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Repentance à sens unique ? Et si Alger payait pour ses esclaves blancs !

C'est la petite musique habituelle, celle qui ne s'arrête jamais. La « rente mémorielle », comme l'appellent certains, bat son plein. Alger exige, encore et toujours, des excuses, des réparations, une génuflexion perpétuelle de la France pour les 130 années de présence sur l'autre rive de la Méditerranée.

Mais dans ce grand bal de l'auto-flagellation nationale, une tribune courageuse publiée récemment dans Le Figaro Histoire par l'universitaire Marie-Claude Mosimann-Barbier vient mettre un grand coup de pied dans la fourmilière de la bien-pensance. Et si, pour une fois, on regardait l'Histoire avec les deux yeux ouverts ? Et si c'était à Alger de nous verser des réparations pour les siècles de razzias et d'esclavage subis par nos ancêtres ?

Le mythe de l'innocence brisé

Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire la réalité historique que nos manuels scolaires s'évertuent à gommer. On nous vend une Algérie victime éternelle. Or, comme le rappelle Mme Mosimann-Barbier, avant 1830, la région n'était pas une nation, mais une province sous férule étrangère constante : romaine, arabe, puis ottomane dès 1526.

Mais le plus tabou, c'est l'économie même de cette Régence d'Alger : la piraterie et la traite des êtres humains.

Pour la plupart de nos contemporains, formatés par la repentance d'État, l'esclavage est exclusivement transatlantique et le fait de méchants Européens. C'est un mensonge par omission colossal. La tribune nous rappelle une vérité cinglante : la traite a commencé bien avant, en Afrique, sous l'impulsion des conquêtes arabes. Dès le VIIe siècle, le général Abdallah ben Sayd imposait déjà le bakht aux chrétiens de Nubie : un tribut humain de 360 esclaves par an !

Un million d'Européens aux fers : des chiffres qui dérangent

En creusant un peu le sujet, les chiffres donnent le vertige. Des historiens sérieux, comme Robert C. Davis de l'Université d'État de l'Ohio, estiment qu'entre le XVIe et le XIXe siècle, plus d'un million d'Européens ont été réduits en esclavage sur la côte des Barbaresques (Tunis, Tripoli, et surtout Alger).

Qui étaient-ils ? Des marins, certes, mais aussi des paysans, des femmes et des enfants, enlevés lors de razzias sur les côtes de Provence, de Corse, d'Italie, et même jusqu'en Bretagne ou en Islande !

Prenons quelques exemples concrets qui glacent le sang :

1631 : le sac de Baltimore, en Irlande. Des corsaires algérois débarquent de nuit et enlèvent 107 habitants, hommes, femmes, enfants. Le village est déserté pour des décennies. Ces Irlandais catholiques finiront leurs jours enchaînés à Alger, jamais rachetés.

1544 : l'île d'Ischia, au large de Naples. Le pirate Barberousse (Khayr ad-Din), amiral de la flotte ottomane et basé à Alger, razzie l'île entière : 4 000 personnes sont emmenées en esclavage. Les femmes jeunes finissent dans les harems, les hommes aux galères.

1798 : les côtes de Sardaigne et de Sicile sont encore régulièrement dévastées. Les tours de guet qui parsèment aujourd'hui le littoral méditerranéen ne sont pas décoratives : elles ont été construites pour prévenir les raids barbaresques qui terrorisaient les populations pendant trois siècles.

À Alger, ces "chiens de chrétiens" étaient vendus sur les marchés aux esclaves (le bedesten), traînés dans les rues sous les huées, enchaînés dans des bagnes insalubres, forcés de ramer sur les galères jusqu'à la mort ou de construire les palais des Deys.

« Alger, qui ne cesse de demander réparation [...], semble avoir oublié son active participation à la traite et à l'esclavage. »

C'est là que l'hypocrisie atteint son comble. Alger a bâti sa puissance d'alors sur le vol des cargaisons et la rançon des hommes. En France, des ordres religieux entiers (les Trinitaires, les Mercédaires) passaient leur temps à quêter dans nos villages pour réunir l'argent nécessaire au rachat des captifs. Combien de familles françaises ruinées pour sauver un fils ou un père des griffes du Dey d'Alger ?

Les témoins gênants qu'on préfère oublier

L'image est symbolique : Miguel de Cervantès, l'auteur de Don Quichotte, capturé en 1575 après la bataille de Lépante, présenté enchaîné à Hassan Pacha, le roi d'Alger. Lui-même a passé cinq longues années de captivité à Alger. S'il a survécu pour raconter, combien d'anonymes ont péri sous le fouet ?

Mais il n'est pas le seul. Vincent de Paul, le futur saint patron des œuvres de charité, fut lui aussi capturé en 1605 et vendu comme esclave à Tunis avant d'être transféré vers Alger. Deux ans d'enfer avant qu'il ne parvienne à s'évader.

Emanuel d'Aranda, un Flamand capturé en 1640, a laissé un récit glaçant de ses années d'esclavage à Alger. Il décrit les marchés, les tortures, les conversions forcées, le désespoir absolu de ces milliers de chrétiens oubliés d'Europe.

Et que dire du Père Dan, rédempteur trinitaire, qui négocia le rachat de centaines d'esclaves et qui écrivit en 1637 son Histoire de Barbarie et de ses corsaires ? Un témoignage accablant sur l'ampleur du système esclavagiste algérois.

Ces voix, aujourd'hui étouffées par le politiquement correct, méritent d'être entendues. Elles rappellent une réalité brutale : pendant que l'Europe commençait timidement à abolir la traite atlantique, Alger continuait tranquillement son commerce d'esclaves blancs.

1830 : la France libératrice, version censurée

La colonisation française de 1830 ne s'est pas faite par hasard ou par pure avidité territoriale. À l'origine, l'expédition visait à détruire ce nid de pirates qui terrorisait la Méditerranée depuis trois siècles et à mettre fin à cet esclavage blanc que l'Europe ne supportait plus.

Rappelons les faits : en 1816, une escadre anglo-néerlandaise bombarde Alger pour obtenir la libération des esclaves chrétiens. Le Dey promet, puis recommence. En 1830, la France intervient militairement. C'est la France qui a mis fin à la traite à Alger, pas l'inverse !

Quand les troupes françaises entrent dans la ville, elles libèrent les derniers esclaves chrétiens des bagnes. Ce détail historique, pourtant majeur, est soigneusement évacué des récits officiels. Il ne cadre pas avec le narratif imposé.

L'heure des comptes a sonné : la réciprocité ou rien !

Alors, soyons clairs. Si l'on doit ouvrir les livres de comptes de l'Histoire, ouvrons-les en grand. Pas de repentance à sens unique. Pas de mémoire sélective.

Ce que la France a apporté (qu'on le veuille ou non)

Pendant 130 ans de présence française, l'Algérie a connu :

  • La fin de l'esclavage et de la piraterie
  • La construction de milliers de kilomètres de routes, de voies ferrées
  • L'édification d'hôpitaux, d'écoles, d'universités (l'Université d'Alger date de 1879)
  • L'assèchement des marais, l'irrigation, la mise en valeur de terres arides
  • La vaccination de masse, l'éradication d'épidémies séculaires
  • Une population multipliée par cinq entre 1830 et 1960

Oui, la colonisation a comporté des injustices, des violences, des erreurs tragiques. Personne ne le nie. Mais réduire 130 ans d'histoire à un crime contre l'humanité relève de la falsification pure et simple.

Ce que l'Algérie doit reconnaître (et payer ?)

Si la France doit payer des réparations, alors l'Algérie, héritière de la Régence barbaresque, doit payer pour :

1. Les milliers de Français et d'Européens razziés et réduits en servitude pendant trois siècles. Chaque famille concernée mérite reconnaissance et compensation.

2. Les sommes astronomiques versées en rançons par la France, l'Espagne, l'Italie pendant des siècles. Qu'on en fasse le calcul actualisé, avec intérêts composés. Le résultat sera vertigineux.

3. Le traumatisme séculaire des populations côtières méditerranéennes, contraintes de vivre dans la terreur permanente des razzias. Combien de villages vidés, de vies brisées, de destins anéantis ?

4. La piraterie systématique qui a ruiné le commerce méditerranéen pendant des siècles, appauvrissant des régions entières.

5. Les conversions forcées à l'islam, les humiliations publiques, les tortures infligées aux captifs chrétiens qui refusaient d'abjurer leur foi.

Comme l'écrit si justement l'universitaire Marie-Claude Mosimann-Barbier, la région a "oublié son active participation". Il est temps de lui rafraîchir la mémoire.

Le piège de la repentance unilatérale

La machine à repentance tourne à plein régime. Emmanuel Macron multiplie les déclarations sur les "crimes" français en Algérie. Mais où est la réciprocité ? Où sont les excuses d'Alger pour les siècles d'esclavage infligés aux Européens ?

Cette asymétrie est insupportable et dangereuse. Elle installe dans l'esprit public une vision manichéenne : l'Occident coupable, le reste du monde innocent. C'est historiquement faux et moralement inacceptable.

La vraie réconciliation ne peut se construire que sur la vérité complète, pas sur le mensonge ou l'oubli sélectif.

Si Alger veut sincèrement tourner la page, qu'Alger commence par reconnaître ses propres crimes. Qu'on érige des monuments aux esclaves blancs. Qu'on enseigne dans les écoles algériennes l'histoire complète de la Régence. Qu'on présente des excuses officielles aux descendants des victimes.

Pas de repentance sans réciprocité. C'est la seule voie vers une vraie paix mémorielle.

Conclusion : pour une histoire décolonisée... des deux côtés

Le débat mémoriel franco-algérien est verrouillé par une idéologie qui refuse d'admettre que l'histoire est complexe, que les victimes d'hier furent parfois les bourreaux d'avant-hier, et que la repentance à géométrie variable n'est qu'une nouvelle forme de domination intellectuelle.

Les Français n'ont pas à ramper éternellement devant un pays qui refuse d'assumer son propre passé esclavagiste. L'histoire de la Méditerranée est une histoire de conflits, de dominations croisées, d'atrocités réciproques. Assumons-la entièrement, ou taisons-nous définitivement.

Mais surtout, cessons cette hypocrisie insupportable qui fait de la France le seul coupable d'une histoire millénaire où les rôles de victimes et de bourreaux se sont constamment inversés.

Ilustration : Esclaves chrétiens, Maîtres musulmans : L'esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800) Poche – 7 septembre 2007
de Robert C. Davis (Auteur), Manuel Tricoteaux (Traduction)

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/repentance-a-sens-unique-et-si-265252

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