Dans un dossier de 14 pages, l’hebdomadaire anglais prévoit une détérioration catastrophique de l’économie française et l’effondrement complet des titres publics de la République. Les spéculateurs ont ouvert le feu!
Après avoir mis l’Espagne, la Grèce, le Portugal et l’Italie dos au mur, la finance anglo-saxonne a décidé, semble-t-il, de faire une nouvelle victime: la France.
L’hebdomadaire anglais “The Economist” écrit sur quatorze pages que la “faiblesse cachée” de la seconde puissance économique du continent européen, après l’Allemagne, représente une véritable “bombe à retardement”, dont l’explosion se produira tôt ou tard, et provoquera à court terme des dommges sans mesure à toute l’Union Européenne et, par voie de conséquence, au système monétaire de l’euro.
La couverture de l’hebdomadaire est éloquente: un faisceau d’horribles et immangeables pains de type “baguette”, devenus les très tristes symboles de la France à l’étranger, maintenus par un ruban tricolore comme s’il s’agissait de bâtons de dynamite... avec une mèche allumée: soit l’explosion programmée. Les articles et la couverture du magazine pourraient fort bien être pris à la légère, considérés comme une simple recherche de sensation journalistique. Mais “The Economist”, dans le passé, a souvent servi de prophète de malheur: indirectement, l’hebdo britannique avertissait, dans le plus pur style mafieux, les futures victimes de la finance anglo-saxonne. En règle générale, l’identité des futures victimes a toujours été annoncée à l’avance... En fait, “The Economist” est une des deux voix officielles des spéculateurs de la City. Comme le quotidien “Financial Times”, cet hebdo fait partie du groupe éditorial Pearson qui, depuis une bonne dizaine d’années, mène campagne contre l’Union Européenne et surtout contre son système monétaire centré sur l’euro, monnaie unique considérée comme une dangereuse concurrente du dollar en tant que devise de référence et d’échange dans les transactions internationales. Si l’euro se donne dès aujourd’hui un rôle plus important, il deviendra bien vite supérieur au dollar et mettra sérieusement en péril non seulement Wall Street et le billet vert mais aussi la livre Sterling et la place financière de la City par laquelle transitent de 70% à 75% des opérations sur titres émis en euro.
Dans ce jeu, bien mis au point par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, nous découvrons une stratégie reposant sur le principe tactique de “marcher divisés pour frapper à l’unisson”. “The Economist” et le “Financial Times”, tout comme le “Wall Street Journal” de New York, ont la prétention d’être les “consciences critiques” et autonomes du capitalisme international. Leur voix se prétend “libre et indépendante”, selon un principe très britannique se voulant “objectif”, où les textes sont soi-disant pondus “en séparant bien les faits des opinions”. En réalité, cette prétention à l’objectivité totale permet de déployer une authentique mystification parce qu’il n’existe aucun texte au monde qui ne reflète pas les idées de celui ou celle qui l’a écrit. Donc, pour éviter que l’on accuse ses articles de “subjectivisme”, “The Economist” ne publie que des textes non signés. L’article apparaît donc comme l’oeuvre d’une équipe, qui a confronté ses points de vue pour aboutir à une objectivité crédible, et non comme l’oeuvre d’un journaliste ou d’un économiste que l’on pourrait situer et considérer comme “subjectif”.
La France serait donc “une bombe à retardement au coeur de l’Europe”, selon la couverture même d’un récent numéro de “The Economist” qui part du principe qu’un Président socialiste comme François Hollande ne pourra que faire augmenter les dépenses publiques, induisant par là même un déséquilibre fort négatif des comptes de la République. La dette publique et le déficit iront de mal en pire; l’écart entre les bons du trésor et le “Bund” allemand augmentera et l’euro, de ce fait, encaissera un coup des plus durs qui l’abattera définitivement. Voilà le scénario prévu par “The Economist”.
On a donc décidé à Londres de s’attaquer à la France, ce qui signifie, en clair, qu’une guerre économico-financière vient de commencer, une guerre qui ne connaîtra peut-être pas de vainqueurs mais qui connaîtra, c’est sûr et certain, un vaincu: l’Europe. Au départ, “The Economist”, qui ne fait jamais une grande différence entre socialistes, d’une part, et libéraux ou démocrates chrétiens, d’autre part, quand il s’agit de juger les forces politiques majoritaires du continent européen, n’avait pas émis de jugements négatifs sur Hollande, au moment de sa victoire électorale contre Sarközy, parce que le nouvau président socialiste avait réclamé une politique économique différente en Europe et avait ainsi apporté quelques lézardes dans la ligne rigoriste du traditionnel front franco-allemand. En fait, Paris avait commencé à faire pression pour que l’on aide les pays en difficulté du Sud de l’Europe et pour que l’on adopte tout de suite un Fond permanent de sauvetage des Etats.
Hollande réclamait peut-être une autre politique mais elle était, elle aussi, décisionniste. Hollande pouvait se le permettre parce que l’Etat des comptes publics de la France était relativement bon et parce que les mesures de politique économique décidées par le nouveau pouvoir présidentiel socialiste permettaient à terme de récupérer 10 milliards d’euro en mesures d’austérité et 20 milliards en taxes diverses: ce train de mesures devait limiter l’augmentation de la dette à 91% à peine du PIB. Cette stabilisation aurait été possible malgré le fait que la récession s’est lourdement fait sentir en France, frappant une économie qui, comme en Italie, repose pour l’essentiel sur des petites et moyennes entreprises. Ensuite, Hollande a opté pour l’augmentation des taxes sur les entreprises, sur les dividendes et les revenus supérieurs à un million d’euro (75%). Toutes ces mesures déplaisent profondément aux ultra-libéraux anglo-saxons.
À Londres, on craint — ou peut-être espère-t-on ? — que les mesures sociales, qu’Hollande serait éventuellement amené à prendre, feraient rapidement empirer la situation, le Président socialiste ne voulant rien céder de la souveraineté de la France à l’UE, ni sur le plan politique ni sur les plans économique et bancaire. Dans ce cas, avertit et menace “The Economist”, la France finira par perdre la confiance des investisseurs et de l’Allemagne. Du reste, rappelle l’hebdomadaire anglais, plusieurs pays de la zone euro ont été bien obligés de prendre acte de la position des marchés, qui tourne souvent, et très vite, à l’hostilité. La crise des titres publics français pourrait dès lors survenir dès l’année 2013. Dans le chef de “The Economist”, c’est là une menace, dans le plus pur style mafieux.
Filippo GHIRA.
( f.ghira@rinascita.eu ; article paru dans “Rinascita”, Rome, 20 novembre 2012; http://rinascita.eu/ ).