Deux ans après, la douleur reste vive. L’enquête poursuit son cours pour tenter de déterminer, malgré le mutisme des mis en cause, l’auteur des coups de couteau mortels. Une reconstitution numérique, organisée à la fin du mois de septembre, n’a pas permis d’éclaircir toutes les zones d’ombre. Mais dans ce long processus d’investigation, un élément semble avoir été écarté du dossier. Le mobile présumé raciste de l’attaque du bal de Crépol, évoqué lors des auditions, est aujourd’hui laissé de côté par les enquêteurs.
Un document classé au mauvais endroit
Face à cette omerta, deux associations, l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF) et Résistance républicaine, entendent se constituer partie civile dans cette affaire afin de remettre au cœur du dossier la question du racisme anti-Blanc. Comme le rapporte Le Figaro, après un rejet de leur demande par la chambre d’instruction, au motif que ces associations n’avaient pas été saisies par les victimes du drame, les deux collectifs se sont pourvus devant la Cour de cassation. La plus haute juridiction a finalement cassé cette première décision, estimant que le débat contradictoire n’avait pas été respecté. Les deux associations auront donc, dans les mois à venir, une nouvelle chance de faire entendre leur voix sur ce dossier et de remettre la question du racisme anti-Blanc sur la table. L’AGRIF estime que, « sans [son] action judiciaire, il est évident que ce fait majeur ne pourra être reconnu ».
L’AGRIF s’appuie sur différents témoignages recueillis par les forces de l’ordre, au début de l’enquête. Au lendemain du drame, un premier témoin explique avoir entendu : « On est venu ici pour planter des Blancs. » Un autre raconte : « Je ne sais pas si c’est important, mais dans la bagarre, j’ai entendu "On est là pour tuer du Français". » Même version pour un troisième témoin qui rapporte avoir entendu, dans le tumulte : « On va vous crever, les petits Blancs. » Enfin, l’un des mis en cause aurait, selon une personne présente au bal, déclaré : « On vous pisse dessus, sales Blancs. » Plus d’une dizaine d’auditions rapportent ces propos anti-Blanc. Un procès-verbal de synthèse, rédigé par une enquêtrice en novembre 2023 sur les « éléments constitutifs de circonstances aggravantes », conclut : « Les auteurs des faits pourraient être venus au bal pour tuer des personnes de couleur blanche. » Mais ce document, numéroté DA43 dans le dossier, a été, sans que l’on sache pourquoi, classé au mauvais endroit entre les notifications des droits de garde à vue des mis en cause. Résultat : il n’aurait pas été porté à la connaissance de la Justice.
Le mobile raciste non retenu par la Justice, à ce stade
Par conséquent, le procureur en charge du dossier n’a jamais fait état d’un possible mobile raciste, lors de ses prises de parole. Une enquête de flagrance a ainsi été ouverte dès le 19 novembre 2023 pour « meurtre et tentative de meurtre en bande organisée » sans que la circonstance aggravante de racisme n’ait été retenue. Les mis en cause sont, par ailleurs, mis en examen pour « homicide volontaire et tentatives d’homicides volontaires en bande organisée ». À nouveau, la circonstance aggravante de racisme n’est pas retenue.
La Justice, qui se concentre notamment sur l’identification du meurtrier de Thomas, n’est pas la seule à ne pas retenir le mobile raciste, dans cette affaire. De nombreux journalistes ont également tenté de réécrire les faits ou ont occulté cet élément. On se souvient ainsi, par exemple, de Patrick Cohen qui parlait de « bal tragique » au cours duquel des jeunes du quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, étaient simplement venus « pour s'amuser, pour draguer des filles », alors qu’ils étaient en possession de couteaux… Les auteurs d'un livre sur le drame considèrent, quant à eux, que le mobile raciste est une lecture instrumentalisée de l'extrême droite...