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Immobilisme égale catastrophe

250625

Il peut sembler microscopique, eu égard à la marche tragique du monde, de se focaliser sur l'échec, constaté ce 23 juin d'une aussi misérable manœuvre gouvernementale, telle que le prétendu « conclave » sur les retraites.

Une telle issue, parfaitement prévisible, a seulement beaucoup tardé à se confirmer de façon officielle, car dès les premières réunions les participants avaient commencé à se défausser. Dès le mois de mars, Force ouvrière d'abord, puis la CGT et l'U2P patronale avaient claqué la porte, de sorte que ni la CFDT ni le Medef ne voulaient poursuivre ce qui était devenu une mascarade.

Annoncée le 14 janvier, cette opération visait en fait à gagner du temps. Elle vient donc de se conclure, à l'évidence, par un constat bien clair de désaccord entre les organisations syndicales, pratiquement toutes subventionnaires, patronat compris.

Tout cela repose en fait sur un jeu d'institutions, complètement périmées et factices.

Depuis la mise place du paritarisme, officiellement introduit en 1946, lors de l'adoption du statut de la fonction publique sous le patronage de Maurice Thorez, les centrales bureaucratiques sont supposées avaliser une politique sociale pilotée, en fait, par le ministère des Finances. La réforme de la sécurité sociale mise en place par Juppé entre 1995 et 1997, assise depuis 1996 sur l'invention constitutionnelle des lois de financement, votée en addition au budget de l'État n'a fait que geler cette situation.

La gouvernance des trois branches de la sécurité sociale dépend ainsi essentiellement, depuis un quart de siècle, de la citadelle Bercy. Elle se révèle en tant qu'organisatrice délibérée de la pénurie sanitaire et des déserts médicaux : moins la France comptera de médecins, pensent nos technocrates, moins ils rédigeront d'ordonnances, moins ils prescriront de coûteuses analyses, moins on consommera de médicaments, etc. Les résultats s'en font sentir. Et quand le gouvernement annonce 1,7 milliard d’euros d'économies en 2025 sur les seules dépenses de Santé, il ne donne d'indication ni sur l'efficacité de l'ensemble du budget social, ni sur l'effet de la démographie.

Sur les retraites, le Premier ministre s'était appuyé sur le rapport de la cour des Comptes et sur l'avis du Conseil d'orientation des retraites. Sans surprise, ces deux organismes avaient conclu à l'impossibilité de revenir à 62 ans. Rappelons qu'en mai, le Parlement danois adoptait une loi relevant l’âge légal de départ à la retraite, aujourd’hui fixé à 67 ans, en l'indexant sur l’espérance de vie. Il passera donc à 68 ans d’ici cinq ans, avant d’atteindre 70 ans à partir de 2040... D'autres pays européens aussi divers que l'Italie, les Pays-Bas ou le Portugal suivent le mouvement. « Impossible n'est pas français » pensent certains à Paris depuis Napoléon. Ils croient donc imaginable de revenir aux 60 ans démagogiques et ruineux institués par Mitterrand.

Dans cet esprit, Mediapart accuse ce qu'il appelle « l’intransigeance du patronat ». Et le groupe socialiste de l'Assemblée nationale présidé par Boris Vallaud annonçait, ce 24 juin, le dépôt d'une motion de censure. Celle-ci n'a aucune chance de renverser le gouvernement sans le ralliement du RN qui préfère mettre à profit l'échéance du débat budgétaire à l’automne.

Malgré les postures d'une gauche en quête d'unité factice, la loi votée sous le gouvernement Borne restera donc en vigueur.

Plus généralement, en fait, c'est aussi l'immobilisme qui l'emporte. Ni le libre choix, ni la capitalisation, pas plus que l'allongement de la durée du travail n'avanceront.

Et ceci s'articule sans honte sur le projet visible du Premier ministre : durer « quoi qu'il en coûte », en ne changeant rien de significatif, ce qui lui permettra peut-être, qui sait, de revenir à la proportionnelle et à une nouvelle mouture de la IVe république dont il deviendrait, enfin, le président, porté par le « bloc central ».

Depuis mars 2024, on sait que la Cour des comptes considère officiellement que « la situation des finances publiques est préoccupante, voire au-delà ». C'est dans ces termes que son premier président, à l'occasion de la présentation du rapport annuel a tiré la sonnette d'alarme. Pierre Moscovici, personnage habituellement plutôt consensuel, ne fut guère écouté. L'ancien ministre de l'Économie considérait à l'époque qu'il fallait désormais « faire des efforts considérables ». Ceux-ci étaient chiffrés par nos magistrats financiers à au moins 50 milliards d'euros.

Tout au plus cependant l'inamovible ministre macronien de l'Économie, Bruno Le Maire [qui se fait oublier aujourd'hui] annonçait-il un plan de 10 milliards d'annulation de crédits pour 2024... son ministre délégué au Budget, Thomas Cazenave, parlerait de 20 milliards pour 2025. Tout cela s'est évaporé : la France a toujours besoin de ces 50 milliards.

En 2023, Nous venons de passer une année blanche sur la réduction du déficit », fustigeait Pierre Moscovici alors que « notre trajectoire budgétaire à horizon 2027 n'était déjà pas flamboyante, voilà qu'on l'entame sur un faux départ. » On parlait d'arriver à un déficit égal à 3 % du PIB, taux maximal prévu par les accords fondateurs de l'euro, mais à l'horizon 2029, c'est-à-dire dans un quinquennat futur et incertain.

Depuis lors on imagine une autre stratégie dite de «  l'année blanche » : on bloquerait alors les dépenses, ou la moitié d'entre elles, au niveau nominal de l'année précédente. Dans une telle optique, une « année blanche » c'est une année où on ne décide rien... on compte sur l'inflation et sur une hypothétique croissance de l'économie... pour que, lentement mais sûrement, du moins le croit-on, le taux de déficit rentre dans les clous. Un tel immobilisme conduit à la catastrophe...

Sous l'appellation d'année blanche, ce sont bien des années noires qu'un tel immobilisme nous prépare.

JG Malliarakis

https://www.insolent.fr/2025/06/annee-blanche-annee-noire-1.html

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