosser.
Tout le monde, à Amiens, au Touquet, à Paris,
Sait que « Mémé Trogneux » me sert d’alibi :
Nous voulons tous les deux sauver les apparences,
Bien que des médisants l’accusent d’être un « trans ».
Et je dois supporter les boniments fielleux
De « Gaulois réfractaires », ce ramassis de gueux ?
Si encore la Trogneux n’était pas si vilaine :
J’enrage de voir Trump et sa belle Slovène.
Moi, le quadragénaire, coqueluche des rombières,
Je traîne une radasse, coiffée comme un cocker.
Et bien trop court vêtu pour son âge avancé :
Espèce de momie de l’époque «Yéyé».
J’ai l’air un peu idiot affublé de ma duègne,
Car ma dulcinée fait déjà « fin de règne » !
Le haut rang que j’occupe et que beaucoup m’envient,
Devrait me préserver de bien des avanies.
Je pourrais être heureux, épanoui, adulé.
Ai-je donc mérité de me faire gifler ?
Je partage ma couche avec un vieux tableau
Qui a beaucoup de mal à grimper aux rideaux.
Et moi, petit génie, épris de romantisme,
Je me tape la vieille avec ses rhumatismes…
Je ne suis pas Don Diègue, qui donc me vengera ?
La vieille, assurément, m’a porté un coup bas !
Je suis jeune après tout, et même freluquet.
Or J’aime les jeunets, pas… les fleurs fanées.
J’ai été humilié par la vieille blondasse
Que le poids des années a rendu bien fadasse.
Je suis bien décidé à lui faire regretter,
D’avoir publiquement osé me souffleter.
Or donc, je n’en puis plus, ça a assez duré,
Cette vieille guenon a osé me gifler.
Il est hors de question de coucher dans son lit.
Certes on va jaser, mais après tout tant pis !
Moi, je suis président et j’ai donc tous les droits,
Et y compris celui de faire n’importe quoi.
Cette vieille toupie, profitant de son âge,
M’a très certainement plombé dans les sondages.
Ne voulant pas partager la couche de « Jean-Brichel », le marquis prend une couverture et s’en va coucher dans la baignoire. Mais il est vrai que – primo – il n’est pas très porté sur les femmes et – secundo – en Picardie un adage populaire dit « Avoir ça dans mon lit, je préférerais coucher dans la baignoire ! ».
Cédric de Valfrancisque
1)- On notera que le marquis tient des propos odieusement racistes quand il est humilié.
2)- Car le marquis sait que nous avons aussi commis des « crimes contre l’humanité » en Indochine.
https://ripostelaique.com/une-mandale-a-hanoi-pour-le-morveux.html