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[UNE PROF EN FRANCE] Heureusement, il y a Stéphane Bern et Lorànt Deutsch…

© Capture écran France 3
© Capture écran France 3
J'ai dîné, récemment, avec la gérante d'un escape game. Elle a créé un jeu intelligent, exigeant et à haute teneur culturelle. Et ce qu'elle m’a raconté m’a à la fois surprise et déprimée, ou plutôt confortée dans mon pessimisme.

Son jeu est construit autour d'énigmes qui requièrent un bon sens de l’observation et du détail, de la rigueur et de la logique, mais aussi une certaine culture classique. Or, il apparait que quasiment aucun des adultes ayant participé au jeu - et ils commencent à être nombreux - n’avait les connaissances de base en mythologie gréco-romaine et en culture biblique qui formaient, jusqu'à une époque, récente le socle de ce que l’on appelait la culture générale.

Presque aucun ne sait que Saturne est un dieu et que les planètes du système solaire portent toutes le nom d'un dieu romain. Que les adolescents ne le sachent pas, c'est dommage mais malheureusement pas surprenant, mais que des gens de 40 ou 50 ans ne le sachent pas est plus inquiétant.

On leur demande d'identifier un dieu associé à un aigle, et des gravures anciennes les y aident, représentant un dieu couronné porté dans les cieux par un aigle majestueux. Il a fallu qu'elle ajoute un indice, car presque plus personne n’identifiait Jupiter. Les plus cultivés proposaient Zeus mais ne savaient pas quel dieu romain, et donc quelle planète, pouvait lui correspondre.

Cela signifie que lorsque les journalistes politiques ironisent sur le comportement d’Emmanuel Macron et l’appellent Jupiter, un grande partie du pays réel ne comprend pas l’allusion, même parmi les plus de 35 ans…

Sur un mur, une reproduction du tableau de Jean-Dominique Ingres, Œdipe, explique l’énigme du Sphinx. Personne ne semble savoir de quoi il s’agit. Je pense qu'on serait surpris si on demandait aux gens d'écrire ce qu'ils entendent : quand quelqu’un parle du « complexe d’Œdipe », ils doivent penser qu'on leur parle du complexe de Dipe, ou des Dipes, peut-être une ville du Nord ou un peuple d’Amazonie ?...

Après un siècle absolu de déchristianisation, presque aucun adulte n’est capable d’identifier…la Vierge Marie portant Jésus dans ses bras sur un tableau de Parmigianino. Le titre est pourtant La Vision de Saint Jérôme. Le fait qu’il y ait une femme en rouge et bleu, portant une auréole, nimbée de rayons, avec un enfant, au-dessus d’un homme identifié comme SAINT Jérôme ne les met pas sur la voie. Mon amie me dit que les joueurs ont comme indice une lettre qui leur parle de « Jérôme, Jean-Baptiste et Marie », et le tableau représente Jean-Baptiste montrant du doigt Marie en gloire, à côté du vieux Jérôme endormi… Mon amie s’amuse de voir des groupes entiers passer dix minutes à chercher partout Jean-Baptiste et Marie, qu'ils n’identifient pas sur le tableau… Elle, cela la divertit. Mais moi, cela me déprime. Vous pensez peut-être que ces joueurs appartiennent à des milieux très populaires et ont des métiers dans lesquels la culture est peu valorisée ? Que nenni… Ils sont médecins, chefs d’entreprise, enseignants, commerçants…

Cela me rappelle de façon violente la rupture de transmission qui a eu lieu dans les années 80, avec l’abandon de la culture classique et de la notion même de culture générale, c'est-à-dire l'abandon conscient et assumé de la notion de référence commune. Le renoncement à la culture commune, c’est le renoncement à l’idée même de communauté.

Heureusement, il y a Stéphane Bern et Lorànt Deutsch…

Virginie Fontcalel

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