Il y a six ans arrivait d’Asie, via l’Italie, l’Halyomorpha halys, une punaise classée « espèce invasive ». « Du mois de mai jusqu'à la récolte, elle nous détruit 40 à 50 % de la production, et à la récolte, elle pourrit 30 % de ce qui reste », précise-t-il. Au cœur du débat, l'acétamipride, un insecticide efficace pour éradiquer cette punaise, mais interdit en France alors qu’il est autorisé dans les autres pays européens.
Censure constitutionnelle
Or, après que la récente loi Duplomb sur l’agriculture a rétabli l’autorisation de son utilisation dans son article 2, cette disposition a été ensuite censurée par le Conseil constitutionnel, suscitant la colère des agriculteurs. « Monsieur Glucksmann, pourquoi avez-vous pris position contre l'article 2 ? », demande alors Thierry Descazeaux. Mais son interlocuteur préfère botter en touche, estimant que « c'était sûr que cet article allait être censuré. C'était évident, parce qu'en fait, l'interdiction de l'acétamipride, ça a été une décision prise parce que ce néonicotinoïde avait un impact désastreux sur les pollinisateurs. »
Et Raphaël Glucksmann d’oublier aussi, au passage, la seconde question de son contradicteur, qui s’enquérait de savoir ce que l'eurodéputé (et grand europhile) pensait de de la position de l'Union européenne sur cette affaire. Car, rappelle alors Thierry Descazeaux, l’article 2 en question n’était rien d’autre qu’une « remise à niveau, tout simplement aux normes européennes », puisque s'appuyant sur l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’UE « a prolongé cette molécule jusqu'au 28 février 2033, sans aucune restriction, ni sur la biodiversité, ni sur l'alimentation humaine, ni sur l'environnement, ni sur son utilisation ».
Quand la France en rajoute
BV a en effet retrouvé l’intervention, le 20 mai 2025, d’Eva Hrnčířová, porte-parole de l’EFSA auprès de la Commission européenne, au sujet du néonicotinoïde de la discorde. « Utilisé à des doses conformes à son autorisation européenne, l'acétamipride ne présente pas de danger, ni pour l'homme, ni pour la biodiversité », précise-t-elle d’emblée. Mais elle va alors plus loin, s’en prenant directement au gouvernement français, estimant « que les arguments de la France, qui avait tenté de faire changer d'avis l'Europe au sujet de l'acétamipride, ont été "jugés" par des scientifiques mandatés par l'Union européenne, comme "ne constituant pas une base solide" pour retirer l'autorisation européenne ». On ne pouvait être plus clair.
Le 18 novembre, le député EPR et ancien ministre Guillaume Kasbarian se plaignait de la manie de la gauche à interdire : « Au lieu de lever les contraintes sur nos agriculteurs, on les alourdit et on aggrave la concurrence déloyale. Après, on s'étonne qu'ils ne soient plus compétitifs. Stop aux surtranspositions. » Mais concernant l'acétamipride, il ne s’agit même plus de surtransposition mais d’inversion pure et simple de la législation européenne.
Et comme le remarque Thierry Descazeaux sur cette question, « nous sommes le seul pays au monde à ne pas avoir cette arme. Nous mourrons. Voilà où en est la filière, elle va disparaître. Et nous importons 90 % de nos fruits. »
Une polémique qui date
L’affaire n’est pas nouvelle. En novembre 2024, déjà, le directeur d’Unicoque, Jean-Luc Reigne, se faisait lanceur d’alerte, rappelant que « l’acétamipride est utilisable par tous les agriculteurs européens, sauf la France. L'Italie va pouvoir fournir, l'Espagne va pouvoir fournir. Nous, ce qu'on demande, c'est de pouvoir lutter à armes égales. » Seules deux solutions pouvaient, selon lui, être mises en place. « Soit les produits phytosanitaires utilisables chez nos voisins italiens deviennent utilisables immédiatement sur le territoire français, soit ce n'est pas le cas. Et à ce moment-là, il faut refuser que l'agriculture dont on ne veut pas exporte ses produits sur notre territoire. »
Face à l’hypocrisie ambiante concernant la concurrence déloyale manifeste créée par la censure constitutionnelle de l’acétamipride, les producteurs ont voulu montrer les preuves concrètes de la tricherie. Le 26 septembre dernier, des syndicalistes de la FDSEA et des JA ont par exemple visité des grandes surfaces de Bergerac, trouvant des noix d’Ukraine et des noisettes de Turquie au rayon bio. Pourtant, dès février 2025, Françoise Gatel, ministre chargée de la Ruralité du gouvernement Bayrou (devenue, depuis, ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation dans le deuxième gouvernement Lecornu), avait alerté sur cette mise en danger des filières agricoles du fait des surtranspositions et interdictions intempestives. « On ne peut plus accepter dans notre pays de commercialiser des produits dont on interdit la production en France. » Un propos qui justifiait, faute d'interdiction des produits étrangers, la présence de l’article 2 dans la loi Duplomb.
L’écologie punitive en roue libre
Mais face à de purs idéologues, tenant d’une écologie punitive et létale pour les agriculteurs, aucun argument n’a de prise, aussi concret soit-il. Sur LCI, face à l’évidence et faisant mine de ne pas entendre le propos de l’AFSA, Raphaël Glucksmann en a, au contraire, rajouté une louche. « Quand une décision est prise pour sauver la biodiversité, ou pour assurer la transition écologique, ou par souci de santé publique, ce qu'il faut, c'est mettre en place un fonds d'accompagnement et un fonds pour pouvoir vous accompagner et ne pas vous laisser seuls. » En clair, cela signifie que pour faire taire des producteurs victimes de concurrence étrangère déloyale, utilisateurs d’un produit que l’on estime dangereux alors qu’il ne l’est pas, les mêmes idéologues leur proposent une indemnité qui ne les empêchera pas de faire faillite et qui sera financée par les impôts des Français, les leurs compris.
Il fallait oser. Mais c’est à cela qu’on les reconnaît.