
Zohran Mamdani est le nouveau maire de New-York. Cet immigré arrivé aux États-Unis à l’âge de 7 ans a mené une campagne très à gauche, séduisant les électeurs new-yorkais. Camille Galic revient sur cette élection.
Polémia
Logiques communautaires
Le plus stupéfiant dans la confortable élection, le 4 novembre, à la mairie de New York n’est pas le socialisme affiché du vainqueur, sa jeunesse (34 ans) ni même sa qualité de musulman dans une ville qui, sur 8,8 millions d’habitants, ne compterait que 300 000 mahométans. Non, l’étonnant est que, né en Ouganda d’un couple indien, le barbu mais rigolard Zohran Mamdani est un chiite, et qui tient à le faire savoir !
Un choc pour la très puissante communauté juive constituant 18,4 % de la population totale new-yorkaise avec 1,6 million de fidèles enregistrés en 2022, ce qui fait de New York la plus grande ville juive du monde, plus importante que la conurbation Tel-Aviv–Jérusalem. Le judaïsme est d’ailleurs la deuxième religion pratiquée à New York après le catholicisme (33 % de fidèles recensés) mais devant les protestants dispersés en multiples confessions.
Le succès de Mamdani s’explique sans doute par l’exode des Euro-Américains qui ne sont plus que 43 % dans la « Grosse Pomme » contre 24,7 % d’Afro-Américains, 13,2 % d’Asio-Américains et 14 % d’« autres », venus du monde arabe ou latinos. Un « grand remplacement » qui ne contribue pas peu à la paupérisation de la ville, à l’engorgement de ses services sociaux et à la faillite de son système scolaire — cela ne vous rappelle rien ?
Champion des pauvres mais « fils de »
Le successeur du sortant Eric Adams (lui aussi démocrate, mais afro-américain) a naturellement promis de remédier à cette situation catastrophique par tous les moyens, dont la gratuité des transports ou des soins médicaux et l’augmentation du parc des logements sociaux, grâce à la taxation des « ultra-riches », dont les « requins de la finance et de l’immobilier » tel Donald Trump — qui, de même que le conseil central de la communauté juive, avait appelé à voter pour l’adversaire le plus redoutable de Mamdani, le candidat dissident Andrew Cuomo. Ancien gouverneur démocrate de l’État de New York, fonction occupée avant lui par son père Mario.
Une grosse pointure donc, surtout si l’on ajoute que Cuomo fut l’époux d’une nièce de John Kennedy. Mais sa défaite (41 % seulement des voix) ne doit pas surprendre compte tenu de l’actuelle composition de New York, où l’âge médian est de 35 ans et dont 37,7 % des résidents sont nés à l’étranger. Autrement dit, une majorité de jeunes adultes déracinés dont le destin de l’Amérique est le cadet des soucis tant qu’ils peuvent se nourrir sur la bête.
Il est donc tout naturel qu’ils aient plébiscité leur alter ego Mamdani (dont le prénom signifie « le Radieux » et qui ne fut naturalisé qu’en 2018), même si le nouvel édile n’a rien d’un prolétaire.
En effet, son père Mahmoud, chercheur en sciences politiques spécialisé dans l’étude du colonialisme et du post-colonialisme et donc apôtre du « décolonialisme » furieusement en vogue outre-Atlantique, fut recteur de plusieurs universités africaines et enseigna à la Columbia University de New York, dont il dirigea l’Institut d’études africaines ; ce qui lui valut, en 2008, de figurer au 9ᵉ rang du classement international des intellectuels établi chaque année par la revue britannique Prospect et la revue américaine Foreign Affairs, fiefs gauchistes. Quant à la mère de Zohran, la cinéaste Mira Nair, originaire du Pendjab mais ancienne étudiante à Harvard, elle est tout aussi célèbre et à l’abri du besoin, nombre de ses films ayant été primés depuis Salaam Bombay, couronné au festival de Cannes en 1988.
L’avenir de « Big Apple » s’est-il joué à Gaza ?
On ne s’étonnera pas qu’avec un tel pedigree, Mamdani soit un remarquable communicant, prompt à la répartie et aussi à l’aise avec les intellectuels qu’avec les traîne-patins — ce que n’était pas l’apparatchik Kamala Harris, elle aussi de souche indienne mais candidate malheureuse à la présidentielle de 2024, où elle fut battue par Donald Trump. Pour rebondir avec éclat après ce cuisant échec, les caciques du parti démocrate ont donc tablé sur le jeune « Radieux », pourtant lui aussi apparatchik puisqu’il milite au parti de l’Âne depuis son adolescence, mais qui, formant un couple si glamour avec la comédienne Rama Sawaf Duwaji, Texane d’origine syrienne ayant passé toute son adolescence au Qatar, cochait toutes les cases de la nouveauté. Du globalisme au wokisme, mouvement qui régresse aux États-Unis mais continue à s’épanouir à New York, qu’il régissait du reste bien avant que le terme lui-même n’apparût.
Ainsi, 33 % du vote juif seraient allés au chiite Mamdani, provenant d’une part des religieux antisionistes, ceux-ci très minoritaires, mais surtout des moins de 30 ans, biberonnés dans les universités de la Côte Est au décolonialisme, et donc fondamentalement hostiles à l’image d’occupant « suprématiste » que renvoie aujourd’hui Israël, très loin de la « terre de lait et de miel » encensée par ses admirateurs. Un revirement qui devrait faire réfléchir Netanyahou et les faucons de son gouvernement, tant l’appui de la diaspora leur est indispensable.
À ce gros noyau s’est bien sûr agrégé le fort contingent des allogènes naturalisés de fraîche date, qui ne voient dans les juifs riches, si nombreux à New York, que des « super-Blancs », protecteurs et généreux donateurs de l’État hébreu pratiquant à l’égard des Territoires occupés le pire apartheid. L’idée de vider la bande de Gaza de tous ses Palestiniens afin d’en faire « la Riviera du Proche-Orient » ne fut-elle pas soufflée à Donald Trump par le clan Kushner, famille de magnats de l’immobilier dont l’un des fils, Jared, a épousé Ivanka Trump ?
Il serait présomptueux d’affirmer que le résultat de l’élection du 4 novembre s’est joué à Gaza mais, ce qui est sûr, c’est que la victoire de Zohran Mamdani, gifle pour l’establishment financier et les intellectuels américains pris au piège de l’universalisme, marque un tournant dans l’histoire des États-Unis.
Camille Galic
15/11/2025