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[ÉDITO] Mercosur : pour Macron, « les choses vont dans le bon sens ». C’est-à-dire ?

Capture d'écran YT Présidence de la République
Capture d'écran YT Présidence de la République
Emmanuel Macron n’a plus beaucoup de pouvoir, mais il lui en reste un dont il compte, apparemment, user jusqu’au bout : son pouvoir de nuisance. Au bout de quoi, d’ailleurs ? Là est toute la question… À 16 % d’opinions favorables, il y a peut-être quelques questions à se poser, même si les sondages ne font pas la loi. Mais il est vrai que le pouvoir ne servirait à rien si l’on ne pouvait en abuser ! On pourrait évoquer sa déclaration de la semaine dernière, alors qu’il était en visite officielle en Slovénie, sur la suspension de la réforme des retraites : un « décalage », pas une « suspension », a-t-il affirmé... Histoire de bien semer un peu plus la confusion dans le bazar actuel et de compliquer la tâche de son malheureux Premier ministre qui n’a pas besoin de ça, il faut bien l’avouer. Et comme si une visite officielle à l’étranger était le lieu et le moment ! Mais on commence à avoir l’habitude, avec le personnage.

Pouvoir de nuisance, disions-nous. Mais aussi constat d’impuissance, pourrions-nous ajouter. Et c’est peut-être là le plus inquiétant ; pas pour lui; mais pour la France. À ce sujet, il faut évoquer l’une de ses déclarations qui était, jusque-là, passée relativement sous les radars. Elle concerne l’accord avec le Mercosur qui semble prendre le bon chemin pour être signé le 19 décembre prochain. Cela remonte au 23 octobre dernier, à l’occasion du Conseil européen à Bruxelles, c’est-à-dire la réunion des 27 chefs d’État et de gouvernement auxquels il faut ajouter, évidemment, la présidente de la Commission. Qu’a donc déclaré Emmanuel Macron ?

 

 

Macron « attend ». Comme un administré au guichet...

« Sur la question du Mercosur, la position est claire, le travail continue, en vue – et on l’a toujours dit – de finaliser… » Ainsi, le président de la République française attend la « finalisation » des mesures promises par la Commission. Il attend. Comme un administré attend au guichet d’une quelconque administration qu’elle veuille bien examiner son dossier avec toute l'attention qu'il mérite. Et l’hôte élyséen d’ajouter : « Aujourd’hui, le gouvernement français, comme les autres d’ailleurs, attend ces réponses. Mais tout ça va dans le bon sens pour protéger les secteurs qui sont les plus exposés et aussi protéger les consommateurs européens. » Dans le bon sens : c’est-à-dire ? Ce sont les fameuses clauses qu’on qualifie de « miroir », comme celui des alouettes. Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, à qui nous avons demandé si elle n’avait pas le sentiment que Bruxelles voulait passer en force sur dossier, nous répond spontanément : « C’est évident ! » Ajoutant que la politique européenne pour nos agriculteurs français dans les années qui viennent peut se résumer ainsi : « Contribuer plus pour recevoir moins... »

Mais au fait, revenons à la déclaration de Macron : « Aujourd’hui, le gouvernement français… » Le gouvernement français ? Il est où, dans le dispositif ? Il nous semblait que le chef du gouvernement s’appelait Sébastien Lecornu, que le ministre de l’Agriculture avait pour nom Annie Genevard et le porte-parole de ce même gouvernement Maud Bregeon. Encore une preuve que ce gouvernement ne détermine ni ne conduit la politique de la nation, comme le prévoit la Constitution, et qu’à l’international comme dans les instances européennes, Emmanuel Macron fait comme il lui plaît.

Donc, « tout ça va dans le bon sens… », nous dit-il

C'est-à-dire ? Ce 28 octobre, une quarantaine d’associations, ONG et syndicats essentiellement de gauche, n'a pas l'air convaincue, puisqu'elle vient d’adresser au chef de l’État une lettre ouverte. Une lettre qui rappelle que le 6 décembre 2024, « alors que la présidente de la Commission européenne annonçait avoir conclu les négociations du contenu de l’accord » de libre-échange avec le Mercosur, Emmanuel Macron avait déclaré que ce texte « restait inacceptable en l’état », que le même Emmanuel Macron, à l’occasion du Salon de l’agriculture en février 2025, avait qualifié ce traité de « mauvais texte » et affirmé qu’il ferait « tout pour qu’il ne suive pas son chemin, pour protéger cette souveraineté alimentaire française et européenne ».

Or, selon les signataires de cette lettre, « le contenu de l’accord n’a été l’objet d’aucune modification de substance depuis décembre 2024 ». Ce qui était « inacceptable », il y a moins d’un an, serait donc acceptable, aujourd’hui, et irait « dans le bon sens ». Ils estiment que « l’analyse attentive du contenu de l’accord montre bien que l'ouverture des marchés agricoles européens a servi de monnaie d’échange ». Au profit de qui, me direz-vous ? On a une petite idée. La semaine dernière, le chancelier allemand Merz ne déclarait-il pas : « La voie est libre pour le Mercosur. » De son côté, la supplétive estonienne Kaja Kallas, chef de la diplomatie européenne, claironnait que « lors du Conseil européen, nous avons donné un mandat pour signer l’accord Mercosur ». Macron n’a pas dit les choses tout à fait comme ça…

Alors, la messe est-elle dite ?

Pour reprendre une expression décidément à la mode... On peut le craindre. Cependant, la situation est suffisamment sérieuse pour que des députés européens issus de partis allant du centre droit à la gauche (PPE, S&D, Renew, Les Verts-ALE et The Left) aient décidé, ce 28 octobre, de déposer ensemble une proposition de résolution visant à saisir la Cour de justice de l’Union européenne sur la compatibilité de l’accord UE-Mercosur avec les traités européens. Une résolution qui sera votée à la prochaine plénière, du 24 au 27 novembre prochain. Céline Imart, députée LR au Parlement européen et elle-même agricultrice, dénonce « un énième renoncement, une énième compromission de la Macronie, sur le dos des agriculteurs qui travaillent dur et sont soumis à des importations moins-disantes. Une honte ! » Marine Le Pen, de son côté, elle aussi, a réagi à la déclaration d’Emmanuel Macron : « C'est désormais plus clair : Emmanuel Macron apporte un soutien sans réserve au Mercosur, et l'Allemagne se réjouit que "le sujet ne fasse plus débat entre les pays membres". »

Réactions politiques, mais il y a la colère paysanne qui pourrait bien s'inviter dans la rue, dans un contexte politique et social déjà tendu, alors que, par ailleurs, nos éleveurs bovins doivent faire face à l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), parfois obligés par l'administration d'abattre préventivement tout leur cheptel. On ne sait pas si « les choses vont dans le bon sens », mais on se demande si elles vont bien avec bon sens.

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