Ce rendez-vous du 15 juillet à 16 heures était attendu de longue date. Il était supposé marquer le commencement du début de l'esquisse, sans doute en trompe l’œil, d’un programme, probablement factice, destiné à rassurer les marchés financiers.
Si la doctrine et le discours, du moins la première partie dénonçant le danger du déficit annuel et de la dette qu’il engendre, peuvent être repris presque intégralement on ne peut que regretter le flou et le mou des remèdes envisagés. À très juste titre, l’économiste Jean-Philippe Feldman ironise : « l’Himalaya accouche d’une souris ».(1)⇓
On ne doit certes pas s’étonner de voir la réaction hystérique des démagogues de tout poil. La CGT martèle sa doctrine habituelle, jugeant « le gouvernement aux ordres du capital »(2)⇓
Sa secrétaire générale, la camarade Sophie Binet retrouve ses accents d’ancienne collaboratrice de L’Huma pour fustiger le Premier ministre et pour dénoncer ce qu’elle qualifie de « reculs inacceptables ». Interrogée sur France Info, dès le 15 juillet elle annonçait la mobilisation de sa bureaucratie syndicale pour la rentrée. « Son plan, affirme-t-elle, c'est en avant la récession ». (3)⇓ Cette petite rengaine, ridiculement pseudo-keynésienne, a déjà commencé son apparition sous la plume des survivants du rocardisme et autres nostalgiques de la relance par la consommation populaire. Rien de bien nouveau par conséquent.
Plus originale, la proposition de supprimer deux jours de congés ne fait pas hurler seulement la gauche mais aussi quelques bons esprits, défenseurs d’un roman national contrefait, pour lesquels la date du 8 mai appartiendrait à l’identité française.
Louanges médiatiques
Et quand le chef du gouvernement s’érige en gestionnaire insolite de l’assurance maladie, on rentre dans la sphère des poncifs les plus éculés. Or, on assiste sur ce terrain à un concert de félicitations conformistes. Comme si véritablement nous nous trouvions en présence d’un programme de rectification de la dépense publique à la mesure de la situation décrite dans la première partie du discours, intitulée Stop à la dette.
Ainsi, Le Figaro évoque en première page « un traitement de choc », en soulignant le courage du prescripteur. Le Parisien va dans le même sens, tout en parlant de « jamais vu sous la Ve République ». L’Opinion évalue que « Bayrou fait le pari de la rigueur ». Libération parle également de « rigueur budgétaire », et va jusqu’à juger que « le Premier ministre n’a pas fait dans la dentelle ».
Seul ou presque, Valeurs actuelles constate avec humour : « François Bayrou a sorti le taille-haie, pas la tronçonneuse ». Nous sommes évidemment bien loin de l’Argentine de Javier Milei et de son « afuerisme », salutaire après 70 ans de dépenses délibérément démagogiques.
Sans surprise, L’Humanité, au contraire, reprend l’antienne de la CGT. Pour le quotidien communiste « les services publics et la Sécurité sociale ressortent taillés en pièces » et cette « cure d’austérité (…) épargne les plus riches et les grandes entreprises ».
S’il faut répondre à cette double désinformation spontanément orchestrée des deux côtés du champ politicien, on s’appuiera sur le calcul effectué, dans la nuit du 14 au 15, par Charles de Courson. Interrogé par Europe N°1, rapporteur général du budget à l'Assemblée Nationale et député indépendant de la Marne, il souligne notamment un point essentiel : « Depuis 8 ans avec Macron, la situation n'a cessé de se dégrader ». Difficile de croire par conséquent que le pays s’en sortira sans une rupture avec les pratiques et le personnel de la Macronie. Et, détaillant, les 44 milliards du prétendu plan d’économies, il démontre que 14 milliards au moins correspondent à des augmentations d’impôts, ceci dans le contexte du pays le plus fiscalisé d’Europe.(4)⇓
Le tourbillon des chiffrages mérite dès lors d’être revisité.
Depuis ce printemps, le Premier ministre et son gouvernement évoquaient en effet, tel un mantra, la nécessité de réaliser 40 milliards, pas un de plus pas un de moins, d’économies dans le cadre du futur budget 2026. Et puis est intervenue l’annonce, lors du discours d’Emmanuel Macron le 13 juillet, précédé d’une intervention exceptionnelle du chef d’État-major des armées le 11, d’un surcroît de dépenses militaires. Celles-ci, soulignons-le, ont été annoncées par un président de la république, auquel pourtant la constitution n‘attribue nullement ce pouvoir : on a donc intégré, le 15 juillet, 3,5 milliards d’euros supplémentaires pour 2026, puis 3 milliards de plus pour 2027. S’ils ont fait des petits, on ne sait pas cependant, par quelle mystérieuse arithmétique, 40 milliards, présentés comme ardemment nécessaires depuis 3 mois, n’étant plus suffisant, après addition de 3,5 + 3, deviennent 44 milliards. C’est de ce montant dont on parle désormais.
Il y a 5 ans, le chef de l’État prétendait faire la guerre au virus du Covid, « quoi qu’il en coûte ». Contre Poutine, il se montre plus précis dans ses annonces : « Une actualisation de la loi de programmation militaire » pour 2024-2030, déclare-t-il, « sera présentée à l’automne ». Au total, en effet, le budget de la défense aurait doublé en 10 ans de règne du clown de l’Élysée, passant de 32 milliards d’euros en 2017 à près de 64 milliards en 2027.
Qu’on se rassure tout de même. Au 13 avril, le ministre de l’économie Éric Lombard affirmait pour l’objectif du gouvernement de ramener le déficit des comptes publics à 4,6 % du produit intérieur brut, pourcentage sorti d’un chapeau mais que, depuis on répète comme s’il s’agissait d’un exploit. Rappelons cependant qu’en 1991 lorsque l’union monétaire fut scellée à Maastricht, puis en 1997 lorsque fut convenu à Amsterdam un Pacte de stabilité et de croissance, il fut posé en principe, et par la suite réaffirmé, un plafond de dette à hauteur de 60 % du PIB et maximum de déficit public à 3 % du PIB. Tout cela est demeuré entièrement théorique. Or, cet effort de rigueur correspondait à la contrepartie dont les partenaires de l’Allemagne devraient s’acquitter pour bénéficier d’une monnaie équivalente au deutschemark, la réforme monétaire conduite par Ludwig Erhard en 1948 étant considérée à juste titre comme fondatrice du renouveau industriel outre-Rhin. Mais, en plus de 30 ans, l’État central parisien, quant à lui, n’a tenu aucun de ses engagements européens. Et aujourd’hui de réforme du pacte en clauses dérogatoires temporaires, Paris est parvenu en 2025 à une situation pire que celles de l’Italie et de la Grèce. Ce dernier pays, toujours héritier du plus fort taux d’endettement de la zone euro, dégage cependant désormais ce que l’on appelle des excédents primaires, à hauteur de + 1,3 % de son PIB, là où la France au contraire se fixe cet objectif de - 4,6% qui sera donc le pire parmi les pays de l’union monétaire. À supposer même que le programme de redressement annoncé soit voté et appliqué, le taux d’endettement de la France passerait quand même entre 2025 et 2029, de 114 % à 117 %. Quant à l’Italie sous la conduite de son gouvernement dit de centre-droit, dirigé par Giorgia Meloni, elle est parvenue à diminuer son taux annuel de déficit de 3,8 points et s’oriente vers des perspectives incomparablement meilleures que celles plombées par la Macronie.(5)⇓
Les technocrates esquivent leurs responsabilités en matière de déficit.
Privés de toute véritable base populaire, la technostructure, qui tient lieu en France « d’élite » dirigeante s’attache de façon presque caricaturale à préserver ses réseaux. Ainsi a-t-on appris le 16 juillet la nomination à la cour des comptes de Najat Vallaud-Belkacem, promotion que le RN, en accord sur ce point avec les insinuations du Canard enchaîné, juge « scandaleuse »(6)⇓ .
L’intéressée n’est pas seulement une ancienne ministre socialiste, épouse du président du groupe PS de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui présidente de France Terre d’Asile elle théorise le statu quo en matière d’immigration. Elle déclare en effet que « la question migratoire est omniprésente dans le débat public » mais, allant au rebours de la démocratie, et même de la constitution, ce n’est pas la volonté du peuple français qui doit primer mais les desiderata de la technostructure. Le 10 juillet, soit moins d’une semaine avant la parution du décret la nommant à la cour des Comptes, elle intervenait dans ce sens sur France Inter.<(7)⇓
On ne manquera pas en effet de s’interroger sur le tabou des politiques migratoires, question totalement absente du plan annoncé de redressement des finances publiques.
La réduction des dépenses passera par des décisions politiques
En déplacement à Lognes le 16 juillet, Bruno Retailleau réclame par exemple la réforme de l’Aide Médicale d’État. Il ne s'agit donc pas d'un simple point de détail dans la liste des dépenses à diminuer. On se trouve en présence d’une prestation non-contributive, par excellence si l’on ose dire, puisqu’elle bénéficie à des étrangers qui n’ont jamais cotisé et dont les pays n’offrent aucune contrepartie à nos compatriotes. La liste est longue de ces allocations ruineuses.
Tant que certaines réformes structurelles n’auront pas été décidées, en effet, aucun plan de redressement financier n’aboutira. Or, il est clair que nous sommes englués dans une double impasse, à la fois politique et budgétaire.
À l’époque, oubliée et honnie, de la quatrième république, on appelait impasse budgétaire le déficit prévisionnel récurrent, des finances publiques. Pour combler l’écart entre recettes et dépenses, le recours aux financements extérieurs, c’est-à-dire dans la pratique aux Etats-Unis d’Amérique, était considéré comme le signe de la dépendance humiliante du pays. Le premier acte du général De Gaulle lorsqu’il revint au pouvoir en 1958 fut d’appeler au ministère des Finances Antoine Pinay, conseillé par l’économiste Jacques Rueff, en même temps que Jacques Soustelle entrait au gouvernement.(8)⇓
La dégradation de la situation depuis 50 ans aura banalisé le retour aux pratiques d’antan. Le casse-tête financier et politique n’est plus appelé officiellement « impasse ». Il y ressemble pourtant étrangement. Plus grave encore : à l'époque, nous empruntions à Washington supposé protecteur, quoiqu’allié intermittent et incertain dans les conflits d’outremer ; or, aujourd'hui l'État a recours à des prêteurs internationaux beaucoup moins clairement intentionnés, comme le Qatar ou la Chine.
Macron prétendait le 13 juillet sonner l’alarme sur l’aggravation des menaces qui pèsent sur la France et il appelait, pour y répondre, à hausser le budget des armées « pour rester libres » face à une invasion hypothétique. Que ne se préoccupe-t-il pas de l’invasion effective à laquelle concourt la classe politique et médiatique parisienne ?
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. Bulletin de l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales en date du 16 juillet 2025
[2] cf. Communiqué CGT du 16 juillet dénonçant « Austérité, mensonges, contrevérités. »
[3] cf. article de Xavier Martinage dans Capital
[4] cf. son entretien avec Jacques Serais, 15 mn à réécouter intégralement
[5] Rappelons à ce sujet qu’Emmanuel Macron fut une invention de François Hollande. Sous Sarkozy il était en 2007 rapporteur adjoint de la fameuse commission Attali. Ayant participé à la campagne présidentielle de 2012 dans les rangs socialistes, il fut nommé par Hollande secrétaire général adjoint de son cabinet avant d’être nommé, par le même personnage, ministre de l’Économie en 2014.
[6] cf. réaction officielle de Jean-Philippe Tanguy qui menace : « nous attaquerons devant le Conseil d’État dans les prochains jours »
[7] À propos de son livre Réfugiés : ce qu’on ne nous dit pas édité chez Stock.
[8] Hélas ils le quitteront en 1960.
https://www.insolent.fr/2025/07/mpasse-budgetaire-impasse-politique.html