Par François Marcilhac
« Cet atterrant tableau appelle un constat : loin d’un esprit de concorde, le retour forcé du parlementarisme en France depuis juillet 2024, a en réalité débouché sur ce que le général de Gaulle nommait le ‘régime des partis’. Le règne de personnages falots, de leurs combinaisons mesquines, de leurs querelles surjouées, de leur dédain pour l’intérêt général. ‘Un régime de médiocrité, un régime d’impuissance où le désastre se dessinait à l’horizon sans qu’on fît en réalité rien pour l’empêcher’ », tonnait De Gaulle face au journaliste Michel Droit en 1965.
Un régime des partis voué aux gémonies
Que l’éditorialiste du Bien commun, mensuel de l’Action française, puisse reprendre, mot pour mot, les propos de l’éditorialiste de Marianne, en l’occurrence Hadrien Mathoux, dans son « point de vue » du 9 octobre, en dit long non seulement sur l’intensité de la crise politique que nous vivons, mais plus encore sur le fait que celle-ci ouvre les yeux des politistes les plus lucides. Car nous assistons, depuis plusieurs semaines, à une inflation d’analyses d’experts plus ou moins avérés ou autoproclamés en droit constitutionnel qui, tels des médecins de Molière, proposent tout et le contraire de tout, comme si leur objectif était de tuer le malade, en l’occurrence les institutions de la Ve République. Entre « gouvernement technique » et dissolution, démission, voire destitution du chef de l’État et acquisition d’une culture du compromis ou de la coalition censée être la panacée, recours à la démocratie directe ou à ses ersatz que sont les conventions citoyennes, chacun y va de sa médication institutionnelle, cherchant sans y parvenir à décrypter le message subliminal que les Français auraient envoyé aux politiques en votant pour une chambre ingouvernable en juillet 2024. Certes, la critique de la monarchie républicaine, ou de ce qu’il en reste, emporte toujours le plus grand nombre de suffrages, des commentateurs paresseux ou sans imagination confondant la légitime détestation par les Français d’un président failli, indifférent à son pays et qui méprise ses concitoyens, avec la figure tutélaire et arbitrale du Roi. Non, ce n’est pas la supposée monarchie républicaine instaurée par De Gaulle que les Français détestent en Macron, mais bien le monocrate de pacotille. Sinon, pourquoi voueraient-ils en même temps aux gémonies les partis au moment même où ils ont retrouvé une certaine puissance ? Parce qu’ils ont cogéré la faillite de la France depuis des décennies et que, livrés à eux-mêmes, ils présentent sans plus aucun fard aux Français le visage qu’ils avaient sous la IIIe et la IVe et qu’ils ont fait semblant de leur dissimuler tout le temps que le « phénomène majoritaire » semblait assurer la stabilité des institutions, alors qu’il n’assurait surtout, depuis 1965, oui, depuis 1965 et le ballottage à la première présidentielle au suffrage universel depuis 1848, l’hégémonie de l’équipe gagnante.
Un personnel politique médiocre et hors sol
Hadrien Mathoux vise juste : à ses yeux, pas de message subliminal des Français en juillet 2024. Ils n’ont pas « choisi » cette assemblée en trois blocs, qui n’est que le résultat arithmétique d’une manipulation politicienne (le fameux Front républicain) : d’où en effet, ce « retour forcé du parlementarisme » débouchant sur le « régime des partis », avec une philippique méritée contre la médiocrité d’un personnel politique que la Ve République n’a pas su hisser à la hauteur de l’histoire. Comment l’aurait-elle pu quand cette stabilité s’est bientôt traduite, dès 1974, peut-être avant, par un consensus idéologique d’une France dépassée par le monde en marche — le fameux « 1% de la population mondiale » de Giscard —, et qui , « trop petite », était appelée à se fondre progressivement, à se dissoudre plutôt, dans l’Europe, une économie de plus en plus « globalisée », un euromark destructeur de notre propre économie, et une alliance atlantique dont Sarkozy, trois fois traître, lui fit réintégrer… le commandement intégré, entre la forfaiture de Lisbonne et celle du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui soumet nos budgets au diktat de Bruxelles. Parallèlement, le pays légal abandonna, avec la complicité de nos hautes juridictions, se soumettant d’elles-mêmes à Luxembourg ou à Strasbourg, toute politique indépendante notamment en matière d’immigration. Et ce n’est certes pas la reconduction de Lecornu au poste de Premier ministre qui changera la donne alors qu’elle illustre de façon presque grotesque la déconfiture du régime.
L’absence d’« homme providentiel » : une chance
Ce n’est pas tant Macron que la Ve République qui est nu : un changement de président ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois. La situation de la France, tant intérieure qu’extérieure, exige une médication plus radicale que l’élection d’un chef de l’État même patriote ou se revendiquant tel car les institutions sont devenues elles-mêmes le principal obstacle aux réformes, la Ve République ayant accepté sa soumission à un cadre supranational qui lui interdit toute politique de rupture véritable. La IVe république fut accusée de faiblesse : la Ve finissante lui est désormais comparée. Et comparable. Quel ressort aurait-elle encore en elle alors que pour répondre aux graves défis qui se posent à la France dans tant de domaines (dette abyssale, sécurité, immigration, cohésion sociale) elle n’a à proposer à un peuple qui les méprise chaque jour davantage que des acteurs politiques hors sol, coupés du pays réel, et qui ne croient plus dans les ressorts de leur propre pays ? Comment un régime qui entretient, non pas « l’esprit de concorde », mais la division entre les Français parce qu’il vit de cette division, pourrait-il provoquer le sursaut national nécessaire ?
La Ve a atteint la longévité de la IIIe : vu comment s’est terminée sa grande sœur, il n’est pas certain que cela invite à la confiance. Si aucun ennemi extérieur, en dépit des efforts de Macron, ne représente une menace existentielle, en revanche, c’est la désagrégation intérieure, celle du tissu social que nous devons craindre par-dessus tout. Les commentateurs regrettent que, contrairement à 1958, on n’ait pas « un » De Gaulle comme sauveur possible. Qui, après Macron, pour résoudre la crise ? Il n’y aurait personne. Et si c’était justement l’absence d’« homme providentiel » qui était une chance ? Celle de n’avoir aucun personnage-écran entre les Français et le salut de la France. Plus de monarque de rencontre ! Car le Roi est précisément tout le contraire de l’« homme providentiel » La nécessité n’en devient que plus flagrante de recourir directement à l’arbitre-né, par nature juge de paix des Français, dont la légitimité, source de son autorité, est d’incarner l’histoire millénaire de la France et de vouloir la poursuivre, de ne représenter aucun parti mais de les soumettre tous à la loi du Bien commun de la nation.
En finir avec la république
Hadrien Mathoux ne conclut pas : son diagnostic lucide ne conduit à aucun remède. Comment en serait-il autrement puisqu’il ne sort pas du cadre républicain, critique l’essence du régime des partis mais sans proposer autre chose que le régime des partis. Cela s’appelle tourner en rond. Il s’agit de sortir enfin de ce cercle de la déraison. Mille ans d’histoire nous donnent la solution. Un Prince français, de naissance et de cœur, vivant au milieu de nous, à l’écoute des révoltes légitimes du pays réel, fidèle à sa mission, est prêt à servir le pays, comme ses ancêtres l’ont toujours fait, puisque ce pays est leur œuvre et qu’il est la seule raison d’être de la famille de France. Certes, jamais depuis près de soixante-dix ans le divorce n’aura été aussi prononcé entre le pays légal et le pays réel. Mais la République semble toujours agir sur les Français comme un enchantement, ou plutôt comme un philtre incapacitant. Quand sortiront-ils de cette torpeur républicaine, qui fait d’eux comme un peuple schizophrène ? Alors que la Famille de France a fait des Français la plus vieille nation d’Europe, une nation millénaire, ce réflexe conditionné républicain les rend étrangers à la plus grande partie de leur histoire, pour les livrer à un régime qui n’a cessé, depuis plus de deux siècles, de les diviser et de les affaiblir, précipitant à plusieurs reprises le pays dans l’abîme. Finira-t-il par le dissoudre ? Quand comprendront-ils qu’aucune médication ne sera efficace dans la durée si on ne change pas la nature du terrain institutionnel ? À nous, dans ces moments difficiles pour le pays, où la République montre son incapacité à résoudre les problèmes du pays, de montrer que c’est elle le problème et que la solution réside non pas dans une énième modification de la Constitution, voire dans une énième constitution, une VIe république, mais dans un changement de régime. Car la France n’a plus le temps de ces replâtrages qui ne tiennent pas. La République est condamnée : c’est avec elle qu’il faut en finir, avec son « régime des partis », ses « combinaisons mesquines », ses « querelles surjouées », son « dédain pour l’intérêt général ». Un Prince français est là, Jean d’Orléans, comte de Paris qui, récemment encore, appelait à « renouer le pacte millénaire entre la famille royale et les Français ». Assurons le retour du Roi pour que la France puisse panser ses plaies et renouer avec l’avenir.
https://www.actionfrancaise.net/2025/10/12/le-roi-condition-dun-nouveau-pacte-national/